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La Tunisie doit-elle vendre les bijoux des familles Ben Ali, Trabelsi et El Materi ?

A en croire la toute première liste, les entreprises confisquées de chez les membres des familles BAMT (Ben Ali, Materi et Trabelsi) étaient au nombre de 110. Une trentaine appartenait à Belhassen Trabelsi. Au moins autant, si ce n’est plus, à Sakher El Materi et la même chose certainement à Imed Trabelsi, pour ne citer que ces trois personnes.

On ne connaît pas encore le montant de cet important patrimoine, désormais entre les mains de l’Etat tunisien, mais il vaut certainement des milliards de dinars, en banques, hôtels, avions, biens meubles et immeubles et surtout en entreprises, dont au moins une dizaine connue de très grande taille. En 2005, les seules 16 sociétés de Belhassen Trabelsi réalisaient un chiffre d’affaires de 183,6 MDT. En 2009, le groupe Princess Holding de Sakher El Materi avait un CA consolidé de plus de 380,8 MDT.

Les 25 % de Tunisiana ont été achetés à 1,2 milliards USD. Le contrat de la 3ème licence téléphonique qui créa Orange Tunisie, avait valu plus de 257,2 MDT. Des chiffres aussi mirobolants, on pourra ainsi en citer plusieurs autres, si on ajoutait le groupe Alpha, Carthage Cement et les parts de Belhassen Trabelsi dans la Banque de Tunisie, Tunisie Sucre et autres ou encore la banque Zitouna. Un énorme patrimoine qui fait travailler des milliers d’employés et pourrait très bien faire le bonheur du Trésor tunisien qui souffrira, chaque mois qui passe, d’un manque bientôt flagrant d’argent. Pour l’instant, la Tunisie de la Révolution n’a fait que dépenser sans presque rien faire en entrées d’argent, notamment de la fiscalité directe et indirecte, en indemnités diverses, en augmentations salariales, en coûts de grèves et de sit-in, en productions et exportations arrêtées et en importations galopantes de biens de consommation. Ses besoins en fonds pour faire redémarrer l’économie et créer plus d’emplois se chiffrent désormais en dizaines de milliards de dinars.

Les besoins du prochain plan 2011-2015 sont généralement estimés à 5 milliards USD. Face à cette situation, deux solutions se font actuellement face. La première est de vendre ou privatiser les 110 entreprises ou plus, confisquées. Cette thèse est même actuellement une demande populaire, certes sous influence. La seconde est de s’endetter.

Vendre les bijoux des familles BAMT ?

Plus d’un Tunisien pense actuellement que la vente des bijoux des familles Ben Ali, Materi et Trabelsi (BAMT), rapporterait plusieurs dizaines de millions de dinars et permettrait au pays de mieux faire face à ses besoins en argent frais. Il ne fait, de plus, aucun doute, que derrière ceux qui appellent à tout vendre, soit par la privatisation soit par la simple cession, il y a un grand nombre de chasseurs des bonnes affaires. Les bureaux de la Commission de confiscation peuvent être témoins du nombre incalculable de «vautours» des affaires qui font déjà acte de candidature pour une possible reprise de nombre des 110 confisquées. Certains le font directement.

D’autres démontrent, projections pessimistes à l’appui, qu’on ferait mieux de les vendre avant que ne se dégradent leurs actifs. D’autres encore, essaient de déprécier volontairement certaines de ces confisquées, pour les acheter à bas prix. Le cas de cette tentative d’un actuel concessionnaire à l’endroit d’EVI (Ennakl Véhicules Industriels) est, à ce titre digne, de toutes les félicitations, pour une tentative avortée. Il serait cependant plus raisonnable, selon plus d’un professionnel des finances, de se poser quelques questions.

D’abord, celle de savoir si les conjonctures, nationale et internationale, sont actuellement favorables à la vente ? Dans la bourse, par exemple, il est notoire que les meilleures affaires, à l’achat, se font lorsque tous les indices sont à la baisse et que la conjoncture n’est pas à l’investissement. La valeur de l’entreprise baisse, et c’est alors l’acheteur qui fait une bonne affaire. Cela est applicable partout. La privatisation ou la vente doivent se faire dans des conditions de sérénité qui permettent la meilleure évaluation possible au profit de l’Etat tunisien. Ensuite, pourquoi vendre à l’autre des entreprises qui marchent bien et qui rapportent de l’argent ? L’exemple de Tunisiana est, à cet effet, plus qu’édifiant. Celui d’Ennakl ne l’est pas moins ou encore celui de Carthage Cement dont les actions à la bourse de Tunis se portent toujours aussi bien et la construction de son usine de ciment va très bon train dans un marché toujours demandeur de ciment.

Voyons ensuite l’exemple de la Caisse de dépôts et Consignations française, devenue véritable holding d’un Etat où, pourtant, l’économie de marché est la loi et dont les activités vont de l’immobilier aux services, en passant par un important rôle d’investisseur institutionnel, avec de nombreuses entreprises du Cac40 français, comme autant de bras armés financiers de l’Etat français placés sous le contrôle direct du Parlement. Enfin, se poser la question de savoir si ces entreprises ne sont pas, en fait, un patrimoine national puisque constituées par de l’argent public et des crédits de banques publiques et privées, argent auquel ses anciens propriétaires n’auraient pu jamais avoir accès si ce n’est leurs relations avec le pouvoir qui les y a aidés ? A les maintenir dans le giron de l’Etat, ces entreprises ne contribueront-elles pas à la croissance et à mieux soutenir l’effort d’investissement de l’Etat ?

S’endetter sur le dos des générations futures ?

Reste donc la possibilité de s’endetter. En 2011, la dette souveraine de la Tunisie était internationalement estimée à 19 milliards USD (27,6 milliards DT) contre des estimations tunisiennes de 23600 MDT, pour un PIB estimé à 63397 MDT. Selon Sami Mouley, professeur à l’université de Tunis, «la dette extérieure à moyen et à long terme de la Tunisie est estimée, à fin 2010, à 23 600 millions de dinars représentant 37,1% du PIB. En revanche, la dette extérieure à court terme est estimée, à fin 2010, à 10,6% du PIB, ce qui donne un total de la dette extérieure à 47,5% du PIB».

La Tunisie doit-elle pour autant s’endetter plus ? A cette question, le même Professeur Mouley, indique, dans un document de l’IACE, que «le recours à l’endettement externe est justifié par deux faits stylisés latents de l’économie tunisienne. Le niveau de l’épargne nationale ne permet pas de financer les besoins d’investissements nécessaires à la réalisation des objectifs de croissance durant la période à venir. De plus, notre balance courante accuse un déficit structurel, qui pourrait d’ailleurs s’amplifier en 2011 sous l’effet des mauvais résultats du secteur touristique, ce qui implique un déficit grandissant entre les recettes et les dépenses en devises et engendrer ainsi de fortes pressions sur nos avoirs en devises. De ce point de vue, les échos ici et là proposant une répudiation de la dette extérieure s’avèrent d’un non sens primaire».

Et malgré les perspectives de sorties sur les marchés pour s’y endetter, plombées par la notation souveraine de la Tunisie, Mouley reste convaincu que «le recours à l’endettement externe dans la période actuelle semble incontournable », bien qu’il trouve aussi que «la mobilisation de ressources, au titre de la dette externe, d’une enveloppe de 2 257 millions de dinars affectés au budget de l’Etat apparaît déjà disproportionnée. Quant à la mobilisation escomptée de 7 150 millions de dinars (5 milliards de dollars) de fonds dédiés et crédits d’investissement au titre de financement du programme économique et social pour la même année, la question est plus que problématique du fait que l’efficacité de ce dernier en termes de création de valeur ajoutée ne sera perceptible qu’à moyen et long terme».

Khaled Boumiza

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