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Tunis : La BCT prévoit moins de 3% de croissance pour 2013, invite le gouvernement à l’austérité et recommande un grand emprunt national.

«Nous avons passé un mauvais 1er semestre 2013, contrairement à ce qui était prévu». Ainsi parlait le Gouverneur de la Banque Centrale (BCT), qui commentait pour Africanmanager les résultats de la croissance économique pour les six premiers mois de l’année de cette année. Le 19 août, le Conseil des ministres annonçait fièrement pour ce même premier semestre 2013, un taux de croissance de 3 %, un déficit courant de 4,2 % et des réserves en devises de 107 jours. Chedly Ayari n’en trouve pas moins que ce 1er trimestre n’a pas été négatif et estime même que «comparé à 2011, nous sommes sortis de la récession», mais nuance en expliquant que «nous avons commencé un processus de reprise, très modeste, beaucoup plus modeste qu’on ne l’aurait souhaité. Ce n’est pas une catastrophe, c’est juste une toute petite croissance», conclut-il.

– La Tunisie n’est pas en faillite et les salaires seront toujours payés à temps.

Le Gouverneur de la BCT n’en demeure pas moins préoccupé par le comportement de l’économie tunisienne pour le reste de l’année et se montre même plutôt pessimiste sur la croissance. «Le maintien de ce 3 % jusqu’à la fin de l’année n’est pas évident », nous dit-il avant d’expliquer que «il faudrait pour y arriver, que les 3ème et 4ème trimestres soient performants, ce qui n’est pas sûr tant que le gouvernement n’a pas pris les mesures importantes qu’il faut». Ces mesures concernent essentiellement la stabilité politique et sécuritaire, essentielle pour une reprise de l’investissement intérieur et des IDE, une sécurisation du bassin minier au niveau de la production et de l’exploitation. «Tant que…, tant que…, tant que, on aura du mal à faire 3 % de croissance, pour l’année 2013, et on risque même de faire moins que cela », laisse enfin échapper, sceptique, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie.

Plus tard, le Gouverneur se souvient de tous ceux qui remettent en cause les chiffres présentés par le gouvernement. Sans les défendre, il dit, pourtant, en guise de réponse, que «tout ce qui excessif est sans valeur. La Tunisie a certes des problèmes financiers, mais elle n’est pas en faillite et tous les Cassandres [ndlr : Suivez son regard] finiront par se trouver ridicules ».Et d’ajouter que «il est tout aussi ridicule de dire que l’Etat tunisien est incapable de payer les salaires », assurant qu’il «n’y a aucune crainte à ce sujet», et que «sauf catastrophe, il n’y a pas de raison de penser que les recettes programmées par l’Etat pour 2013 ne rentreront pas d’ici la fin de l’année dans les caisses de l’Etat ».

– Pas de nouvelle augmentation du pétrole et l’Etat devrait restreindre ses propres dépenses.

Manifestement, cependant, plus conscient que le gouvernement des limites des finances tunisiennes, Chedly Ayari ajoute que «le seul problème est de savoir jusqu’à quel point on est capable de maîtriser les dépenses ». Il signale ainsi l’explosion du poste des subventions dans le budget (4 milliards DT d’augmentation en 2013, selon les chiffres fournis par le ministre tunisien des Finances), « ceci m’inquiète plus que les salaires» précise-t-il à ce sujet. Le Gouverneur de la BCT refuse de se prononcer de manière claire sur la question d’une possible nouvelle augmentation des prix des carburants, même s’il exclut que cela fasse partie des scénarios sur lesquels planchent actuellement les ministres Jomaa et Fakhfakh. Il pense, pourtant, qu’il «est temps d’inverser les priorités, car on ne peut plus continuer à avoir les mêmes structures de dépenses. Le modèle budgétaire qui existe depuis des années en Tunisie, devra être corrigé », dit-il. A cet effet, une chose est actuellement évidente, c’est qu’au niveau des dépenses de l’Etat, les dépenses publiques comme les voitures, les bons d’essence et autres dépenses publiques, l’heure est à l’austérité. «La consommation publique doit être régie par une approche beaucoup plus restrictive et j’aurais souhaité que le gouvernement envoie une lettre à tous ses ministres exigeant une baisse de 20 % des dépenses publiques », nous dit Chedly Ayari qui précise qu’il ne parle pas là des salaires.

– S&P avait raison et la seconde garantie américaine n’est pas encore acquise.

Questionné sur son avis sur la dernière dégradation de la note souveraine de la Tunisie par l’agence de notation Standard & Poor’s, le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie tient d’abord à s’inscrire en faux contre les méthodes de la notation, celle de S&P et celles des autres. Il n’en prend pas moins à témoin l’argumentation de cette notation, fortement politique et qui dépeint à merveille la crise politique qui secoue la Tunisie et bloque ses perspectives de croissance économique. «La lecture de S&P, et ils ont raison dans leur décision de dégradation de la note, est celle d’un investisseur privé qui anticipe. Jamais la stabilité politique et sécuritaire n’a pesé aussi lourd dans la décision économique ». Et chedly Ayari de tirer la conclusion qui s’impose après cette nouvelle notation en disant que «aujourd’hui, toute émission d’emprunt est plus que hasardeuse, prohibitive et coûtera énormément cher» pour la Tunisie. A l’entendre, même la sortie prévue sur les marché extérieur pour un nouvel emprunt de 500 MDT avec la garantie américaine, n’est pas sûre. «Sur le plan du principe, la seconde garantie américaine existe toujours. Dans les faits, elle n’est pas encore acquise», nous dit-il en ajoutant qu’il faudra «attendre l’avis du Congrès américain et l’issue de la crise politique qui secoue la Tunisie. Lors des contacts, avant l’assassinat de Mohamed Brahmi, il y avait une disposition généralement favorable. Maintenant, je ne sais plus ».

– Un grand emprunt national auprès de la Diaspora tunisienne.

A ceux qui lui rappellent, lorsqu’il évoque le tableau de chasse de la BCT avec 107 jours d’importation devises, que cela n’est dû qu’à l’endettement, C. Ayari oppose ce qu’il appelle «une certaine façon de s’endetter et met en exergue le fait que l’endettement en devises étrangères (dans un total de dette représentant 46 % du PIB) ne représente que 34 à 36 % du PIB et que le coût de cette dette, en paiement des intérêts et en amortissement du capital, n’est que de 7 à 9 %. «Cette dette augmente certes le stock de devises, tout en restant dans les limites de la soutenabilité, mais ai-je d’autres alternatives», s’exclame le Gouverneur de la BCT.

Toujours à propos du niveau des réserves en devises, Chedly Ayari affirme avoir besoin de stabiliser ce niveau à 100 jours d’importation. «Pour le moment, j’y suis et je vais faire mon possible pour ne pas tomber au dessous des 3 mois et je n’ai pas d’inquiétude à ce sujet», dit-il, rassurant.

Devant cette situation et pour faire face à la restriction des possibilités d’endettement, notamment pour le budget 2014 qui ne semble pas encore prêt, le Gouverneur de la BCT propose le recours à un grand emprunt national. «Il est nécessaire, et je le pense, que le budget 2014 devrait s’adresser principalement à ce type de ressources», assure Chedly Ayari qui estime qu’il est possible de le faire d’ici fin décembre de cette année, sans pouvoir se prononcer sur son montant. Il se souligne cependant la nécessité de s’adresser aussi, pour un emprunt national en devises, à la Diaspora tunisienne, assurant la disponibilité des Tunisiens à l’étranger à ce type d’opération.

Ce qui est sûr dans tout cela, c’est que la situation économique tunisienne est plus que préoccupante. Elle l’est d’autant plus qu’elle ne fait l’objet de l’attention des politiciens embourbés dans leurs querelles partisanes, que dans le cadre d’une utilisation politique. Le dernier communiqué du conseil des ministres a dressé un tableau plutôt rose d’une situation que d’autres trouvent catastrophique. Le Gouverneur de la BCT semble vouloir tenir le bâton par le milieu. Il gère, au mieux, et essaie de rester constructif en faisant des propositions. Sera-t-il écouté ?

Ka. Bou

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