AccueilLa UNETunisie : BCE tisse sa toile pour faire pièce à Ennahdha

Tunisie : BCE tisse sa toile pour faire pièce à Ennahdha

Très peu d’observateurs avaient acquis la conviction que le président de la République, Béji Caïd Essebsi, en lançant son initiative de gouvernement national, allait s’en arrêter là. La suite des événements est en train de leur donner raison. On n’en pensait pas moins que le « Document de Carthage » aux accents fédérateurs avait vocation à servir de balise et de référence limitées dans le temps, d’abord pour se débarrasser d’un chef du gouvernement-Habib Essid- devenu encombrant et davantage trouble-fête, mais aussi pour doter le pays d’une équipe ministérielle qui réponde aux défis du moment , conçue pour inclure le plus large éventail possible d’expressions politiques, et surtout les organisations nationales professionnelles, singulièrement l’UGTT et l’UTICA. Pari moyennement tenu au regard des réticences, voire des franches réserves exprimées à des degrés divers par les centrales, ouvrière et patronale.

A peine le gouvernement prétendument d’union nationale a-t-il été mis en place et obtenu la quitus de l’Assemblée des représentants du peuple, que le chef de l’Etat a commencé à distiller les premiers éléments de son nouveau logiciel politique, en engageant une très vaste consultation avec des figures variées de l’ensemble du spectre politique, en recevant au palais de Carthage des personnalités de l’opposition même la plus irréductible, tel que Mongi Rahoui du Front populaire, et pour faire bonne mesure, celles du parti dont il est le fondateur, tous clans confondus, et surtout le chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi.

Rien de plus ordinaire pour un président de la République qui se veut le président de tous les Tunisiens, l’arbitre suprême et le dépositaire de la conscience nationale. Mais, dans le même temps, Béji Caïd Essebsi avait d’autres idées en tête autour desquelles il s’échinait et s’emploie encore à mobiliser de larges pans de l’échiquier politique du pays. En un mot comme en mille, il s’agit pour lui de constituer « un front qui coaliserait des partis et des personnalités de l’aile moderniste pour barrer la route à Ennahdha », comme l’affirme le magazine Jeune Afrique, citant des sources proches du chef de l’Etat. C’est que le parti ci-devant islamiste ne fait qu’accroître son influence et son périmètre dans la scène politique, tirant le meilleur parti possible du démembrement de Nidaâ Tounès qui le devançait d’une courte tête à l’issue des élections législatives dont il est sorti vainqueur mais presque dans un mouchoir.

Ce serait de bonne guerre si BCE n’avait pas scellé avec Rached Ghannouchi un pacte sous seing privé qui avait en son temps, ouvert la voie au processus fondateur du Dialogue national, puis de la Constitution, et dans la foulée des élections présidentielles et législatives et enfin de la formation du gouvernement. Une alliance qui a été cependant vivement combattue par la vielle garde, toujours irréductible, du mouvement Ennahdha et de certains autres courants du parti sans entamer la détermination de Rached Ghannouchi, voire son obstination à demeurer l’alter ego politique du président de la République. Les manifestations d’effusion d’amitié entre les deux hommes et leurs assauts d’amabilité respectifs ont gardé toute leur chaleur, jusqu’au moment où le chef du mouvement Ennahdha a cessé d’être moins bienvenu au palais de Carthage, sauf pour quelques rares occurrences et occasions officielles.

Mais dans ses apparitions et déclarations publiques, Ghannouchi n’en semblait pas offusqué ni déstabilisé, protestant, au contraire, de son inentamable entente avec le chef de l’Etat, comme pour signifier que l’accord de Paris tient toujours et que rien n’est venu l’ébrécher, alors même que BCE mûrissait secrètement ses alliances, travestissait ses intentions en courtisant toute une myriade d’hommes politiques de tous bords qu’ils convertissait à sa cause et à son projet.

BCE réussira-t-il dans son entreprise au risque de provoquer un choc frontal avec son allié ? Il ne tomberait nullement sous le sens que Ghannouchi et avec lui son état-major soient à ce point néophytes et crédules pour ne pas s’apercevoir des manœuvres que diligentait le chef de l’Etat, alors qu’Ennahdha s’active en secret et sur le moyen terme du moins à s’emparer définitivement de la majorité à la Représentation nationale, à remporter les élections municipales qui se préparent même à la lente cadence qui est le leur, pour enfin bondir sur la totalité du pouvoir. Et il ne faut pas être clerc en la matière pour comprendre que tels sont ses desseins et sa stratégie au vu de l’intense travail sur le terrain que ses militants sont en train d’abattre, surtout après l’aggiornamento opéré lors de son dernier congrès.

Si le président de la République parvenait à aller au bout de la logique et arrivait à rallier à sa cause ceux qu’il est en train de poursuivre de ses assiduités, notamment Mohamed Néjib Chabbi auquel il propose d’occuper une place dans la direction de son mouvement, toute l’architecture politique de la Tunisie serait alors radicalement ébranlée fatalement au grand dam d’Ennahdha.

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