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Tunisie : Ce que les Américains préparent pour la Tunisie. Trump suivra-t-il ?

Les spéculations vont bon train au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sur ce que sera la politique étrangère des États-Unis dans la région sous l’administration Trump. Une étude menée par deux chercheurs du centre Rafik Hariri pour le Moyen-Orient, soutiennent qu’en ce qui concerne la région du Maghreb, l’administration Trump gardera probablement le même niveau d’engagement que celle d’Obama, bien qu’elle mette l’accent sur des priorités politiques différentes.

Plusieurs nominations au nouveau cabinet de Trump, comme celles des généraux à la retraite Michael Flynn et James Mattis, donnent à penser que la nouvelle articulation diplomatique américaine sera non interventionniste, sauf dans les cas qui ont une prise directe sur la sécurité nationale des États-Unis. Cette vision du monde emprunte quelques traits à celle de l’administration Obama, qui s’était efforcée de sortir les Etats-Unis des bourbiers du Moyen-Orient. Toutefois, cette perspective mondiale sera probablement fondée sur le paradigme de la « forte sécurité d’abord » qui met l’accent sur l’instauration de l’ordre et de la stabilité dans les pays étrangers autant que sur le soutien au pluralisme et à la démocratisation. Elle pourrait également refléter la préférence présumée de Trump pour les hommes forts et les personnalités faisant autorité dans la région et ailleurs.

Michael Flynn choisi par Trump comme le conseiller en sécurité nationale de Trump, est un critique volubile et zélé non seulement de l’extrémisme musulman, mais aussi de la religion elle-même. Dans un discours prononcé en août 2016, le général trois étoiles à la retraite a déclaré que l’islam n’est pas une religion, mais une idéologie politique, et que l’islam est comme un «cancer malin». Une telle rhétorique du premier cercle de Trump suggère que le nouveau gouvernement pourrait noircir le trait des organisations islamistes internationales davantage que les administrations précédentes et, en termes de politique, cela pourrait conduire à classer le mouvement des Frères musulmans comme organisation terroriste étrangère.

L’Afrique du Nord ne sera certainement pas une priorité régionale pour Trump. Les seuls cas où le magnat de l’immobilier a mentionné la région pendant sa campagne électorale, c’était en parlant de la Libye, et uniquement au titre de la lutte contre l’Etat islamique (Daech). Pourtant, il ne fait aucun doute que les politiques de la nouvelle administration auront des conséquences pour les pays du Maghreb.

Evolution « minimale » à l’égard d’Alger et de Rabat

L’évolution de la politique US à l’égard du Maroc et de l’Algérie sera probablement minimale. L’administration Trump maintiendra et renforcera probablement les liens entre les États-Unis et Rabat même si un parti islamiste y détient la majorité au Parlement. Cette approche favorable au pays est due à la stabilité de la monarchie marocaine et au consensus relativement large dont elle jouit. L’administration Trump peut également renforcer les relations avec l’Algérie, qui joue un rôle essentiel dans le maintien des opérations de sécurité et de lutte contre le terrorisme en Afrique du Nord. L’attention que le président Trump attache à la stabilité sera bien accueillie par les dirigeants des deux pays. Pour l’Algérie en particulier, cela signifiera probablement davantage d’appui à la coopération contre le terrorisme, qui est une priorité de longue date pour les décideurs politiques algériens.

Tunisie : La sécurité avant la démocratie

Alors que le soutien des États-Unis à la stabilité de la Tunisie se poursuivra en matière de développement politique et économique, il sera conçu sous l’angle de la sécurité plutôt que sous celui de la promotion de la démocratie. Une politique étrangère axée sur la sécurité poussera Trump à mettre l’accent sur le soutien à l’armée et aux forces de sécurité et à aider les efforts menés contre le terrorisme en Tunisie. Par conséquent, même si l’on reconnaît clairement l’importance du développement économique pour la stabilité du pays, l’aide à la sécurité sera la principale voie d’action pour cette dernière.

Il n’en résultera pas de conséquences immédiates sur la politique étrangère de la Tunisie, largement tributaire du soutien sécuritaire de l’Occident, notamment depuis les attaques terroristes de 2015. Une relation étroite avec les États-Unis est tout bénéfice pour la position du pays dans la région et au sein de la communauté internationale. Cependant, les politiques de Trump pourraient avoir un impact sur la politique intérieure tunisienne. La ligne anti-islamiste de l’administration américaine peut lui compliquer la tâche de travailler avec un gouvernement tunisien dans lequel un parti islamiste, Ennahda, joue un rôle important. Mais à l’instar du parti islamiste marocain, le mouvement Ennahdha a apporté la démonstration de sa capacité à agir dans un environnement pluraliste et à respecter les règles du processus de démocratisation. Dans le même temps, le mouvement Ennahdha pourrait avoir du mal à traiter avec une administration ouvertement anti-islamiste, mais il a scellé un certain nombre de compromis cruciaux ces dernières années et les dirigeants du parti reconnaissent l’utilité d’une relation forte avec l’administration Trump.

L’ « admiration » de Trump pour Sissi

Mais c’est sur la Libye que la politique étrangère de Trump aura probablement l’effet le plus sérieux. Le soutien déclaré de Trump aux hommes forts et aux vues anti-islamistes de l’administration poussera probablement les Etats-Unis, et peut-être leurs principaux alliés européens, à soutenir l’Egypte et son mandataire, le général Khalifa Haftar, dont l’armée nationale libyenne mène une guerre contre les islamistes dans l’Est de la Libye. Trump a exprimé à maintes reprises son admiration pour le chef égyptien Abdel Fattah el-Sissi et à sa lutte antiterroriste contre les extrémistes islamistes. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, a récemment rencontré le vice-président Mike Pence pour discuter des efforts communs américains et égyptiens en matière de sécurité. Des liens étroits entre Trump et Sissi pourraient pousser l’administration à appuyer Haftar et son combat anti-islamiste et à abandonner le soutien au processus soutenu par les Etats-Unis qui a débouché sur la formation d’un gouvernement d’unité faible.

Ceci pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la situation en Libye. Un changement de la communauté internationale, mené par les États-Unis, pourrait donner des ailes à Haftar pour renforcer son autorité dans tout le pays et poursuivre ses plans hégémoniques. Cela pourrait diviser le pays en deux ou plusieurs zones d’influence, ou pire, mener à une guerre totale entre l’armée nationale libyenne d’Haftar et ses adversaires occidentaux. Cela aurait un effet durable et dangereux sur la population libyenne, déjà aux prises avec la crise économique et des troubles sans fin.

Le changement de cap de Trump vers la stabilité et la sécurité, tout en ne constituant pas une refondation de la politique des États-Unis dans la région, sera perçu différemment par les différentes parties prenantes de chaque pays. Les activistes de la société civile, les défenseurs des droits de l’homme et les partisans de la démocratisation réagiront négativement à ce qu’ils perçoivent comme un changement pro-autoritaire, tandis que les classes moyennes et les entrepreneurs vont probablement accueillir le soutien de l’administration américaine aux efforts de stabilisation de leurs propres gouvernements.

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