AccueilLa UNETunisie : Chahed saura-t-il tenir le coup ?

Tunisie : Chahed saura-t-il tenir le coup ?

A bien des égards chef de gouvernement atypique, comparé à la légion de ses prédécesseurs depuis la Révolution, Youssef Chahed bouclera bientôt sa « première » année à la Kasbah. Y restera-t-il le temps de terminer le travail qui lui a été assigné ? Nul ne peut jurer de quoi que ce soit alors des voix, subliminales chez les uns, explicites chez les autres, appellent à son départ et que par-dessus tout, une vox populi presque massive lui est acquise, il est vrai, beaucoup moins pour l’ensemble de ses prestations que pour sa croisade contre la corruption.

Tirant sa légitimité de ce document fondateur, celui de Carthage, instituant le gouvernement d’union nationale, le nouveau maître de céans, porteur d’une vision qui ne le serait pas moins, s’est attelé à la tâche qui requiert, disait-il, « des efforts, des sacrifices, de l’audace, du courage, de l’abnégation et des solutions sortant du cadre classique ». Il s’agissait de s’attaquer aux priorités que voici : « remporter la bataille contre le terrorisme, déclarer la guerre à la corruption et aux corrompus, augmenter le taux de croissance pour créer de l’emploi, maîtriser les équilibres financiers et s’atteler à la question de la propreté et l’environnement », détaille-t-il encore.

Ce que le gouvernement a livré sitôt investi par le Parlement peut être rangé sous les traits d’une dichotomie à deux variantes diamétralement opposées. D’une part, des succès tantôt retentissants, moins souvent sobres en matière de lutte contre le terrorisme, et un démarrage sur les chapeaux de roue de l’expédition contre la corruption et les roitelets qui la régentent en potentats dont certains sont soit placés en résidence surveillée, soit jetés en prison, comme l’avait promis Chahed à l’aube de son mandat. D’autre part, le fiasco, allant s’envenimant, qui est celui de très larges compartiments de l’économie et des finances , avec un chômage qui ne donne aucun signe de reflux, des déséquilibres financiers au plus mal, une balance commerciale dont le déficit est à la lisière des 9 milliards de dinars, un dinar fortement malmené, un Etat qui racle les fonds de tiroir au point d’avoir beaucoup de mal pour payer ses fonctionnaires, le tout quand même atténué par une croissance dont on prévoit qu’elle irait jusqu’à 3 pour cent cette année, alors qu’il en faut bien davantage pour sortir de l’ornière.

Attendu au tournant !

Une configuration où le gouvernement ne serait pas loin de l’allégorie d’un corps hémiplégique auréolé pour une partie d’une santé vigoureuse et pour l’autre miné par un composé de maux atrophiants, ce qui dans tous les cas de figure ne le met pas en état de mener sans accrocs, forcément majeurs, les multiples chantiers cruciaux auxquels il est en train de s’atteler. Des brèches où ses adversaires ne se font pas faute de s’engouffrer, soit pour exiger un remaniement « profond », soit carrément pour sommer le chef du gouvernement de s’en aller s’il lorgnait la magistrature suprême et se portait effectivement candidat aux élections présidentielles de 2019. Rached Ghannouchi, auquel on prête l’intention d’entrer dans la course, semble vouloir aller vite en besogne en éliminant ainsi un rival très sérieux en la personne de Youssef Chahed. Mais c’est compter sans un autre rival très sérieux, l’actuel locataire du palais de Carthage qui a lâché pas plus tard que jeudi, en recevant une délégation du club de football l’Espérance, une saillie qui prête à toutes les interprétations en disant : «notre engagement, a priori, se termine normalement en 2019. Le reste relève de la volonté divine».

« Dialogue social »,  expédient de circonstance !

Sans devoir lire dans les astres, le chef du mouvement Ennahdha semble pour l’heure avoir une autre priorité, celle de « sauver le pays de la noyade » en préconisant un « dialogue social », une sorte de « mère de toutes les batailles » sous la forme d’une gigantesque réforme de l’économie pour l’arracher aux désastreux indicateurs qui la plombent et pourraient mener à une explosion sociale face à laquelle l’Etat serait totalement désarmé, ne pouvant, avec les moyens à sa disposition, ni désamorcer ni même traiter, ce qui menace même les fondement de cet Etat. Autrement dit, les institutions du pouvoir en place ne sont nullement à même de gérer la situation et feraient mieux de laisser la place à des instances issues de ce dialogue social, une proposition qui a, d’ailleurs, l’aval du directeur exécutif de Nidaâ tounès, Hafedh Caïd Essebsi, qui en a proposé une par bien des côtés similaire sous l’appellation de « dialogue économique ».

Youssef Chahed pourra-t-il, mieux, saura-t-il stopper net cette offensive, apparemment concertée ? Pour peu qu’il réussisse à consolider son assise et renforcer le capital confiance et de popularité qu’il a conquis à la faveur de la campagne anti-corruption, laquelle, faut-il le noter, donne quelques signes d’essoufflement, il n’est pas exclu qu’il y arrive, et uniquement en ajoutant à son registre d’autres percées, si minimes soient-elles , mais obligatoirement porteuses d’espoir pour des millions de Tunisiens qui ne voient rien venir en termes d’emploi et de développement, fondateurs d’un léger mieux.

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