Tunisie : Trump ne sera pas le messie sauveur de la Tunisie, selon Atlantic Council

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Bien que la Tunisie soit encore vue d’un bon œil à Washington, il est peu probable que les États – Unis soient leur sauveur. Nonobstant l’idée que Washington se fait de la Tunisie en tant que transition démocratique réussie, l’état d’esprit qui règne dans la capitale fédérale ne se traduira pas dans un grand volume d’aide qui résoudra par magie les difficultés sécuritaires et économiques de la Tunisie. C’est uniquement en puisant dans ses propres ressources que la Tunisie pourra achever sa transition démocratique, selon le think tank Atlantic Council qui reprend une analyse faite par Oussama Romdhani et publiée par le centre de réflexion politique américain The Atlantic Council.

Pour certains à Washington, et dans une plus grande mesure en Occident, la Tunisie est un rappel de ce qu’aurait pu être le « printemps arabe ». Pour d’autres, elle est la seule justification des attentes trop optimistes de l’Amérique concernant les soulèvements qui ont secoué le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord depuis 2010. En aucun cas, cependant, l’expérience de la Tunisie ne justifie l’empressement à faire des généralisations hâtives sur un invraisemblable effet domino d’une démocratie dans les pays arabes.

Même le président tunisien Beji Caïd Essebsi s’est, depuis, employé à tordre le cou à cette notion. « Il n’y a pas de printemps arabe, c’est juste le début d’un printemps tunisien, » a-t-il dit. Le cas de la Tunisie, aux yeux de la plupart des Occidentaux, est, en fait, un rappel a contrario des guerres, de la violence et de la dévastation qui ont frappé de nombreux pays de la région après 2011. Ainsi, naturellement, la question qui interpelle encore en Amérique et en Europe: Pourquoi la Tunisie et pas d’autres pays arabes?

Tout simplement parce que, depuis l’Indépendance, sinon depuis le 19ème siècle, la Tunisie a connu une évolution différente de celle de la plupart des autres pays arabes. En 2010, sa société s’est débarrassée de son système politique, et ce ne fut que la cautèle de ses dirigeants d’alors d’introduire une véritable réforme qui a précipité la révolution. Dans d’autres pays arabes, aucune de ces conditions n’était remplie, et l’intervention et la violence étrangères pourraient ne pas suppléer à leur absence. Elles ne pouvaient qu’envenimer les choses. Ce qui fut fait.

La Tunisie n’est pas au bout de ses peines

De la manière dont elle s’ordonne, la Tunisie n’est pas encore au bout de ses peines. Elle n’a pas encore trouvé un moyen pour relancer son économie en panne, donner une perspective à sa jeunesse mécontente et protéger le pays contre le terrorisme.

Les experts et les responsables de Washington sont conscients des nombreux défis auxquels la Tunisie faire face. Mais les Américains, tout autant que les Européens, sont trop accaparés par leurs propres préoccupations nationales pour examiner toute initiative de soutien économique majeur. L’Occident, au demeurant, ne fait plus de plans Marshall.

Il est vrai que presque tous les politiciens et les experts américains veulent que la Tunisie réussisse. Mais on sera en peine de trouver quelqu’un qui soit assez enthousiaste pour payer la facture des défis socio-économiques du pays. Il est difficile de mobiliser les enthousiasmes pour un pays dont la transition démocratique et pacifique est susceptible de rester une « anomalie » régionale, un îlot de réussite relative dans un océan de chaos.

Bien que la transition de la Tunisie puisse être au cœur du débat sur l’implication américaine dans le monde arabe, la nature du débat a changé ces dernières années. Il semble y avoir une fixation non déclarée pour les hommes forts, qui habite la classe politique en Occident, sans parler de parties de la région arabe elle-même.

La politique en Libye en est la meilleure illustration. La priorité pour les Etats-Unis et les puissances européennes semble être de trouver « quelqu’un ou quelque chose » qui puisse limiter les risques de la migration clandestine et les retombées djihadistes.

Les défenseurs de la démocratie occidentale sont aussi déçus qu’une transition démocratique réussie ne se soit pas avérée comme l’antidote de l’extrémisme et du terrorisme. D’où la difficulté de comprendre comment un modèle démocratique lauréat du prix Nobel de la paix peut aussi être un exportateur de djihadistes.

Les Tunisiens sevrés

Alors que l’Amérique et le reste de l’Occident ont tout surmonté sauf leur vœu pieux que l’expérience tunisienne pourrait en quelque sorte être reproduite dans toute la région, les Tunisiens se sont progressivement sevrés de l’idée que l’Occident finira par fournir l’aide qui apporte le salut.

La Tunisie ne peut pas attendre de l’Amérique et de l’Europe qu’ils l’aident à s’en sortir ni qu’ils doivent le faire. Le risque que la Tunisie soit considérée comme une simple fierté de la précédente ‘ administration américaine-un risque dont les politiciens tunisiens sont conscients- pourrait affecter sa perception par l’administration Trump. Bien que la Tunisie ait un long chemin à parcourir, le pays peut arriver à bon port en comptant sur ses propres énergies, nonobstant les réserves.

Il appartient à la classe politique tunisienne de mobiliser ses énergies pour gagner la bataille de la transition socio-économique, plutôt que de s’embourber dans des luttes politiques internes bornées. Et c’est une bataille qui peut être gagnée.

Une reprise durable en Tunisie ne peut se produire, cependant, en l’absence d’un règlement définitif de la crise libyenne. Une solution en Libye apporterait la paix aux Libyens et une meilleure sécurité en Europe. Cela pourrait également signifier des frontières plus sûres, plus d’emplois et plus d’opportunités d’affaires et de commerce pour la Tunisie. « Nous estimons que la crise libyenne pourrait avoir contribué dans une proportion de 24 pour cent à la baisse globale de la croissance de la Tunisie au cours des cinq années 2011-2015, » note la Banque mondiale dans un récent rapport. La corrélation entre le socio-économique et ce qui a trait à la sécurité devrait inciter les Etats- Unis et l’Europe à apporter leur aide. Ce ne sont ni la peur ni les vœux pieux qui devraient guider l’agenda de l’Occident concernant la Tunisie.

Mais la Tunisie ne peut pas attendre que les Etats-Unis ou l’Europe parviennent à mettre fin à la guerre en Libye. Au regard des facteurs régionaux et nationaux, la Tunisie aura à mener une bataille contre vents et marées pour voir sa transition politique conduire à un changement socio- économique. Le succès sur la voie de la réforme économique et sociale déterminera les chances de la Tunisie de s’offrir une sécurité et une stabilité à long terme.

Le pire scénario qui peut se dérouler est celui qui associerait une indifférence bienveillante de la part de l’Occident et la désillusion totale des Tunisiens. Mais, dans tous les cas de figure, le printemps tunisien sera le sous-produit de ce que les Tunisiens pourront apporter au bout du compte.

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