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Tunisie : Un remaniement qui fâche, mais dans le droit fil de la Constitution !

La littérature politique enseigne que tout remaniement ministériel, de quelle qu’envergure qu’il soit a une logique. Celui que vient de décider en a indiscutablement une qui s’offre cependant à plus d’une grille de lecture. Convenons dès l’abord que cet exercice des chaises musicales n’a rien de technique ; il est éminemment politique et pourrait donner lieu à une crise de la même eau. En limogeant le ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Abid Briki, issu du sérail syndical, et surtout en le remplaçant par Khalil Ghariani, dirigeant et non des moindres de l’organisation patronale, Youssef Chahed a indiscutablement mis en boule l’UGTT déjà remontée contre lui pour avoir maintenu le ministre de l’Education, Néji Jalloul en lui renouvelant de façon si éclatante sa confiance alors que sa tête est invariablement demandée pas les bases de la centrale syndicale et plus récemment par son secrétaire général nouvellement élu.

A la vérité, c’est moins le départ de Briki que la nomination de son successeur qui cristallise la levée de boucliers de l’Organisation ouvrière. Et elle a été prompte à le signifier dans des déclarations où la « surprise » le dispute à la virulence. Dans la bouche des responsables syndicaux, le remaniement est « injustifié », « contraire au Document de Carthage basé sur les principes du dialogue et du consensus » dont Youssef Chahed « vient de signer l’arrêt de mort », une « provocation des sentiments de tous ceux qui appartiennent au secteur public », alors que le nouveau ministre de la Fonction publique est affublé du titre de « représentant de la centrale patronale, un adepte de l’économie libérale ».

La politique étant, entre autres, un art du timing, Youssef Chahed semble s’y initier avec maestria, prenant tout le monde de court, plus est durant le weekend, et après avoir rencontré le « démissionné » sans lui avoir touché un mot du sort qui l’attendait, dit-on, alors que Briki semblait attendre le moment propice pour annoncer officiellement sa démission dont il avait, révélait-il, pris la décision depuis un certain temps. Youssef serait-il le maître d’œuvre de tout cet épisode ? D’aucuns en attribuent la paternité au président de la République, Béji Caïd Essebsi, réputé très versé dans cet art, pour autant que ses prérogatives lui interdisent constitutionnellement d’intervenir dans la nomination autant que dans la révocation des ministres. D’autres vont même jusqu’à voir dans ce remaniement l’empreinte du binôme BCE-Ghannouchi. Le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, le croit dur comme fer, voyant, du reste, dans le remaniement rien moins qu’une « provocation ».

La crise, plus qu’une certitude !

Au vu de la virulence de la réaction de l’UGTT, il n’est sans doute pas exclu que le pays s’achemine vers une crise politique et sociale dont nul ne peut prévoir à l’heure qu’il est les retombées. Le secrétaire général de l’Organisation ouvrière, Noureddine Taboubi doit rencontrer demain lundi le chef du gouvernement, Youssef Chahed, à la demande de ce dernier. Sauf miracle, on ne peut normalement pas s’attendre à un développement qui puisse briser la glace entre les deux hommes, ce qui ouvrirait la voie bien large à une crise non seulement politique mais aussi et surtout sociale. Les grèves, les sit-in et d’autres formes de mouvements sociaux seraient dès lors dans le pipe, avec leurs néfastes conséquences sur une situation économique déjà extrêmement alanguie avec une croissance presque à la valeur nulle et un Fonds monétaire international déterminé à voir les réformes qu’il a « recommandées » se mettre en œuvre de la façon qu’il indique sous peine de fermer le robinet des prêts, comme il l’a fait pour la deuxième tranche du crédit prévu pour être déboursé en décembre dernier.

Chahed dans son droit de remanier son gouvernement

En décidant comme il l’a jugé bon de le faire, de remanier le gouvernement qu’il préside, Youssef Chahed, semble avoir agi dans le cadre des prérogatives qui lui sont reconnues par la Constitution, même si l’adjoint du président de l’ARP chargé des relations avec les instances constitutionnelles, Habib Khedhr, le lui reproche avec véhémence. En effet, la Loi fondamentale, dans son article 92, stipule clairement que « relèvent de la compétence du chef du gouvernement…la cessation de la fonction d’un ou de plusieurs membres du gouvernement ou l’examen de sa démission, et en concertation avec le président de la République en ce qui concerne le ministre des Affaires étrangères ou le ministre de la Défense ».

Parler dès lors de l’obligation pour le chef du gouvernement d’obtenir la confiance de la Représentation nationale impérativement réunie en séance plénière, serait une pure création de l’esprit. D’autant qu’il lui serait fait obligation, selon le même parlementaire, d’envoyer à l’ARP un dossier comprenant une liste des noms proposés pour des portefeuilles ministériels, et de solliciter une séance plénière pour un vote sur cette liste. Et ce n’est qu’après tout ce processus impliquant la prestation de serment devant le président de la République, que seront connus les nouveaux ministres par voie de parution au Journal officiel. Donc tout raccourci serait illégal, selon cette jurisprudence !

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