AccueilLa UNETunis : Frikha mentait-il sur toutes les lignes ?

Tunis : Frikha mentait-il sur toutes les lignes ?

De passage sur Radio Express FM, dans la journée du mercredi 2 septembre 2015, le fondateur de la compagnie aérienne privée Syphax, Mohamed Frikha a annoncé «qu’il compte ne pas se conformer à la décision du CMF lui ordonnant de faire une offre publique de retrait de Syphax du marché alternatif de la bourse de Tunis», décision dont il a aussi dit que «elle n’est pas fondée».

Interrogé par Africanmanager sur cette position de M. Frikha, le président du CMF nous indiqué que «les décisions du Conseil du marché financier sont légalement assimilées à des décisions de justice». Salah Essayel nous donne à cet égard lecture de l’article 42 de la loi 94/117 qui stipule que «toutes les décisions du conseil sont motivées et susceptibles d’appel devant la Cour d’Appel de justice». Ainsi, et à moins que Syphax n’ait déjà fait appel de cette décision, ce que ne confirme pas le président du CMF, la non-application de ladite décision imposant une OPR reviendrait-elle à un refus d’appliquer une décision de justice.

Sur les ondes d’Express Fm, Frikha a aussi affirmé qu’il est «en train d’élaborer avec le cabinet KPMG, un plan de reprise (de sauvetage) de la compagnie qui devrait lui permettre une reprise de ses vols à compter du 17 octobre prochain». Après contact, par nos soins de presque toutes les parties concernées, cela semble presqu’improbable et théoriquement du domaine de l’impossible.

  • Syphax n’a pas son AOC et ne pourra pas voler sans !

Selon Chedly Damergi, DG de la société «Sabena Technics», société française installée en Tunisie et chargée de la maintenance des avions de Syphax Airlines, «le contrat de maintenance de ces avions a été déjà résilié en date du 15 août pour non paiement de la facture prévisionnelle qui lui a été envoyée. Syphax n’a donc plus de contrat de maintenance, pourtant, un  document essentiel pour la reprise des vols. Syphax avait cependant conclu un contrat de maintenance avec «Tunisair Technics». Or, ce dernier contrat n’est pas suffisant pour permettre à la compagnie de reprendre ses vols. «A notre contrat, il manque ce qu’on appelle la Part M, partie pour laquelle nous ne sommes pas agréés », nous confirme Imed Mhiri, DG de «Tunisair Technics».

Cette impossibilité de vol avec le contrat sans Part M, nous a d’ailleurs été confirmée par le DG de l’aviation civile Habib Mekki. «Je ne suis pas au courant de cette information de la reprise des vols de Syphax le 17 octobre prochain. D’abord parce que son AOC (Permis de voler) est encore suspendu depuis le 26 août et pour une période indéterminée. Il devra d’abord reprendre son AOC et pour cela,  il doit répondre à des conditions techniques. Il a l’obligation d’avoir un organisme qui suit sa navigabilité et lui assure la maintenance. La résiliation de son contrat avec Sabena Technics le rend défaillant à ce propos. Il a certes signé un contrat avec «Tunisair Technics ». Ce contrat, ou cette convention, ne concerne que la maintenance  en ligne et ne couvre pas la «Part M» qui concerne le suivi et la gestion de la navigabilité. Tout ceci fait qu’il ne peut, pour l’instant, pas reprendre son AOC» a précisé le DGCA à Africanmanager dans une déclaration téléphonique,  mercredi 2 septembre 2015.

  • Il n’a plus ses deux avions, qui auraient été repris par l’affréteur

Et le DGCA, qui n’excluait toujours pas la possible reprise de l’AOC si Syphax arrivait d’ici là à résoudre ses défaillances, de nous livrer l’information qui changera toute la donne. «Aujourd’hui, on a entamé les procédures de radiation de deux avions de Syphax du registre tunisien d’immatriculation des aéronefs civils, car ils vont être repris par l’affréteur allemand», nous annonce Habib Mekki.

L’information nous a été aussi confirmée par le DG de «Sabena Technics» Chedly Damergi, dans une communication téléphonique avec Africanmanager. Damergi qui estime à ce propos, que «de toutes les façons, c’est fini. Syphax loue des avions qui ont été déjà repris par la société allemande auprès de laquelle Syphax les avait affrétés. J’ai arrêté le contrat avec Syphax et j’ai fait un autre contrat avec le propriétaire qui va reprendre les deux avions d’ici la semaine prochaine » nous a-t-il dit. Et d’ajouter, lorsque nous lui rappelions les déclarations de M. Frikha sur Express Fm, que «je pense qu’il est en train d’essayer juste de gagner du temps». La question serait alors, à quelle fin ?

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Extrait du pacte d’actionnaire entre la CTKD et Telnet

Il n’est cependant pas exclu, dans l’absolu, que Mohamed Frikha puisse trouver les moyens financiers pour affréter de nouveaux avions, d’assurer leurs contrats de maintenance technique, de boucler leurs contrats d’assurance (Il a quitté le pool d’assureurs où se trouve notamment Tunisair et devra discuter seul) et de réussir les procédures de leur introduction dans l’AOC s’il parvenait à la reprendre. La très difficile situation financière de Syphax est désormais de notoriété publique. Il a  certes, comme il l’avait d’ailleurs affirmé sur la radio, vendu des parts de Telnet pour injecter de l’argent frais dans la compagnie. Mais un des objectifs du nouvel actionnaire, mis noir sur blanc dans le pacte d’actionnaire conclu avec le CTKD qui est actionnaire 27,67 % de Telnet (Voir notre document) publié par le CMF, est justement sa ferme intention «d’alléger la position de Telnet chez Syphax ». Il faudra alors qu’il trouve de nouveaux financiers pour payer la location mensuelle, par exemple, d’un A320 qui est de 200 à 250 mille USD par mois, selon les professionnels du secteur.

S’agissant de la déclaration du fondateur de Syphax qu’il va rembourser ses clients, nous avons joint le président de la FTAV (Fédération tunisienne des agences de voyage) pour savoir si cela a commencé à être fait. Interviewé au téléphone, Mohamed Ali Toumi nous a déclaré que «rien n’a été fait. Les agences de voyage n’ont enregistré aucun remboursement sur le montant des 320 mille DT et nous comptons porter pour cela plainte conjointement avec l’IAT». Les voyagistes attendent donc toujours.

  • Le Falcon a bel et bien été saisi, avec ses comptes et ses actions …

«S’agissant de l’information relative à la saisie de l’avion Falcon 900, Mohamed Frikha a démenti, sur Express Fm, cette rumeur en précisant que l’avion est bien autorisé à voler actuellement selon le registre de la DGCA de l’aviation civile», rapportait ce mercredi 2 septembre 2015 le site boursier Tustex qui transcrivait les propos de Frikha. Cela aussi n’est pas complètement vrai.

Il y a d’abord le fait que cet avion, encore immatriculé (TSJSM) au nom de Sakher El Matéri et à bord duquel se déplace le leader du parti Ennahdha auquel appartient aussi Frikha, est une propriété personnelle de Mohamed Frikha et ne figure donc pas dans l’AOC délivré par la DGCA. Ce Falcon a pourtant déjà fait l’objet, depuis le 18 août, d’une saisie conservatoire de la part de l’ATCT (Aviation Training Center of Tunisia). Cela nous a été confirmé par Me Ezzeddine Mhedhbi, avocat du Centre. «Le 18 août 2015, nous avons procédé à une saisie conservatoire sur le Falcon 900 immatriculé sous TSJSM. Le même jour, nous avons aussi fait saisie sur ses comptes bancaires et postaux, sur ses actions Syphax et Telnet. Ce que j’ai entendu sur Express Fm, Belhassen Trabelsi n’aurait pas fait meilleure déclaration et aurait certainement eu honte de tenir les propos tenus par lui [ndlr : Mohamed Frikha]. En 36 ans de carrière, je n’ai pas vu autant d’indécence», affirme l’avocat de l’ATCT à Africanmanager. On notera que la décision judiciaire de cette saisie aurait été déjà apposée sur la porte du hangar où est parqué l’avion de M. Frikha, selon des sources officielle à l’ATCT. Il semblerait, cependant, que ce qui expliquerait le déni de la saisie sur le Falcon, que Frikha ait fait opposition sur cette saisie et en ait obtenu une suspension des procédures de poursuite et d’exécution.

  • … ET une pile d’actions en justice

L’avocat nous cite ensuite un nombre important d’actions en justice dont ferait l’objet l’homme d’affaires et député d’Ennahdha. «Il y a d’abord ses déclarations, faites sur Mosaïque fm [en date du mardi 1 septembre], qui vont faire l’objet d’une plainte qui sera déposée par la compagnie Naft Airlines, société iranienne de transport, qui l’accuse de l’avoir escroquée de 1,2 millions d’euros. Une autre plainte sera déposée par la société libyenne d’aviation qui l’accuse de l’avoir escroquée pour 2,2 millions de dollars après avoir laissé les pèlerins en rade. Les Allemandes [ndlr : affréteurs] de l’A319 ont chargé l’avocat Slaheddine Caïed Essebssi de faire opposition de la décision du tribunal de Sfax2 de suspendre les procédures contentieuses et d’exécution le 4 septembre. Les dirigeants d’Agil, société auprès de laquelle il a une dette de 23 MDT, fera aussi opposition auprès du même tribunal à Sfax. Notre Cabinet, qui représente l’iranienne Naft, une société suisse qui demande 450 mille euros, la compagnie libyenne, on fera la même chose le 7 septembre 2015 au nom de l’ATCT» nous dit Me Mhadhbi qui ajoute à la liste des plaignants, les aéroports de Paris (ADP) comme tierce partie intervenant dans le dossier d’un autre plaignant. «Avec tout cela, il obtient la suspension des procédures contentieuse à Sfax, ce qui est au-delà de tout entendements», commente l’avocat avant de conclure que «ce qui se passe n’a même pas été fait par les Ben Ali et les Trabelsi».

Mohamed Frikha tiendra samedi prochain, à en croire un communiqué dont nous avons reçu copie, une conférence de presse au siège de l’Utica à Sfax (!). Dira-t-il tout cela ?

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