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Tunisie : Où vont les millions de l’UGTT ?

Le 23ème congrès de la toute puissante centrale syndicale ouvrière tunisienne (UGTT), a été l’occasion de publier les états financiers de cette organisation de défense, parfois de défonce, des droits des travailleurs. La première remarque est que, dans leurs rapports, les deux cabinets d’audit mandatés par la centrale syndicale font noter «l’absence d’états financiers établis selon les normes comptables des entreprises», ce qui laisserait entendre que les états financiers de l’UGTT pour les exercices allant de 2012 à 2015, ne respectaient pas les critères et le modus operandi des normes comptables tunisiennes. Une remarque qui ne met nullement en cause la véracité des données contenues, puisque les mêmes cabinets d’audit précisent que «à notre avis, les dépenses et les recettes sont justifiées par les documents».

Deuxième importante remarque, les ressources de la centrale syndicale ne proviennent pas toutes des adhésions. Ces dernières (49,223 MDT en 5 ans) ne représentent en effet que 56 % de l’ensemble des ressources. L’autre importante partie (18,8 MDT en 5 ans) est appelée «allocation annuelle pour les travailleurs». Elle provient en fait d’un fonds, créé en 1975 par Bourguiba par une augmentation de la seule contribution patronale aux cotisations sociales, géré par la CNSS au profit du chef du gouvernement qui en est l’unique ordonnateur.

  • De l’argent du patronat pour financer le budget de l’UGTT

Ce sont donc ainsi des fonds totalement patronaux qui financent une assez grande partie du budget du syndicat ouvrier, à hauteur de 17 %. Ce fonds extrabudgétaire est d’ailleurs l’une des caisses noires du gouvernement dont personne ne connaît le montant des ressources accumulées depuis 1975, ni les «projets» dans lesquels tant d’argent a été dépensé. Un jour, peut-être, l’ARP prendra son courage à deux mains et invitera le gouvernement à s’expliquer sur ces fonds et sur tous les fonds extrabudgétaires, car ils seraient plusieurs, selon nos sources.

Pour l’UGTT, ces fonds sont utilisés aux fins de «la protection sociale des couches démunies ou à faibles revenus qui ont été impactées par les difficultés économiques qu’ont connues plusieurs entreprises, surtout du secteur privée, à l’issue de la révolution». Plus loin, à la page 19 du rapport, on découvre que les dépenses de protection sociale ont légèrement dépassé les 2,065 MDT en 5 ans !

  • 105,323 MDT en 5 ans

Cet important montant est notamment expliqué par «le devoir de solidarité avec les adhérents pour faire face aux cas de renvoi et de sit-in», sans oublier les décès, les cas sociaux, les rentrées scolaires et les occasions religieuses.

Mais l’UGTT, c’est aussi une entreprise, soucieuse de ses équilibres financiers de son indépendance en ressources, de la compression de ses charges et de la diversification de ses ressources.

L’UGTT détient en effet d’autres actifs. Elle perçoit à cet effet 2 MDT par an au titre de la location de son nouveau siège sis pas loin de celui du patronat. Elle a aussi perçu, rien qu’en 2016, la somme de 1,8 MDT au titre de location à des tiers d’autres immeubles et 22.400 autres dinars au titre de location d’immeubles ou salles de réunions pour usage de fêtes familiales et autres.

Toutes ces rentrées financières ont rapporté une somme de plus de 105,323 MDT en cinq ans, avec une moyenne de 20 MDT par an. Des ressources financières qui culminaient à plus de 25 MDT en 2016, contre 18,5 MDT une année auparavant, 23,8 MDT en 2014 et 21,6 MDT deux années plus tôt. La centrale syndicale a aussi donné en location son hôtel l’Amilcar à un investisseur dont elle n’a rendus publics, ni le nom, ni le montant et dispose d’une part du capital de l’assureur AMI.

  • Où va l’argent des travailleurs ?

La location de son nouveau siège, l’UGTT l’explique par «la nécessité de faire face à ses importants engagements financiers». Il faut dire que l’UGTT vit aussi de crédit. Le dernier en date a été pris auprès de l’ATB pour un montant de plus de 3 MDT. Son plus grand financier reste cependant une banque publique, la BNA, suivie de la banque privée Amen et la banque tuniso-marocaine Attijari, la seule à avoir même signé une convention avec l’UGTT accordant à ses adhérents des taux d’intérêt préférentiels.

Etat de la dette de l’UGTT à fin 2016, selon copie du rapport financier du 23ème congrès
 

Au jour de la réunion du 23ème congrès, la dette ou montant des crédits contractés par l’UGTT cumulaient à plus de 28,409 MDT, intérêts compris, l’obligeant à un remboursement mensuel de plus de 407 mille DT. C’est donc là que va une partie des dépenses. Mais aussi vers le paiement de ses engagements financiers envers les entreprises de BTP chargées de la construction de son siège (8,243 MDT) et de la maintenance de ses sièges régionaux.

  • 16,8 MDT pour les «dépenses générales» et 0,7 MDT pour les missions à l’étranger

Pendant les cinq dernières années, la centrale syndicale ouvrière a dépensé un total de 108,095 MDT pour des recettes totales de 105,3 MDT. Elle dépense donc plus d’argent qu’elle n’en fait rentrer malgré ses multiples actifs, comme sa participation à l’assurance AMI, son hôtel et son nouveau siège loués. Suivant les années, ces dépenses ont oscillé entre 22,6 MDT en 2012 et 24,6 MDT quatre ans plus tard. En 2016, ce sont plus de 16,8 MDT qui ont été consacrés à la rubrique indéfinie des «dépenses générales», plus que le double consacré aux unions régionales (5,3 MDT en 2016) et seulement 0,02 MDT pour «la commission de la femme», parent pauvre de la puissante UGTT.

Sur les 24,6 MDT, l’activité syndicale, vocation même de l’UGTT, n’a vu qu’une dépense de 9,5 MDT. Par contre, 3,5 MDT ont été dépensés dans ce qui est appelé «l’activité syndicale extérieure», dont 719.598,298 DT pour les missions à l’étranger.

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