AccueilLa UNETunisie : Pourquoi Chahed fait-il soudain le va-t-en-guerre ?

Tunisie : Pourquoi Chahed fait-il soudain le va-t-en-guerre ?

La dernière interview du chef du gouvernement tunisien n’en finit pas de faire polémique. Cette sortie médiatique surprise aurait été par ailleurs organisée à la dernière minute, par deux des conseillers de Youssef Chahed et classée Hors-série, dans le programme de Chaker Bechikh intitulé «75 minutes».

Hors-série, d’autant plus que le chef de l’exécutif tunisien s’en était presque pris à tout le monde. D’abord contre «l’Etat-UGTT» dont le secrétaire général qui appelait quelques jours auparavant à un remaniement ministériel et qui se voit recadrer par le chef du gouvernement. «Le remaniement reste une prérogative du chef du gouvernement et pour l’instant il n’y en aura pas», a ainsi répondu Youssef Chahed au partenaire social qu’on croyait devenu depuis quelque temps le seul soutien du chef du gouvernement, attaqué de toutes parts par les partis politiques et en bisbille avec Carthage. Le lendemain, l’UGTT encaisse le coup par l’un de ses SG Adjoints, mais ne tardera pas à rebondir. On l’attendait par devant, il viendra de derrière, comme disait Ali Larayedh.

En véritable va-t-en-guerre, le dimanche soir, Youssef Chahed s’en prenait en effet, à l’autre bastion de l’UGTT qui est l’information publique et refusait catégoriquement de retirer un projet de loi, introduit par son gouvernement auprès de l’ARP, relatif aux médias publics qui sont sous la coupe de l’omnipotent syndicat ouvrier, et qui fait grande polémique. Le lendemain, le conseil sectoriel du syndicat général de l’information de l’UGTT décrète une grève générale du secteur de l’information, dont la date sera fixée par le bureau exécutif.

Ce fut ensuite le cas BFT (Banque franco-tunisienne) que le chef du gouvernement tunisien prend par là où on ne l’attendait pas. Dans ce dossier, on savait que l’Etat tunisien a perdu l’arbitrage et entamé une poursuite judiciaire contre l’ancien ministre des domaines de l’Etat du temps de la Troïka, Salim Ben Hamidane.

  • Ben Hamidane, la BFT et Kamel Eltaïef

Comme une personne atteinte de démangeaison et qui commence à se gratter tout seul, l’ancien ministre pond le lundi 26 février 2018 un statut sur les réseaux sociaux, mettant en garde le chef du gouvernement qui aurait selon lui «touché la tête de la vipère» et accusant l’homme d’affaire Kamel Eltaïef de vouloir débouter Youssef Chahed de la Kasbah. A aucun moment pourtant Youssef Chahed n’a parlé de ce volet de l’affaire BFT et qui est relatif à la gestion du dossier de l’arbitrage du temps de Hamidane.

Pour comprendre cette tactique de défense de l’ancien ministre qui tenterait ainsi de diriger l’enquête, il faut préciser que Chahed a lui-même dirigé l’affaire vers le volet mauvaise gestion. «Je ne peux pas intervenir dans un arbitrage où tout a été déjà décidé (…). Il peut y avoir mauvaise gestion et nous avons ouvert une enquête à ce propos, à l’image d’autres dossiers de corruption que nous avons ouverts», a ainsi précisé le chef du gouvernement, donnant sa propre orientation pour l’enquête. Croyant à un faux titre, selon lequel Kamel Eltaïef pourrait être inclus dans la liste des clients de la BFT, Hamidane tentait à sa manière de diriger l’enquête. Ltaïef réagira le même jour sur les colonnes du journal «Acharaa Al Magharibi», pour défier quiconque démontrerait qu’il aurait une quelconque relation d’affaire avec la BFT et que toutes ses affaires sont dans une autre banque, comme l’insinuait Salim Ben Hamidane.

  • L’autre explication des propos de Youssef Chahed

De toute cette affaire d’une interview inattendue, les observateurs de la scène politique tunisienne tiraient en ce début de semaine une autre conclusion. Selon ces observateurs, l’interview ne serait qu’un avertissement à ceux qui demanderaient sa tête et des préparatifs pour une probable sortie, avec de possibles lauriers et non par la petite porte, comme le voudraient ceux qui avaient déjà éjecté son prédécesseur Habib Essid.

En remettant presqu’en cause ses relations, qu’on dit privilégiées, avec les deux grandes forces de l’après-révolution, que sont le syndicat et les journalistes, Youssef Chahed prend ainsi à contre-pied ceux qui l’accuseraient de les caresser dans le sens du poil et d’en avoir fait des alliés pour de probables projets électoraux. Il montre aussi qu’il est prêt à toutes les batailles.

En déterrant de vieux dossiers, de corruption comme il le dit, et en affirmant qu’il en a d’autres, l’actuel chef de gouvernement montrerait aussi qu’il a beaucoup d’autres cartes en main. Il montrerait surtout, que s’il venait à partir, ce serait parce qu’on ne voudrait pas qu’il touche à ces dossiers. «Une grande partie de l’offensive contre le gouvernement vient de ceux qui ont été touchés par la guerre contre la corruption (…) ceux qui ont été touchés par les arrestations ou ceux qui le seront, ceux qui ont peur et ceux qui savent qu’ils ont quelque chose à se reprocher (…). Nous avons peut-être focalisé sur la grande corruption, mais nous allons nous attaquer à la petite corruption», a ainsi informé et surtout mis en garde Youssef Chahed. Et la messe n’est pas encore toute dite.

Plus étrange encore en effet ce Youssef Chahed qui se mettait à défendre Nidaa Tounes, le parti avec le directeur exécutif duquel ils se sont toujours regardés en chiens de faïence et dont certains membres influent l’ont toujours fortement critiqué. Cette image d’un Chahed interpellant les 2 journalistes, presque pour leur dire «qu’est-ce que vous avez contre Nidaa», conforte ceux qui disent que Youssef Chahed préparerait un point de chute après son départ de La Kasbah, d’après leur façon d’analyser les événements.

Cette lecture du discours du chef du gouvernement est-elle juste ? Qui vivra verra !

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