AccueilLa UNEAttentat-suicide : On l’a échappé belle, sauf que…

Attentat-suicide : On l’a échappé belle, sauf que…

Tunis a repris ses airs et ses couleurs d’antan trois jours après l’attentat-suicide qui a secoué sa mythique avenue Habib Bourguiba. La Tunisie, forcément traumatisée, compte ses blessés, soulagée, toutefois, que l’acte terroriste ne se soit pas soldé par un bilan beaucoup plus lourd comme l’enseigne la littérature terroriste urbaine avec des pertes humaines généralement massives. On le doit sans conteste à l’amateurisme de la femme kamikaze autant qu’au « défaut de fabrication » de l’engin explosif utilisé, artisanal, presque rudimentaire, confectionné par des artificiers néophytes, d’après les spécialistes.

Les retombées n’en seront pas moins considérables, et il est impérieux de tirer séance tenante tous les enseignements, grands et petits, de ce qui est regardé comme un tournant dans la stratégie des terroristes qui semblent décidés à « descendre en ville » relativement contenus, dépareillés qu’ils sont devenus dans leurs antres traditionnels, essentiellement les hauteurs de Chaambi et de Sammama, même s’ils se signalaient, rarement il est vrai, par des embuscades qu’ils pouvaient tendre autre part, dans des endroits à la configuration topographique voisine.

Un profil banal très recherché

On sait maintenant presque tout sur la femme kamikaze, une proie facilement radicalisée, qui cultive le profil d’être insoupçonnable, une trentenaire rangée, diplômée universitaire à la recherche d’un emploi, inconnue des services de sécurité et venue d’une localité distante de 180 kilomètres de la capitale, bref le pédigrée d’un projet de terroriste auquel on donnerait le bon Dieu sans confession. Et c’est ce qui est susceptible de donner des frayeurs, un galbe ordinaire, un rien banal somme toute, que recherchent les recruteurs à des fins de radicalisation, surtout via Internet. Combien en existerait-il dans la nature ? Mystère est boule gomme. Telle est la lancinante interrogation qui doit interpeller et pas uniquement les services de sécurité.

L’analyste senior pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord auprès d’IHS Markit, Ludovico Carlino, cité par « The National », se perd en conjectures sur la motivation qui a déterminé la femme kamikaze de l’avenue Habib Bourguiba à perpétrer l’attentat-suicide. « D’après les informations dont nous disposons à l’heure actuelle, l’attaque semble avoir été commise par un individu isolé ayant des liens ténus, voire inexistants, avec un groupe terroriste » a-t-il dit. « D’autant, ajoute-t-il,         que  personne n’a encore revendiqué l’attaque et la femme n’était pas connue des services de sécurité tunisiens, qui effectuent des dizaines d’arrestations de terroristes présumés chaque semaine. »

L’empreinte de Daech !

De plus, la méthode utilisée soulève également des questions. « La dynamique de l’attaque, avec seulement la femme kamikaze tuée et des dizaines de personnes légèrement blessées, suggère que seule une petite quantité de matériel explosif a été utilisée ou que le dispositif était mal confectionné, indiquant une tentative plutôt amateur », a-t-il estimé. Cependant, il est prématuré d’aller vite en besogne mais il faut souligner la gravité de l’attaque dans l’une des artères les plus surveillées de Tunisie. «Il est pertinent que l’attaque a eu lieu dans un lieu aussi sécurisé que le centre de Tunis, dans le centre de la capitale, et je n’écarte pas la possibilité que la femme reçoive le soutien de complices », a déclaré Carlino.

Le fait qu’il s’agisse d’une femme, une première en Tunisie, est également révélateur, car cela accrédite la possibilité que la femme kamikaze ait été influencée par la récente propagande de Daech exhortant les femmes à jouer rôle plus actif dans le terrorisme. Ce serait un indicateur assez fort que le discours de Daech est toujours capable de radicaliser des individus, même si son impact en Irak et en Syrie semble en déclin », a conclu l’analyste.

La crise politique, une aubaine !

Mais les répercussions de cet attentat-suicide, seront éminemment politiques. Michael B. Ayari, analyste principal chez International Crisis Group, cité par le site « Lawfare », note que la querelle entre le président de la République, Béji Caïd Essebsi et le chef du gouvernement Youssef Chahed a créé une impasse politique empêchant le pays de faire face de manière adéquate à la crise économique dans laquelle il se débat, et la dissolution de la coalition, suivie maintenant d’une attaque terroriste, pourrait aggraver les choses, a-t-il estimé, . « La fin du consensus annoncé par BCE semble avoir pulvérisé les garanties politiques contre une polarisation excessive », a-t-il ajouté.

«Chez les gens ordinaires à qui j’ai parlé, il était frappant de voir que beaucoup s’attendaient à l’acte terroriste de lundi qu’ils considèrent presque comme une conséquence de la crise politique. Les détracteurs d’Ennahdha l’ont interprété comme un coup de semonce du parti islamiste, ses partisans comme une opération sous fausse bannière pour justifier une nouvelle répression contre les islamistes.

En fin de compte, souligne-t-il, « l’attaque encourage et peut même inciter les groupes djihadistes, qui avaient toutes les raisons d’être démoralisés après les revers subis ces dernières années, à lancer de nouvelles attaques pour exploiter les divisions politiques ».

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