AccueilLa UNEBCT: «Capri, c’est fini »!

BCT: «Capri, c’est fini »!

Très longue a été la visite du chef de tout l’Etat tunisien au siège de la BCT. Une visite matinale, réellement inopinée puisque le Gouverneur ne s’était présenté que plus de 20 minutes plus tard selon le timing de la vidéo, d’une durée de presque 45 minutes après montage, qui a été diffusée le soir.
Une visite aussi, où Kais Saïed a, comme à son habitude, monopolisé la parole, ne laissant que très peu de temps aux tentatives d’explication du Gouverneur El Abassi et à la vice-gouverneur Nadia Gamha. Manifestement, le président de la République avait un message bien précis à faire passer auprès de ses interlocuteurs, sans plus. Une visite enfin, qui siffle la fin d’un débat qui n’a jamais eu lieu qu’en sourdine sur la question de « l’indépendance » de la BCT. Une fin de débat où la patte de l’ancien juriste de la BCT Ahmed Hachani devenu chef de gouvernement, ne serait pas invisible.

–    La BCT est autonome, mais pas indépendante, ordonne Saïed
Le chef de tout l’Etat tunisien n’attendra d’ailleurs pas la fin des 3 premières minutes de l’entretien avec Nadia Gamha pour baliser l’objet de sa visite. D’emblée, il réoriente la vice-Gouverneur qui parlait de la cohésion entre les différents services de la BCT, pour aller d’autorité, droit au but de sa visite. « Harmonie entre les différents départements de la BCT, mais aussi harmonie entre la BCT et les politiques de l’Etat », lui dit-il avec un regard qui sent le reproche, lorsqu’elle parlait des dernières décisions du CA de la BCT pour une meilleure harmonie entre ses structures.
Et après avoir estimé que l’ancienne loi de 1958 était meilleure que celle de 2016 qui avait formalisé l’indépendance de l’Institut d’émission, Kais Saïed, qui ne laisse parler personne dans son micro-cravate, continue, en expliquant que « l’autonomie ne veut pas dire l’indépendance par rapport à l’Etat ». Cela, avant d’ordonner presque, que « il faut qu’il y ait harmonie avec la politique de l’Etat. L’autonomie dans la politique monétaire est une chose, et l’autonomie par rapport à la politique budgétaire en est une autre », et d’ajouter sur un ton professoral, que « il faut faire la différence entre l’indépendance dans le volet monétaire et dans le volet budgétaire, ce qui n’est malheureusement pas bien compris par certains ».
Pratiquement, Kais Saïed a été à la BCT pour faire comprendre à ses dirigeants que si une certaine autonomie pouvait lui être concédée dans la gestion de la politique monétaire, il était pour lui hors de question que cela impacte le budget, dont la politique et la détermination des moyens de  financement doivent rester du seul ressort du gouvernement, auquel la BCT doit obéir.
L’harmonie, que revendiquait vendredi dernier le chef de tout l’Etat à la BCT, devrait ainsi être comprise comme un ordre indirect pour la BCT de solliciter d’abord l’autorisation de l’Etat qui détermine et gère le budget avant de prendre une quelconque mesure qui pourrait interférer avec la politique budgétaire. « Capri, c’est fini » pourrait-on dire pour la BCT, qui devra désormais financer le déficit budgétaire sans sourciller !
C’était un vendredi 8 septembre et non un vendredi 13. Mais ce serait un vendredi à marquer d’une pierre noire, pour ceux qui croyaient encore que la gestion de la politique monétaire qui revient à la BCT, pourrait désormais se faire indépendamment de la gestion du budget. BCT et gouvernement sont désormais chevillés comme « Q et chemise », ou comme Thor et son marteau.

–    La Chéchia de l’un sur la tête de l’autre « على راس الاخر شاشية هذا » ?
Plus explicitement, le chef de tout l’Etat tunisien prenait vendredi franchement le parti du groupe parlementaire qui avait présenté une proposition  de loi qui habilitera l’Etat à emprunter directement auprès de la BCT, sans passer par des émissions obligataires (BTA notamment) auprès des banques commerciales, et de  financer donc son budget, et partant le déficit budgétaire directement auprès de l’Institut d’émission. Une démarche qui ne devrait pas tarder à se transformer en loi, permettant de nouveau à Kais Saïed de contourner les réformes voulues par le FMI.
Les BTA généraient certes des bénéfices pour les banques commerciales mais plus d’impôts aussi à payer au Trésor par les banques. Mais ils permettaient surtout un endettement plus transparent, dans des conditions claires et bien définies dans les taux et le temps.
Juste pour le Benchmark, l’Etat tunisien finance déjà les déficits de certaines entreprises publiques chez la BNA. Il s’y autorise aussi l’abandon de certaines créances sur décision politique, et signe des conventions de prise en charge de ces crédits. Mais l’Etat ne signe aucun échéancier de remboursement avec la banque, comme le font d’ailleurs remarquer les commissaires aux comptes de la BNA. Et ce n’est là que le seul exemple de la BNA !
Et on se rappelle que cette banque, comme d’autres publiques, en était même arrivée à une obligation de restructuration financière, à cause entre autres, de tels comportements de l’Etat emprunteur. Et on se demanderait qu’est-ce qui empêcherait le même Etat de refaire  la même chose avec la BCT ? Le Trésor pourrait en fait faire comme le ministère des Finances qui puise directement dans la poche du contribuable, au mépris de  toute redevabilité.

–    Désormais, le financier se mettrait au service du politique
Il serait désormais ainsi fini le temps où, il y a quelques mois seulement, ministre Samir Saïed et président du Parlement Bouderbela apportaient un cinglant démenti à toute velléité de l’Etat de remettre en cause l’indépendance de la BCT. Il est tout aussi loin le temps où, au cours d’une conférence de presse, tenue en début d’année,  le gouverneur de la BCT disait en commentaire aux appels à limiter l’indépendance de la Banque centrale que « le politique qui appelle à cela (Il parlait certes alors de quelques menus députés) ne cherche qu’à résoudre ses problèmes au quotidien ». Vendredi dernier, Gouverneur et Vice-gouverneur ne faisaient plus que hocher la tête en signe d’acquiescement pour que le financier se mette au service du politique.
Et juste pour le rappel, comme ses prédécesseurs, Kais Saïed est un président élu pour un temps et devra un jour laisser son fauteuil de Carthage à quelqu’un d’autre. La politique budgétaire,  actuellement en place, et les moyens de son financement sont les siens propres. En jouant sur les mots, indépendance et autonomie, il pourrait être accusé de mettre les finances de l’Etat au service de sa propre politique, celle que personne ne connaît et dont il est le seul à connaître les tenants, les aboutissants et les ressorts !

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