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Budget 2019 : Quand Ezzeddine Saidane n’y va pas du dos de la cuiller !

Le ton carré, et les accents bien trempés, l’économiste Ezzeddine Saidane vient de livrer dans un long post -il s’en excusera d’ailleurs- une analyse sans concession du projet du budget 2019 où il entend « rétablir certaines vérités et de préciser certaines données » Moins une sermonnade qu’une réflexion qui va au fond des choses, le post auquel EZ a choisi le titre « Les chiffres qui ne mentent pas » n’Y va pas du dos de la cuiller pour pointer les 6 ingrédients d’une année difficile. Encore une !

Les voici :

« 1- Le montant du projet de BE pour 2019 s’élève à 40,7 milliards de Dinars, soit une augmentation de 13% par rapport au BE de 2018. L’augmentation est en effet de 13% et non de 8,5% comme annoncé officiellement. Il faut comparer les comparables. Le Gouvernement annonce une augmentation de 8,5% en comparant la LF 2019 à la LF complémentaire 2018 et ce même avant son approbation par l’ARP. Il faut rappeler à ce propos que notre pays a eu recours à des LF complémentaires tous les ans depuis 2011, ce qui a gravement entamé la crédibilité de la LF en général. La comparaison n’est valable que lorsque nous comparons une LF à une LF et une LF complémentaire à une LF complémentaire. Pourquoi cette remarque est-elle importante ? Eh bien parce qu’un des problèmes sérieux de la Tunisie après 2011 est l’écart entre le rythme de progression des dépenses de l’État et le rythme de la croissance économique. L’écart ne peut être comblé que par l’endettement de l’État, intérieur et extérieur. Depuis 2011 les dépenses de l’État ont augmenté de 10% en moyenne (17,2% en 2017), alors que l’économie n’a enregistré qu’une faible croissance pendant la même période. Et les dettes de l’État ont en parallèle augmenté à un rythme non soutenable.

2- Conséquence du point 1 : l’État est en train de dévorer l’économie tunisienne aux dépens des autres acteurs économiques, et notamment les entreprises et les consommateurs. En effet le BE représentait 28% du PIB en 2010. Il représente plus de 38% du PIB aujourd’hui, et plus encore en 2019. Pris entre l’expansion de l’économie parallèle et l’expansion des dépenses de l’État les entreprises et les consommateurs étouffent. Ils n’en peuvent plus. Il faut rappeler à ce propos que les entreprises sont le principal centre de création de richesses et d’emplois, alors que la consommation constitue un des principaux moteurs de la croissance économique. Ne soyons donc pas étonnés de la faiblesse de la croissance économique enregistrée durant ces dernières années.

3- On nous annonce une baisse du ratio de la dette publique pour la première fois depuis 2011. Ce serait possible à deux conditions. Il faudrait d’abord que le rythme de croissance économique prévu pour 2019 (3,1%) soit atteint ou dépassé. Il faut le souhaiter, mais il faut aussi reconnaître que depuis 2011 la Tunisie n’a pas pu réaliser les niveaux de croissance prévus par les BE, y compris pour cette année 2018. La deuxième condition concerne le Dinar. Le ratio de la dette publique pourrait baisser légèrement si le Dinar ne continue pas de baisser au même rythme observé ces dernières années, et surtout en 2017 et 2018. Certains responsables nous parlent d’une baisse de la dette publique. Et cela est faux. En effet la LF 2019 prévoit un service de la dette, c’est à dire des remboursements au titre de la dette publique de 9,3 milliards de Dinars. Elle prévoit également la mobilisation de nouveaux crédits à hauteur de 10,2 milliards de Dinars. Cependant les 9,3 milliards de Dinars à rembourser en 2019 se répartissent en 6 milliards de Dinars de principal et le reste en intérêts. De ce fait le stock (en principal) de la dette publique va baisser de 6 milliards de Dinars et augmenter de 10,2 milliards de Dinars. Le stock de la dette publique va donc augmenter et non pas baisser.

4- La LF prévoit un taux de croissance économique de 3,1%. Je souhaite que la Tunisie arrive à atteindre et même à dépasser ce rythme croissance. Mais je pense que cela va être difficile, et ce pour trois raisons. Il faut rappeler d’abord que depuis 2011 la Tunisie n’a jamais pu réaliser les taux de croissance prévus par les LF. Il faut noter ensuite que les éléments exceptionnels enregistrés en 2018, c’est à dire les récoltes exceptionnelles d’olives et de dattes ne risquent pas (d’après le ministère de l’agriculture) de se reproduire en 2019. La dernière raison concerne l’investissement. Et il n’y a pas de croissance sans investissements. En effet les trois principaux moteurs de la croissance sont la consommation, les exportations et les investissements. Les deux premiers facteurs sont relativement en panne et l’investissement, pour plusieurs raisons, n’arrive pas à redémarrer.

5- L’économie tunisienne est globalement en situation d’hémorragie. En effet tous les indicateurs continuent de se détériorer. Et une économie en situation d’hémorragie ne peut pas être relancée sans arrêter l’hémorragie, d’abord. La LF et le BE de 2019 n’ont pas été élaborés pour servir d’outil de sauvetage et de relance de l’économie tunisienne. Ceux qui les ont élaborés n’ont pas oublié que 2019 va être une année électorale !!!

6- Depuis 2011, et même avant d’ailleurs, nous avons fait de mauvais choix et appliqué de mauvaises politiques. De ce fait les difficultés économiques ont évolué pour se transformer en crise économique, qui à son tour généré une grave crise des finances publiques et des finances extérieures. Tout montre que cette situation est en train d’enfanter à son tour une crise sociale, qui pourrait être grave. Attention donc, l’année 2018 ne sera pas la dernière année difficile pour nous Tunisiens, loin s’en faut ».

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