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Les champignons détournés de la forêt tunisienne !

Dans une ambiance « festive » agrémentée par l’espoir qu’ont redonné, à tous les Tunisiens, les pluies bénéfiques et abondantes arrosant depuis quelques jours la Tunisie, se poursuit, dans les zones forestières du gouvernorat de Jendouba, la cueillette des champignons sauvages comestibles.

La production est bonne mais les problèmes le sont davantage, se sont plaints les habitants vivant sur cette cueillette, au correspondant régional du quotidien Assabah du mardi 19 décembre.

En effet, ces champignons remontent à la surface du sol après les pluies d’automne, tandis que la saison s’étale du mois d’octobre au mois de mars.

La très sérieuse archive ouverte pluridisciplinaire HAL SCIENCE a consacré à cette filière une enquête scientifique très approfondie sous le titre « Développer la filière des champignons sauvages comestibles en Tunisie », visible sur l’Internet pour les intéressés.

Représentant un intéressant potentiel pour le développement rural et régional, à l’instar des nombreux autres produits forestiers non ligneux (liège, bois d’œuvre, plantes médicinales et aromatiques, graines de pin d’Alep et de pin pignon…), la filière des champignons sauvages comestibles est cependant biaisée par de nombreuses difficultés dont quelques unes relèvent de l’absurde.

Ainsi, la cueillette des champignons à titre commercial est interdite par les articles18 et 39 du code forestier, pour la population usagère. Même s’il s’agit d’une activité économique de plus en plus florissante ces dernières années, elle reste clandestine et la population se trouve contrainte de vendre au premier venu au prix proposé. D’autant plus que la concurrence entre les régions, l’instabilité de la disponibilité du produit ainsi que le manque de connaissances sur les conditions d’emballage et d’entreposage et les techniques de conservation, sont autant de facteurs qui font de la cueillette des champignons une activité informelle, peu structurée et, surtout, conduisant à une forte pression sur l’écosystème forestier.

Mais, si cette hérésie est à mettre sur le compte de l’administration, les investisseurs privés, dans le secteur agricole, sont devenus frileux, ces dernières années, à cause de la sécheresse, de sorte que le créneau des produits forestiers non ligneux, entre autres, est resté relativement inoccupé par la transformation industrielle.

Les cueilleurs de champignons sauvages ont en effet révélé au journal Assabah la fermeture d’une usine implantée à Ain Draham depuis 2001 et spécialisée dans le traitement et l’emballage des champignons sauvages qu’elle achète auprès de la population. Son installation avait nécessité une enveloppe de plus de 3 millions dinars et elle rayonnait sur toute la population de la région. Plus de 1500 cueilleurs, hommes et femmes, opéraient pour son compte.

Profiteurs à l’affût

Comme on peut le deviner, la raison de la fermeture est le recul de la production, à cause du changement climatique et la limitation des terrains destinés à la cueillette par l’administration de la forêt.

Mais la nature a horreur du vide. Dans ce cas, ce vide a été comblé par les trafiquants et profiteurs de tout bord qui achètent les champignons auprès de la population à des prix dérisoires et les vendent aux hôtels touristiques de la côte tunisienne et aux exportateurs à des prix élevés, se remplissant ainsi les poches sur le dos des pauvres cueilleurs.
En effet, selon l’enquête de Hal Science, plusieurs acteurs interviennent dans la chaîne de valeur des champignons forestiers comestibles en Tunisie. Depuis la révolution tunisienne en 2011, plusieurs petites entreprises et commerçants détaillants tentent de s’introduire dans le marché d’exportation et la majorité se retrouve inévitablement en compétition avec les grandes entreprises d’exportation avec un savoir-faire limité. Les cueilleurs (hommes et femmes des communautés vivant dans et autour des forêts) se déplacent à pied sur des distances de 5 à 15 km de leur village et s’enfoncent loin dans la forêt, pleine de bêtes sauvages et de reptiles. La récolte se limite aux champignons comestibles connus et demandés par leurs commanditaires.

Le nombre exact et la liste des espèces de champignons sauvages comestibles ne sont pas encore établis. Les plus connus sont ceux présentant un intérêt pour le marché d’exportation : girolle, trompettes de la mort, cèpe, lactaire délicieux, chanterelle, pied de mouton et oronge.

D’après l’enquête de Hal Science, la réglementation profite à certains plus particulièrement. Depuis 2010, les terrains destinés à la cueillette sont remis à la cession par adjudication publique, ou de gré à gré dans certains cas, comme énoncé dans l’article 18 du code forestier. Suite à cela, les sociétés d’export de champignons sauvages comestibles se sont multipliées et la compétition est devenue plus ardue pour l’acquisition des droits d’exploitation et pour l’approvisionnement auprès des cueilleurs locaux. La population forestière, quant à elle, s’est trouvée perdue et désorientée ne sachant pas comment tirer profits de cette situation. En outre, étant donné que pour accéder au droit d’exploitation, il faut participer aux cessions d’adjudication ou de gré à gré et n’ayant souvent pas les moyens de se confronter aux grandes sociétés, la population continue d’exploiter clandestinement la ressource leur garantissant un minimum de bénéfices.

Cerise sur le gâteau. Outre cette dimension économique et sociale, les champignons jouent un rôle primordial dans la protection, la pérennité et la diversité des écosystèmes forestiers.
S.B.H

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