AccueilLa UNEER : Un contrat léonin pour un marché asymétrique !

ER : Un contrat léonin pour un marché asymétrique !

La Tunisie semble s’engager résolument sur le chemin des énergies autres que fossiles. Elle vient de s’assurer un financement qui lui permettra de gérer au mieux  sa transition verte, et ce au travers de la construction et l’exploitation de deux centrales solaires photovoltaïques à Tozeur et Sidi Bouzid.Il s’agissait  d’un prêt d’un montant maximum de 12,5 millions d’euros, d’une tranche concessionnelle de 8,9 millions de dollars des États-Unis (8,2 millions d’euros) accordée par le Fonds pour les technologies propres (FTP) et de 5,0 millions de dollars des États-Unis (4,6 millions d’euros) fournis par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM).

Un montage financier que l’on doit à la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD), qui fait office de partenaire clé dans le développement du secteur des énergies renouvelables en Tunisie depuis sept ans. Les deux centrales solaires photovoltaïques, d’une capacité installée de 60 MW chacune, seront construites par Scatec, l’un des principaux fournisseurs d’énergie renouvelable, et Aeolus, qui fait partie du conglomérat japonais Toyota Tsusho Group. Ces projets sont éligibles au programme de financement des projets du modèle de mécanisme de crédit conjoint (MCC) mis en œuvre par le ministère japonais de l’Environnement en coopération avec la Tunisie et fourniront de l’électricité verte à faible coût.

Ces projets marquent une étape importante pour le pays dans la réalisation de son engagement à accroître la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables tout en réduisant sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles. Une fois opérationnels, ils devraient permettre de réduire les émissions annuelles de CO2 à hauteur de 108 000 tonnes.

Un coût élevé pour des secteurs importants tunisiens

Des projets, qui, à l’instar de celui portant sur l’hydrogène vert, nonobstant leur objectifs finaux, soulèvent, à bien des égards, bien des interrogations, notamment sur celui de la stratégie de répondre aux besoins de l’Union européenne et qui  aura , sans  aucun doute un coût élevé pour un certain nombre de secteurs importants en Tunisie, et même en Afrique du Nord, qui dispose d’un grand potentiel de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.

Alors que le gouvernement vise à produire plus de 8 millions de tonnes d’hydrogène vert, par exemple,  d’ici 2050, la part du lion (plus de 6 millions de tonnes, soit plus des trois quarts de la production totale) sera envoyée au nord de la Méditerranée. Et ceci, à son échelle, forme chez nombre d’observateurs la conviction que la Tunisie deviendrait une arrière-cour soumise et un réservoir d’énergie pour l’UE. En outre, l’Europe bénéficierait des projets d’hydrogène dans le cadre de la stratégie tunisienne à plus d’un titre : non seulement elle recevra l’hydrogène vert, mais l’équipement nécessaire à la mise en œuvre des projets (y compris la technologie requise) sera également fabriqué en Europe, créant ainsi de nouveaux marchés pour les industries européennes et permettant à l’Europe de contrôler les chaînes de production et d’approvisionnement émergentes.

Cela contraste avec des pays comme la Tunisie, qui ne feront qu’exporter des matières premières non transformées. En outre, l’Europe bénéficiera également de la création de nouveaux emplois dans son secteur industriel. Sur ce registre,  c’est la Tunisie qui fournira les ressources naturelles nécessaires à la production d’hydrogène vert, telles que la terre, l’eau et l’énergie solaire à des coûts extrêmement bas, et c’est donc c’est elle qui subira les répercussions écologiques et sociales associées – un exemple clair de la division mondiale du travail profondément injuste selon laquelle le Nord exporte la technologie et les produits industriels à haute valeur ajoutée et le Sud fournit les matières premières et la main d’œuvre bon marché.

Certes, le gouvernement tunisien vend l’idée que la production d’hydrogène vert dans le pays générera des revenus financiers substantiels et lui permettra de prendre pied sur le marché européen. Cependant, il ignore le fait que ces projets ne feront qu’accentuer le déséquilibre déjà existant entre la Tunisie et l’UE. Ce déséquilibre est dû au fait que, comme la plupart des pays du Sud, la Tunisie souffre d’importantes carences structurelles
Pour atteindre ce niveau de production d’énergie renouvelable, plus de 500 000 hectares de terres (environ 3 % de la surface totale de la Tunisie) seront alloués à des projets d’énergie renouvelable. Ces terres comprendront des terres communautaires saisies  et des terres appartenant à l’État, qui seront offertes sur un plateau d’argent aux investisseurs.
Outre les besoins énergétiques, pour fournir l’eau dessalée nécessaire au processus de production, il faudra mettre en place des stations de dessalement de l’eau d’une capacité de 160 millions de mètres cubes par an. Cela équivaut à la consommation annuelle de 400 000 Tunisiens (sur la base d’une moyenne de 400 mètres cubes par habitant) dans un pays qui fait face à des sécheresses récurrentes et qui éprouve de plus en plus de difficultés à fournir de l’eau potable à ses propres citoyens. En effet, les organismes de la société civile travaillant dans le secteur de l’eau ont récemment tiré la sonnette d’alarme sur la situation de l’eau dans le pays et les mesures à prendre pour y remédier, dont la plus importante est de mettre fin immédiatement à l’épuisement des ressources en eau au service d’affaires lucratives au détriment de la population et de l’environnement, souligne à cet égard The Transnational Institute (TNI).

Un géant norvégien et un autre japonais

Les projets aux termes desquels les actes fondateurs ont été signés avec le ministère tunisien de l’Industrie, des mines et de l’énergie, sont confiés à des entreprises « majors » dans leurs spécialités.
Scatec est l’un des principaux producteurs norvégiens d’énergie renouvelable. La société développe, construit, détient et exploite des centrales solaires, éoliennes et hydroélectriques, ainsi que des solutions de stockage. Actuellement, elle dispose de 4,6 GW en exploitation et en construction sur quatre continents.
Toyota Tsusho Corporation est une importante société multinationale japonaise de commerce et d’investissement, et la branche commerciale de Toyota Motor Corporation. En mars 2024, elle a créé Aeolus, une coentreprise destinée à promouvoir les énergies renouvelables en Afrique. Aeolus appartient aux filiales détenues à 100 % par Toyota Tsusho, CFAO et Eurus Energy Holdings Corporation.
Depuis 2012, la BERD a investi plus de 2,3 milliards d’euros au titre de 73 projets en Tunisie et a apporté son soutien à environ 2 000 petites et moyennes entreprises locales par le biais d’une assistance technique financée par l’Union européenne.

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