AccueilLa UNEFakhfakh réussira-t-il là où Jemli a fait long feu ?

Fakhfakh réussira-t-il là où Jemli a fait long feu ?

On le savait peu rompu à l’art de manœuvrer en politique qu’il n’aurait découverte qu’à la faveur d’une élection où il faisait figure d’outsider. Que l’on se détrompe, Kais Saïed est capable des matoiseries les plus discrètes et improbables comme des protestations de bonne foi les plus candides et immaculées. On l’a vu jouer, subrepticement certes, sur l’un comme l’autre tableau avec une égale maestria. En vouant un culte d’une rare révérence au Droit et à la loi dès lors qu’il s’agit d’édicter un acte réglementaire ou d’exercer une prérogative de son ressort. Il s’y livre si scrupuleusement qu’il ne laisse aucune place à l’improvisation ni au doute. Il n’en reste pas moins qu’il lui arrive, sans enfreindre les règles établies, de prendre ses aises à leur égard, sans craindre d’attirer bien des foudres. Le mode qu’il a décrété pour « solliciter » les candidatures des partis politiques et des groupes parlementaires pour le choix de la personnalité la plus apte à former le gouvernement, a , aux yeux de certains, effleuré l’inconvenance. Le choix même du chef du gouvernement désigné en la personne d’Elyès Fakhfakh n’a pas dérogé à ce registre, au point que d’aucuns y ont vu un chef d’Etat qui traite les partis politiques et leurs représentants par-dessus la jambe.

Sans doute pensait-il, à juste titre, épargner au chef du gouvernement désigné autant qu’à ses vis-à vis les interminables palabres qui ont fortement lesté les consultations menées par son prédécesseur, Habib Jemli, à Dar Dhiafa. D’autant que le délai imparti-un mois- n’est reconductible et doit être scrupuleusement utilisé aux fins qui lui sont spécifiées sans autre forme de procès.

« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » 

Dans tous les cas de figure, et s’agissant du fond de la question, le président de la République ne donne nullement l’impression de faire cas des propositions, préconisations et attentes de ses présumés interlocuteurs qui ne misaient pas un kopeck sur Elyès Fakhfakh, sorti inopinément du chapeau du Président. Une manière d’accréditer l’idée que le gouvernement dont les consultations commencent jeudi a tout pour être un « gouvernement du président » même si Kais Saied s’acharne à s’en défendre.

Il est vrai que le gouvernement estampillé Fakhfakh passera comme une lettre à la poste lorsqu’il s’agira de lui voter la confiance. Rares sont les députés qui s’aviseraient à ne pas lui donner leur quitus, car cela ouvrira la voie à des élections anticipées où nul ne sera assuré de retrouver son siège. Ne dit-on pas qu’ « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » ! Les élus de la présente Chambre sont dans cette tyrannique configuration qui leur interdit d’envisager autrement leur avenir parlementaire. Du reste, on ne peut pas les soupçonner d’avoir une haute opinion d’un candidat qui a failli à gagner un siège à la Représentation nationale pour, par la suite, échouer à faire bonne figure à la Présidentielle avec le score que l’on sait.

« Il y a de bonnes raisons d’être sceptique quant à la capacité de Fakhfakh à former un gouvernement », a déclaré Sharan Grewal, chercheur à la Brookings Institution, au Middle East Eye.

« Comme Habib Jemli, il n’est pas tout à fait indépendant, ayant servi comme ministre dans le gouvernement de la troïka. Cela limite déjà ses chances, et rend peu probable qu’il obtienne le soutien du PDL ou de Qalb Tounes. Et il n’apporte lui-même que peu de popularité supplémentaire, n’ayant obtenu que 0,34 % aux élections présidentielles de 2019.

« Cela dit, il y a une différence majeure entre Fakhfakh et Jemli. Fakhfakh a été nommé par Kais Saied, de loin la figure la plus populaire en Tunisie. Si Fakhfakh peut être présenté comme étant aussi proche de Saied, comme le candidat favori de Saied, cela peut renforcer sa popularité et lui permettre de rassembler le clan « pro-révolution » (Ennahdha, Tayyar [Bloc démocratique], et Karama plus Echaab ou Tahya Tounes). Personne ne veut être considéré comme en désaccord avec Kais Saied, surtout à l’approche de nouvelles élections », fait-il remarquer.

Une tâche herculéenne

Si la nomination de Fakhfakh lundi apporte un répit provisoire à la crise actuelle, le nouveau chef du gouvernement désigné aura une tâche tout aussi ardue, à savoir former un gouvernement dans un délai d’un mois et obtenir ensuite l’approbation d’un parlement divisé.

On ne sait pas quelle stratégie Fakhfakh peut mettre en œuvre pour former un gouvernement qui évitera le sort de celui de son prédécesseur au Parlement. L’expérience de Jemli a déjà montré qu’un gouvernement « indépendant » peut ne pas être aussi efficace.

En attendant, l’échec de Jemli à gagner la confiance du parlement a des implications pour l’avenir d’Ennahdha. Le parti a déjà vu son pouvoir diminuer au Parlement, passant de 89 sièges en 2011 à 69 sièges en 2014 et à seulement 52 sièges en 2019. Le parti craint que l’incapacité à former un gouvernement maintenant, malgré le fait qu’il ait le plus grand nombre de sièges, ne conduise d’autres électeurs à perdre confiance dans la capacité d’Ennahdha à gouverner, estime la chaîne d’information en continu CGTN.

Avec le Fakhfakh qui se lance dans un nouvel effort pour former un nouveau gouvernement, Ennahdha sera encore plus relégué à la position inconfortable d’être le plus grand parti, mais sans véritable pouvoir. Cette dure réalité politique va certainement se jouer au Parlement dans les prochaines semaines, prévoit CGTN.

Une analyse ponctuelle des chercheurs du Carnegie Middle East Center a noté que les électeurs tunisiens pourraient déjà souffrir de lassitude électorale, comme le montre la baisse de la participation aux trois élections séparées de septembre et octobre derniers. « Ils ne sont peut-être pas intéressés à participer à un autre vote si tôt », a-t-il déclaré. De nombreux analystes pensent également qu’une autre élection parlementaire pourrait déboucher sur un mandat fracturé de la même manière et, par conséquent, ne pas être un exercice utile.

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