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La malédiction de l’huile d’olive…

A l’image du pétrole longtemps qualifié de malédiction pour les pays arabes du Golfe, en raison des convoitises mondiales qu’il leur avait suscitées, l’huile d’olive est en passe de le devenir pour la Tunisie, mais d’une autre façon.

Le litre d’huile d’olive tunisienne vierge extra, embouteillée ou conditionnée comme on dit aussi, est actuellement vendu à 21 et 22 dinars, au grand public des consommateurs, dans les grandes surfaces de distribution commerciale du Grand Tunis. Et encore faut-il la trouver en quantité normale dans les diverses marques.

Commentant, dernièrement, une information publiée par l’Office national de l’huile dans sa page sur le réseau social facebook, à propos des actions menées à divers niveaux pour améliorer la qualité de l’huile d’olive tunisienne et promouvoir son exportation à l’étranger, un citoyen lui a répondu que les responsables feraient mieux de regarder du côté du niveau prohibitif, atteint par ses prix de vente aux tunisiens. «  C’est aberrant », s’est-t-il écrié.

Troisième gros producteur d’huile d’olive avec environ 250 mille tonnes en moyenne par an, la Tunisie a choisi, dès l’aube de l’Indépendance,  d’exporter la quasi-totalité de sa production, (80%), principalement aux deux premiers gros producteurs mondiaux de cette denrée, l’Espagne qui produit le tiers de la production mondiale annuelle (un million de tonnes en moyenne) et l’Italie (600 mille tonnes).

Cependant, l’huile d’olive tunisienne est exportée à hauteur de 85% en vrac, contre 15% embouteillée. Selon l’Office national d’huile, ce dernier chiffre aurait atteint 18% pour la campagne précédente (2021/2022).

Options boiteuses

Or, les chiffres relatifs à l’huile d’olive, concernant notamment les exportations et les recettes réalisées, qui sont publiées par les divers organismes nationaux, manquent de cohérence et sont tellement enchevêtrés qu’il est difficile d’en connaître la portée exacte.

Le plus récent chiffre donné par l’Observatoire tunisien de l’agriculture (ONAGRI) indique que la valeur des exportations de l’huile d’olive tunisienne au cours de novembre 2022, le mois de la campagne 2022/2023, s’est établie à 240 millions dinars, soit près de 100 millions dollars.

Mais, la moyenne pour toute l’année avoisine 2 milliards dinars (près de 800 millions dinars).

Ainsi, selon l’ONAGRI, 184 mille tonnes d’huile d’olive tunisienne ont été exportées au cours de la campagne 2021/2022 tandis que les recettes réalisées ont atteint un milliard 900 millions dinars (1,9 milliards dinars).

Dans un autre rapport de la même source, le volume exporté s’élève à 134 mille tonnes alors que les recettes atteignent 1378 millions dinars, soit 1, 4 milliards dinars environ.

Sur les marchés mondiaux, en dépit de sa qualité confirmée par les nombreux prix récoltés dans les concours internationaux, l’huile d’olive tunisienne coûte moins chère que l’huile espagnole ou ‘l’huile italienne, tandis que les quantités d’huile tunisienne vendues en vrac à ces deux pays sont mises en bouteille et offertes au quadruple et quintuple de leur prix d’achat.

Jusque-là, comme le ressassent les officiels, ces options économico-politiques peuvent être justifiées par les rentrées de devises étrangères propres à « couvrir les dépenses nécessaires à l’achat des biens d’équipement étrangers dont l’économie nationale a besoin ».

Or, là où le bât blesse et que les choses frôlent l’aberration, comme l’a noté le commentateur cité plus haut, les devises mobilisées par ce moyen sont utilisées pour l’achat des biens de consommation de l’étranger et non pas pour l’acquisition des biens d’équipements. Il s’y ajoute la modicité du gain réalisé par les exportations tunisiennes en matières de devises par rapport  aux dépenses en devises consenties au niveau de l’importation des huiles végétales destinées à la consommation locale en remplacement de l’huile d’olive tunisienne exportée.

Une récente note officielle indique que la valeur des importations d’huile végétale a augmenté de 122,3% pour atteindre 1397,9 millions de dinars, tandis que les prix moyens de l’offre (à l’étranger) ont augmenté de 49,7%, parallèlement à l’augmentation des quantités importées de 49% pour atteindre un total de 303,5 mille tonnes.

Les choses étant ce qu’elles sont, on aurait  pu se contenter de la consommation de l’huile d’olive, avec, en sus, ses vertus curatives universellement reconnues depuis très longtemps et que la science moderne a amplement confirmées.

Justement, au-delà de ces considérations, les opérateurs du secteur et les analystes indépendants n’ont pas cessé d’attirer l’attention sur les lacunes et les carences nombreuses du système, à l’instar de l’application du régime des autorisations pour l’exportation de l’huile d’olive tunisienne, avec leurs lourdes formalités administratives.

Témoignage éloquent

Certains ont parlé, même, de corruption et d’incurie.

Dans une analyse du secteur, assez ancienne, son auteur, Moncef Bouchrara, écrit en substance : « Tout le monde sait que la Tunisie est un très gros producteur d’huile d’olive. Mais c’est une industrie qui ne rapporte pas grand chose au pays. Pourquoi ? Parce que les soi-disant entrepreneurs tunisiens ne se sont jamais préoccupés d’investir dans l’enrichissement de leurs produits ou de leurs services (le tourisme entre autres en est un exemple emblématique). Et ce n’est pas faute d’avoir été alertés depuis au moins 15 ans sur l’inanité de ce modèle de développement. A l’exception de quelques pionniers dont certains sont décédés, ils préfèrent vendre l’huile au prix le plus bas. Et pourtant, le monde occidental ne finit pas de s’émerveiller sur les pouvoirs de l’huile d’olive et de ses multiples composés phénoliques sur la santé. Les livres du Pr Henri Joyeux, de Bordeaux, qui se vendent par centaines de milliers d’exemplaires, le confirment, notamment en ce qui concerne sa richesse en polyphénols et antioxydants. Quand aux producteurs tunisiens et spécialement les maffias qui tiennent le secteur, j’attends depuis des décennies qu’ils se mettent à exploiter cette filière et ces arguments pour valoriser encore plus la production nationale. Le secteur est tellement corrompu que l’huile d’olive tunisienne est aujourd’hui la moins chère du monde, et est revendue au détail par des marques espagnoles et italiennes. Les recherches tunisiennes sur les polyphénols ne manquent pas pourtant, dont des travaux sur l’extraction des polyphenols à partir de la margine ou des feuilles d’oliviers. Sauf, qu’il n’y a pas à ma connaissance un seul capitaliste qui les ait soutenues ou aidées à déboucher sur le marché. Ces soi-disant capitalistes préfèrent créer ou financer discrètement des partis politiques fantoches, financer des journaux bidons, et aller skier à Megève, plutôt que de développer l’industrie de leur pays. L’exemple de la filière de l’huile d’olive montre toute la corruption des uns autant que l’incompétence des autres ».

Le tableau a dû s’assombrir, depuis, car la Tunisie ne va pas aujourd’hui mieux.

S.B.H

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