Les mécanismes de redevabilité constituent la pierre angulaire de toute société démocratique, servant de garde-fous essentiels pour la préservation des droits fondamentaux et des libertés individuelles.
Durant les dernières décennies, de nombreux pays ont cherché à consolider leur transition vers la démocratie en mettant en place des Instances Publiques Indépendantes (IPI) chargées de surveiller et d’assurer la redevabilité des institutions gouvernementales et de protéger les droits de leurs citoyens.
Une conférence scientifique et internationale, organisée ce vendredi 27 octobre 2023 à Tunis, par la Transition Redevable pour la Société Tunisienne (TRUST), qui est un programme financé par la coopération suisse, et mise en œuvre par Eurome Droits, a pour but d’examiner la situation actuelle des IPI, leur rôle, leurs défis, et leurs réalisations.
La redevabilité implique de définir des buts et objectifs clairs, d’assumer la responsabilité de les atteindre et d’accepter d’être éventuellement sanctionné en cas de non-respect des engagements pris.
S’agissant de politique ou de l’administration, la redevabilité engage la responsabilité du dirigeant pendant ou après son mandat ou sa fonction à la tête de l’État ou de l’administration. A partir de là, il est dans l’obligation de rendre compte et d’expliquer ses décisions aux instances de contrôle et aux différentes parties prenantes ; ces dernières doivent par conséquent honorer les bonnes prestations et sanctionner les abus de pouvoir.
Le système de redevabilité reste encore embryonnaire et globalement fragile malgré les avancées au niveau législatif. Le processus de changement est lent et soumis à des résistances diverses de la part du gouvernement et de l’administration qui ont du mal à changer les pratiques. Mais des facteurs internes aux IPI ralentissent le processus également. Ils sont dus principalement à la jeunesse institutionnelle des IPI, des lacunes au niveau organisationnel, dans les modalités de gestion opérationnelle, des problèmes de financement et des méthodes de travail.
La stabilité des mécanismes de redevabilité n’est pas garantie
Slim Larbi, responsable du programme Redevabilité et Droit de l’homme à Eurome Rights, a indiqué, dans une déclaration à African Manager, que les mécanismes internationaux peuvent aider la Tunisie à renforcer la redevabilité, à travers la sous-commission de la prévention de la torture auprès des Nations Unies, ainsi que les partenaires internationaux.
« Quand on parle de redevabilité, on ne parle pas que d’instance. En effet, bon nombre de défis nous attendent dans les années à venir, car la mise en place des instances constitutionnelles en Tunisie est à la traîne, le Conseil de l’éducation n’est pas encore fonctionnel, contrairement au décret-loi 54.
Selon Larbi, tout le discours contre les associations est basé sur le blanchiment d’argent, « si on voit la Cour des comptes de l’année dernière, demandée par le gouvernement, il y a seulement 4 associations qui ont été désignées par cette juridiction, en relation avec le blanchiment d’argent », a-t-il ajouté.
Il estime que moult mécanismes de redevabilité demeurent défaillants. Le Comité Supérieur des Droits de l’Homme et des libertés Fondamentales, censé être un défenseur des droits humains en Tunisie, a été obéré par des limitations et des interférences externes. De ce fait, ces obstacles ont entaché sa capacité à remplir pleinement son mandat de protection et de promotion des droits fondamentaux.
D’autre part, les évolutions constitutionnelles, telle que la nouvelle Constitution de 2022, peuvent avoir un impact profond sur ces mécanismes et leur efficacité.
Dans ce contexte, il devient impératif d’analyser de manière approfondie les mécanismes de redevabilité existants, leurs vulnérabilités, ainsi que leurs besoins en réforme.
A noter que le projet TRUST représente un exemple concret de l’engagement de la société civile dans le renforcement des mécanismes de redevabilité en Tunisie.