AccueilLa UNELa «rhétorique ségrégationniste» de Saied disséquée par le Washington Post

La «rhétorique ségrégationniste» de Saied disséquée par le Washington Post

Visiblement offusqué par les réactions outrées à ses déclarations  devant le Conseil national  sécurité, jugées « racistes », le président de la République , Kais Saied, a pris sur lui, vingt-quatre heures plus tard, de se rattraper, sans autant faire amende honorable. Ses propos tenus sur un ton lénifiant n’en ont pas moins continué de lui valoir  des réponses virulentEs en Tunisie  comme ailleurs, comme , par exemple , celle du Washington Post qui en a retenu l’assertion de «  hordes d’immigrants avec leur cortège de violence et  de criminalité  et de vagues successives  de migration irrégulière »  qui ont pour but de changer l’image de la Tunisie en celle « d’un pays uniquement africain qui n’a aucune affiliation avec les nations arabes et islamiques ».

Dans un long article, le quotidien washingtonien relève que les remarques du président, qui laissent entendre qu’une nébuleuse aux intentions néfastes se cache derrière la migration vers le pays, ont suscité des comparaisons avec le langage de la « théorie du grand remplacement », selon laquelle les politiques ou les élites qui accueillent l’immigration travaillent à « remplacer » les Blancs dans les pays occidentaux. Popularisée ces dernières années par les nationalistes français – qui invectivent souvent les immigrés musulmans en France, y compris ceux d’origine tunisienne -, la théorie du complot a été liée aux attaques de suprémacistes blancs à Charlottesville en août 2017, sur des mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en mars 2019, et dans un supermarché à Buffalo en mai 2022, entre autres. Au passage, WP note que les commentaires de Saied ont attiré les applaudissements d’Éric Zemmour, un leader de l’extrême droite française connu pour ses opinions anti-islam et anti-immigrés.

Couplée à une campagne d’arrestations généralisées de migrants, l’escalade de la rhétorique du palais présidentiel dans ce pays à majorité arabe a suscité chez les citoyens noirs comme chez les immigrés la crainte de violences de rue ou d’arrestations arbitraires, dans un pays dont le système judiciaire est désormais largement sous le contrôle du président, affirme le Washington Post qui concède, cependant , que la Tunisie est  une destination pour les personnes qui fuient la violence ou la pauvreté dans les pays d’Afrique subsaharienne – et une plaque tournante essentielle pour ceux qui traversent la mer à bord de bateaux précaires pour demander l’asile en Europe.

Il n’en demeure pas moins que « les immigrés y sont depuis longtemps victimes de discrimination, et les sans-papiers,  sujets aux arrestations et à l’exploitation, vivent dans des conditions particulièrement précaires ».

Les autorités tunisiennes ont détenu des centaines de migrants ce mois-ci et violé les droits des personnes arrêtées aux frontières du pays, selon une lettre ouverte signée par plus de deux douzaines de groupes de défense des droits la semaine dernière, qui accusait le gouvernement tunisien de violer ses obligations en vertu du droit international en matière de protection des réfugiés et des droits humains.

« Dans le même temps, l’État tunisien a fait la sourde oreille à la montée d’un discours haineux et raciste sur les réseaux sociaux et dans certains médias qui vise spécifiquement les migrants d’origine africaine subsaharienne », indique la lettre. « Ce discours haineux et raciste est même perpétué par certains partis politiques, qui réalisent des coups de propagande sur le terrain, facilités par les autorités régionales. »

Le Conseil d’affaires Tunisie-Afrique a fait part de sa « profonde préoccupation » jeudi. Une association d’étudiants et de stagiaires nigérians en Tunisie a publié une déclaration invitant ses membres à toujours porter sur eux des documents d’identité et à éviter de flâner dans certains quartiers des villes tunisiennes, de sortir inutilement ou tard le soir, et d’emprunter les transports en commun. Dans un message posté sur les réseaux sociaux, un étudiant en maîtrise de Côte d’Ivoire, étudiant dans une université tunisienne, a dénoncé l’incapacité des universités à protéger leurs étudiants. Certains Ivoiriens ont demandé à leur ambassade en Tunisie de les rapatrier.

Le témoignage de Houda Mzioudet

La montée du vitriol menace également les citoyens noirs, selon les groupes de défense des droits. Les Tunisiens noirs représentent depuis longtemps une proportion importante de la population, largement estimée à environ 10 à 15 % de la population du pays, qui compte quelque 12 millions d’habitants. Nombre d’entre eux  continuent d’être victimes de discrimination dans la société tunisienne. WP, cite Houda Mzioudet, une analyste politique tunisienne noire basée à Toronto,  qui a partagé sur Twitter les témoignages d’un concierge tunisien noir qui craignait de prendre les transports en commun pour se rendre au travail et d’une famille tunisienne noire que la police a affrontée lors de funérailles cette semaine.

En tant que Tunisien noir, Mzioudet a fait l’expérience directe du racisme. Les commentaires de Saied ont exprimé les « tropes racistes les plus primitifs et les idées préconçues sur les Tunisiens noirs » parmi les segments de la population non noire, dit-elle, ajoutant qu’elle craint que le musellement de la dissidence par le gouvernement n’empêche davantage de Tunisiens noirs et de migrants d’Afrique subsaharienne de partager des récits de harcèlement, de violence ou de discrimination.

Le Washington Post  prend cependant soin de rappeler qu’en  2018, avant l’élection de Saied, la Tunisie est devenue le premier pays arabe à adopter une loi criminalisant le racisme. Saied lui-même a précédemment exprimé sa fierté de l’identité africaine de la Tunisie.

Maintenant, face à une opposition croissante et à une crise économique insoluble, Saied semble utiliser les immigrants comme un bouc émissaire politiquement commode, selon les analystes. L’accent qu’il met sur les sans-papiers intervient dans un contexte de répression des dissidents ces dernières semaines qui a suscité l’inquiétude du Département d’État américain, conclut WP.

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