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La stratégie pour sortir de la crise, selon Radhi Meddeb et Slaheddine Sllami

Dans une lettre au chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, l’économiste Radhi Meddeb et le professeur Slaheddine Sellami ont présenté des propositions pour la gestion de la crise actuelle. Une contribution à la mobilisation nationale en matière de lutte contre la pandémie et des propositions en matière de gouvernance de cette crise et des modalités d’en sortir.

« Il est temps maintenant de la partager, avec la liste des 68 signatures prestigieuses, y compris les quatre prix Nobel de la Paix, quatre anciens ministres de la santé, plus de vingt professeurs de médecine et de pharmacie, des chefs d’entreprises, des universitaires et des personnalités influentes de la Société Civile », ajoutent les deux auteurs de la missive où ils exposent, en préambule, « les défis que nous devons affronter, en priorité », sont sanitaires afin de protéger le maximum de personnes, sauver le maximum de vies et endiguer au plus vite la propagation du virus, sociaux afin d’aider les couches les plus défavorisées, les ouvriers qui risquent de perdre leur travail, les journaliers et ceux qui travaillent dans le secteur informel, et économiques afin de préserver au maximum notre tissu économique et en particulier nos artisans, nos commerçants, nos paysans, nos start-ups, TPE, PME et PMI qui doivent continuer à jouer leur rôle social et surtout reprendre leurs activités à la sortie de la crise.

Il est expliqué que « notre stratégie pour les jours à venir doit viser à protéger au maximum la population et à essayer de circonscrire au maximum la durée du confinement en anticipant le meilleur scénario de dé-confinement progressif et ciblé, pour alléger la souffrance des couches les plus démunies et éviter le risque de mécontentement sinon d’une explosion sociale. Ce risque serait d’autant plus à craindre si le confinement devait être prolongé au-delà du 19 Avril, sans que des mesures très fortes d’accompagnement n’aient été prises de manière urgente en faveur des plus démunis ».

Sur le plan sanitaire, Radhi Meddeb et Slaheddine Sellami estiment que « la décision de confinement général de la population, adoptée pour une période initiale de 15 jours et prorogée de deux semaines supplémentaires, est la bonne décision ». Il faut la maintenir, la renforcer et la compléter afin d’assurer les conditions de son application, ajoutent-ils soulignant que les mesures coercitives sont probablement nécessaires, mais l’adhésion de la population passe plus par la pédagogie, l’encadrement et l’appui économique.

Sur le plan social, les deux cosignataires, rappelant que la Tunisie compte aujourd’hui près de deux millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté, outre plusieurs autres centaines de milliers de personnes vulnérables. Des populations qui doivent être secourues correctement pendant le confinement. Un panier familial de référence devrait être défini, acheminé par l’armée et distribué avec l’appui des autorités et les associations locales ayant une bonne connaissance du terrain et des besoins réels des habitants. À défaut de capacité d’acheminement, une aide financière équivalente doit être distribuée aux familles nécessiteuses, à travers les mêmes circuits, dans la proximité. Il y a là une opportunité pour mettre à la disposition des bénéficiaires et sur un réseau de commerçants partenaires un porte-monnaie électronique qui pourrait éviter les risques de regroupement autour des points de distribution des aides en numéraire ou en nature.

Les mesures économiques proposées

Sur le plan économique, la nécessité est soulignée que la gestion sanitaire de la crise soit exemplaire et que sa sortie progressive du confinement soit rapide pour éviter un effondrement de son économie. La pandémie intervient à un moment où la croissance était déjà poussive, où le chômage était durablement installé à des niveaux inacceptables, où l’inflation restait à des niveaux élevés malgré une inflexion récente, où le pouvoir d’achat des populations était érodé, où les entreprises publiques cumulaient les déficits pendant que celles privées ployaient sous le poids des impôts, des charges sociales et des tracasseries administratives, où les caisses sociales menaçaient d’effondrement, où le système sanitaire chancelait, où la désindustrialisation était en marche depuis plusieurs années… « Nous avons conscience que les marges de manœuvre au niveau du budget de l’État sont limitées sinon inexistantes », concèdent-ils pour réclamer des « interventions d’ampleur, en faveur de tous les opérateurs économiques que les mesures annoncées [par le gouvernement] ne concerneront pas ».

Voici le catalogue des principales mesures économiques préconisées par Radhi Meddeb et Slaheddine Sellami :

– Il faut faire que les critères d’éligibilité des entreprises au bénéfice des mesures annoncées soient connus de manière objective et que le bénéfice des mesures ne soit pas tributaire d’une commission livrée à elle-même ou qui chercherait à minimiser les dépenses de l’État dans une conjoncture de disette,

-Afin d‘assurer le maximum de chances de succès à cette démarche de soutien aux entreprises, il est essentiel qu’elle se fasse dans la proximité. L’instruction des dossiers des entreprises impactées par la crise devrait être menée par les banques commerciales. Il leur reviendra de faire remonter les dossiers étudiés à la commission, régionale ou nationale, dans un délai maximum de 15 jours. L’objectif devrait être d’assurer à chaque entreprise une trésorerie minimale correspondant à un minimum de 45 jours de son besoin en fonds de roulement. L’intervention de l’État devrait se faire, sans décaissement, à travers une garantie donnée à la banque de l’entreprise bénéficiaire.

-En parallèle à toutes ces mesures, il est essentiel de permettre aux entreprises, qui le souhaitent et qui présentent les garanties sanitaires nécessaires, une reprise plus rapide de leurs activités. Ces garanties pourraient être, une distanciation physique suffisante sur site, le transport du personnel dans des conditions agréées, des procédures barrière sur le lieu de travail et une visite médicale quotidienne avec des tests aléatoires et permanents. Les coûts induits par ces mesures restent évidemment à la charge de l’entreprise.

-Des traitements appropriés et des mécanismes précis doivent être identifiés pour toucher tous les travailleurs journaliers, les ouvriers agricoles, les artisans et les petits métiers de l’informel, ceux qui partent quotidiennement à la recherche d’un revenu, ceux-là mêmes, ne bénéficient ni d’assurance chômage, ni de congés payés, ni de couverture sociale. Ces acteurs économiques fragiles et vulnérables échappent aux recensements des bénéficiaires traditionnels de l’aide sociale. Ils ne sont, d’ailleurs, pas demandeurs d’aide sociale, mais d’accompagnement pour faire face aux contraintes du confinement.

-Il faut donner à la microfinance les moyens de se porter solidaire de ses 450.000 bénéficiaires. Les institutions de microfinance apportent leur soutien à ces opérateurs économiques vulnérables et à la lisière de l’informel pour un volume d’intervention supérieur à un milliard de dinars. Il est important que l’État facilite leur refinancement et qu’il assouplisse, de manière transitoire, les règles prudentielles qui régissent le secteur, à la manière de ce qui a été fait avec les banques.

-Le Fonds Monétaire et la Banque Mondiale viennent de saisir le G20 d’une demande de gel de la dette des pays pauvres. Certes, la Tunisie n’émarge pas sur cette catégorie de pays. Mais nous avons été éprouvés, toutes ces dernières années, par bien des considérations géopolitiques sur lesquelles nous n’avions aucune prise. Nous devons, avec l’appui de quelques pays proches et amis, nous engouffrer dans cette brèche que les institutions de Bretton Woods entrouvrent pour d’autres.

-Le service de la dette devient insupportable, en temps de paix. Il risque de nous étouffer dans la guerre que nous engageons contre le coronavirus. Il est urgent que la Tunisie engage avec ses bailleurs de fonds des discussions solidaires et responsables pour une meilleure gestion de sa dette extérieure. Une telle démarche n’entacherait en rien la crédibilité de la Tunisie et son attachement permanent à honorer ses engagements. Elle pourrait lui permettre de dégager une fenêtre budgétaire pour renouer avec des investissements plus soutenus en matière d’infrastructures et de restauration de sa compétitivité.

-La chute des prix pétroliers donne une bouffée d’oxygène au budget de l’Etat en 2020. Il est important d’optimiser les achats avec une politique judicieuse d’achats à terme, après consultation avec les experts dans ce domaine

En conclusion, Radhi Meddeb et Slaheddine Sellami affirment que « nous ne devrons pas attendre la sortie de la pandémie pour définir un plan de relance et de repositionnement stratégique de la Tunisie. La crise nous confronte à de multiples défis. Elle n’en présente pas moins des opportunités considérables. Nous devons d’ores et déjà, mettre en place des équipes pluridisciplinaires, identifier ces opportunités et avoir l’ambition d’anticiper les mutations vers un monde plus solidaire, plus inclusif et plus durable ».

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