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La Tunisie, au bord de la faillite, devient un champ de bataille aux spéculations économiques

Aux prises avec la pire crise économique et financière de son histoire, la Tunisie, au lieu d’être secourue, est devenue un champ de bataille tout désigné aux spéculations économiques et financières. Autant pour ses élites à l’intérieur qu’au sein des plus prestigieuses instances internationales.

Elle rappelle tristement le cas de ce royaume connu au Moyen âge dont l’élite passait son temps à discuter du sexe des anges alors qu’une armée ennemie l’assiégeait.

Les lecteurs intéressés peuvent avoir une première idée de ces affrontements sur le réseau social facebook en recherchant sous le titre « Tunisie-FMI ».

Mais, le plus beau est que le gouvernement est partie prenante dans cette polémique, en rangs dispersés.

Les déclarations des uns et des autres dans les communiqués officiels et les conférences de presse font ressortir un grand désaccord d’appréciation entre le président de la République Kais Saied et son staff économique et financier au sein de l’équipe gouvernementale.

Le chef de l’Etat a déclaré franchement qu’il ne prête pas d’importance spéciale aux mises en garde des Agences de notation comme l’américaine Moody’s qui a embrouillé, ces derniers jours, les cartes du dossier tunisien auprès du FMI en dégradant la note souveraine de la Tunisie et celles de quatre banques tunisiennes, provoquant un vent de panique chez les milieux des économistes et experts financiers du pays.

Tout le monde sait que la note souveraine, dans ce cas, signifie la capacité du pays à rembourser ses dettes extérieures et intérieures.

En effet, le président tunisien a comparé les appréciations de ces cabinets de notation aux recettes culinaires des chefs de cuisine, disant en substance que personne en Tunisie ne leur avait demandé leur avis, au moment où son staff économique et financier travaille d’arrache-pied depuis des mois pour fignoler un programme de réformes national à même de plaire au FMI, réticent à accorder des prêts à la Tunisie, son bon élève de tous les temps.

Or, pour certains économistes tunisiens comme Ezzeddine Saidane, il ne s’agit pas de réticence, mais de refus. Particulièrement affolé par le sort funeste jeté par Moody’s, cet économiste a recommandé de recourir au Club de Paris, désormais la seule issue offerte à la Tunisie, à son avis, avant qu’il ne soit trop tard.

« Le seul moyen pour desserrer l’étau et éviter l’étouffement des finances publiques semble être aujourd’hui le rééchelonnement de notre dette extérieure et ceci ne peut se faire que par le passage devant le club de Paris suivi du club de Londres, a-t-il écrit dans un long rapport à ce sujet.

Pour rappel, le rôle principal du Club de Paris est d’assurer le recouvrement des créances officielles et la coordination des créanciers publics lors des restructurations de dettes.

Ainsi, aller au Club de Paris, c’est reproduire pour la Tunisie le scénario de la Commission financière internationale installée au 19ème siècle dans le même but et ayant  abouti à sa colonisation.

Dégradation politisée et concertée !

Toutefois, beaucoup sont ouvertement ou tacitement du même avis dont l’économiste Aram Belhaj qui a noirci le trait en prédisant à la Tunisie le scénario libanais en l’absence de ressources financières extérieures propres à combler les déficits de ses finances publiques. La lire libanaise est négociée, actuellement, à hauteur de 50 mille lires pour un dollar américain, contre 3 dinars tunisiens environ pour un dollar. 

Par contre, l’ancien ministre du Commerce, l’économiste Mohsen Hassen a mis, mardi 7 février, en garde contre le recours au Club de Paris qui signifie une reconnaissance solennelle de la faillite de la Tunisie,  selon lui. Il a estimé qu’il y a encore d’autres moyens pour colmater la brèche et sauver la Tunisie de l’intérieur.

C’est que pour lui et pour une bonne partie de l’élite tunisienne, le problème de la Tunisie est politique et commande une solution politique et non pas des recettes financières techniques.

Des experts estiment en effet que les réticences du FMI et la démarche de l’Agence Moody’s, en ce moment, en particulier,  sont politisées et concertées.

D’après ces experts, le FMI, longtemps en très bons termes avec la Tunisie pour lui refuser, en dernier ressort,  le déblocage des prêts promis, a laissé à l’Agence Moody’s le soin de lui apporter une justification plausible à sa démarche.

Comment expliquer alors, disent-ils,  l’entrée subite en ligne de cette Agence, au moment où tout le monde  est au courant, déjà depuis longtemps, des grandes difficultés financières de la Tunisie face à sa dette extérieure volumineuse. 

Il n’est aujourd’hui de secret pour personne que ces Agences de notation (Credit Rating Agency , de leur nom original en anglais), créées en 1920 par des businessmen américains, en mal de projets plus positifs, se sont transformés en offices d’Inquisition.

Moody ‘s plus spécialement n’a pas cessé depuis 2013 de dégrader  la note souveraine de la Tunisie.

Dans une enquête de très haut niveau sur ces Agences de notation  publiée par le site « Acturiat. Net » , on lit en substance : « En dépit de ces méthodes de travail bien rodées, les agences ont, au cours de ces dix dernières années, commis des erreurs qui ont eu un impact négatif sur l’économie mondiale. Par exemple, et c’est un fait avéré, elles n’ont pas anticipé deux faillites majeures : celles d’Enron en 2001, puis celle de la banque Lehman Brothers en 2008. Au moment de sa banqueroute, Lehman Brothers était notée A. Et Standard & Poor’s ainsi que Moody’s notaient Enron en catégorie « investissement » quatre jours à peine avant que la société ne mette la clé sous la porte! Ces échecs ont fait naître des soupçons de conflits d’intérêts entre les agences et certains de leurs clients. Un sentiment renforcé par le rôle qu’elles ont tenu lors de la crise des subprimes, à l’origine de la crise internationale financière de 2008 : comme dans un mauvais remake, elles n’ont pas vu venir les défauts de nombre de ces produits complexes. Rien d’étonnant pour Gunther Capelle-Blancard, directeur adjoint du Ceri (Centre d’études et de recherches internationales) et professeur d’économie à l’université Paris I : « Leur comportement est critiquable dans la mesure où elles ont participé à la structuration de ces produits au travers d’un rôle de conseil. Cela a révélé certains conflits d’intérêts qu’elles pouvaient entretenir avec quelques-uns de leurs clients. »

Semer la panique !

A rebours  d’experts  qui ont pris à la lettre ces menaces venues d’ailleurs, beaucoup de citoyens tunisiens ont accueilli les appréciations négatives de Moody’s avec sérénité, voire avec scepticisme.

Commentant en ligne les propos de E.Saidane, un citoyen lui a demandé de cesser de semer la panique, soulignant que les Agences de notation sont payées pour intimider et domestiquer les Etats.

Ancien ministre de l’Education et ex président de l’Institut tunisien des études stratégiques, le politicien Néji Jalloul, est allé jusqu’à proposer le doublement des salaires pour impulser la demande intérieure et la production économique, parallèlement à la poursuite du recours à l’émission et la vente à terme des bons de trésor, préconisée par d’autres spécialistes, mais rejetée par la Banque centrale de Tunisie.

S.B.H

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