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La Tunisie n’est nullement préparée pour le gaz de schiste, selon l’ATTEM

L’exploration et l’exploitation du gaz de schiste a été depuis plusieurs années sujet à controverse notamment en Europe. En Tunisie, la polémique suscitée par les projets de Shell d’extraction de gaz de schiste est en train de se transformer en débat national mobilisateur. Pour plus d’éclaircissements sur ce sujet, Africanmanager a contacté Sofiane Réguigui, président de l’Association Tunisienne de transparence dans l’énergie et les mines (ATTEM).

La Tunisie est-t-elle vraiment préparée pour le gaz de schiste ?

La Tunisie n’est même pas prête sur le plan juridique et fiscal (Code des Hydrocarbures). En effet, les institutions responsables (Ministère de l’industrie & ETAP) devraient commencer par la formation des compétences et l’implication des autres parties tels que l’ANPE, le Ministère de l’Agriculture… avant d’entamer d’éventuelles négociations pour l’attribution d’un permis d’exploration des hydrocarbures non conventionnels.

Comment expliquez-vous votre participation à la protestation du 7 novembre dernier contre l’octroi d’un permis d’exploration à Shell?

L’ATTEM était là pour soutenir cette manifestation, initiée par des associations écologiques unies par une position ferme et claire, et ce pour dire au gouvernement : Non au gaz de schiste.

De notre part, nous avons exprimé, dans le communiqué du 21 septembre dernier, que notre pays n’est pas encore prêt pour ce type de projet. Ainsi, nous avons demandé au gouvernement des clarifications quant aux préparatifs éventuels qu’il aurait pris à ce sujet, à savoir un cadre juridique adapté aux hydrocarbures non conventionnels, un plan de protection de l’environnement…

D’où la nécessité d’avoir une réglementation stricte à l’instar des exemples donnés par le gouvernement, à savoir l’expérience américaine et canadienne.

Quels risques présente cette technique d’exploration pour la Tunisie ?

On sait que l’exploration des hydrocarbures non conventionnels, notamment le pétrole ou gaz de schistes, se base sur des techniques nouvelles, à savoir : le forage horizontal, la fracturation hydraulique… Cette dernière est utilisée dans la majorité des cas et elle nécessite l’emploi d’énormes quantités d’eau auxquelles sont ajoutés des produits chimiques plus ou moins dangereux. Ces produits constituent une menace directe pour les ressources en eaux et l’environnement. D’autant plus, à ce jour, on n’a pas une réglementation pour gérer l’emploi des produits chimiques : quels seront les produits autorisés et ceux à bannir? Dans quelles conditions ? Comment et qui va contrôler leur usage? Tous ces aspects nécessitent beaucoup de préparation technique et législative qui pourront engendrer des polémiques énormes.

Malgré le danger que représente cette technique d’exploration, le gouvernement tient encore à ce projet, comment expliquez-vous cette attitude ?

Vous devrez adresser cette interrogation au gouvernement ! Pourquoi toute cette détermination à attribuer ce projet au Sahel ?

Malheureusement, depuis une année, nous n’avons cessé de demander un audit complet du secteur énergétique pour avoir une image actualisée de la situation en Tunisie : sur le plan réglementaire, institutionnel, l’état de l’infrastructure et surtout les cas relevés de mauvaise gestion et de corruption (cf. le rapport de la commission nationale d’investigation sur la corruption et la malversation).

En effet, pas mal de cas de corruption ont été révélés par la CNICM dans le secteur de l’énergie d’où l’urgence et l’obligation de réviser tout le secteur et notamment le processus d’octroi des permis pour garantir plus de transparence et de traçabilité afin de rétablir la confiance avec la société civile et tous les acteurs du secteur.

la Transparence et la bonne gouvernance que nous ne cessons de clamer nécessiteront une restructuration du secteur de l’énergie. Malheureusement, à ce jour, le gouvernement et le ministère de l’industrie n’ont pas répondu à nos demandes d’audit…

Sachant que la Tunisie produit à peine 73 mille barils de pétrole par jour et qu’ils ne couvrent pas sa consommation, un vrai problème de « compensation » se pose. Le déficit énergétique ne doit pas justifier le recours improvisé à des solutions (hydrocarbures non conventionnels) qui risquent d’avoir des effets négatifs sur les générations futures, le développement durable et l’environnement.

Un audit écologique des zones sinistrées, durant les régimes de Ben Ali et de Bourguiba, par les industries minière et pétrolière montrerait les catastrophes survenues. Autant s’engager à réparer ces dégâts que se presser à causer des dommages qui peuvent être irréversibles dans d’autres régions.

Comment vous voyez les solutions alors ?

Nous proposons de redoubler d’efforts concernant l’exploration des hydrocarbures conventionnels afin de couvrir les besoins du pays, accélérer tout ce qui est promotion des blocs libres et de l’exploration du pétrole conventionnel. Il faut aussi accélérer les grands projets retardés comme l’exploitation du gaz dans le Sud.

Nous appelons à mettre en œuvre un plan environnemental global qui couvre toute l’industrie pétrolière en Tunisie et à renoncer à ce projet dans l’immédiat car toutes les décisions stratégiques qui concernent l’avenir du pays en matière d’énergie ne doivent pas se faire dans la hâte ni par une administration « spécialisée » dans la gestion du quotidien.

Aujourd’hui, le gouvernement a une pression budgétaire et il veut trouver des solutions immédiates, et faciles. Ceci explique par ailleurs l’augmentation continue des prix des carburants.

Une augmentation qui n’a jamais été comprise par le consommateur: Pourquoi ? Quelle est la part des impôts dans cette augmentation ? Le budget de l’Etat compense quoi ?

A vrai dire, l’Etat est en train de compenser non seulement les prix mais aussi la mauvaise gestion et l’absence de prise de bonnes décisions stratégiques (notamment la nouvelle raffinerie etc.). Tous ces problèmes devraient être repensés et il faut ouvrir un débat public sur l’énergie pour trouver d’autres solutions (N’oublions pas que plusieurs opportunités s’offrent déjà à l’international !).

Il faut que le gouvernement réalise un rapport objectif évaluant le secteur et donnant de nouvelles propositions concrètes.

Les participants à la manifestation du 7 novembre 2012 ont appelé à porter plainte contre le ministère de l’Industrie, qu’est ce que vous en pensez ?

Je ne sais pas si cela a une valeur sur le plan juridique sachant que le permis n’a pas encore été accordé et aucun contrat signé.

Pour l’ATTEM, le problème n’est pas seulement lié à l’éventuelle attribution de ce permis, il concerne plutôt la nécessité de réviser tout le processus d’octroi des permis. La société civile veut comprendre comment cela passe. Selon quels critères ? Qui donne ces permis ? Pour quels objectifs ? On veut aussi que la commission consultative des hydrocarbures travaille dans la transparence avec la participation de la société civile et des experts.

Qu’est-ce vous reprochez au gouvernement ?

D’abord, l’hésitation. Il y avait eu beaucoup de déclarations contradictoires au sein du gouvernement. Les ministères de l’Industrie et de l’Environnement n’ont pas la même position quant à l’utilisation de la technique de fracturation hydraulique.

En outre, il y a un manque de transparence: aucun document officiel n’a été publié sur ce sujet à part la dépêche du 1er septembre 2012 qui a parlé de 100 milliards d’investissement et de quatre puits à forer en 2013 à Sfax, Sousse, El Jem et Kairouan.

Le gouvernement doit aussi nous expliquer l’intérêt de la Tunisie dans l’emploi de cette technique ? il faut qu’il y ait un document de travail diffusé pour les députés, les journalistes et la société civile.

On a besoin d’un maximum d’informations aussi bien sur l’aspect environnemental qu’économique.

La société tunisienne a besoin d’être informée et rassurée et ceci est une obligation à la charge du gouvernement. Cela fait aussi partie de la responsabilité sociale de l’entreprise qui doit expliquer tous les projets dans leurs détails.

C’est la responsabilité du gouvernement d’être précis et clair et de publier un rapport officiel à ce sujet.

Les déclarations contradictoires de certains membres du gouvernement prouvent que le projet n’a pas été encore discuté officiellement au sein du gouvernement.

L’ANC n’est même pas informée ce qui prouve le manque total de transparence et que les mécanismes de prise de décision au sein du ministère de l’Industrie doivent être revus pour plus de transparence et de bonne gouvernance.

C’est le moment ou jamais de réformer le secteur de l’énergie et des mines pour le bien de notre pays.

Khadija Taboubi

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