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La violence décriée mais banalisée

Souvent subie, autant décriée, la violence en Tunisie sous la plupart de ses formes est rarement traitée. S’y exposer est devenu un fait presqu’ordinaire de la vie quotidienne. Dans la rue, dans les espaces publics, mais aussi dans une moindre mesure, il est vrai, au sein de la famille, elle prend les allures d’une occurrence en voie de banalisation dont on s’accommode mal certes mais qui tarde à appeler un tollé collectif et des remèdes à la racine.

Le think tank Middle East Institute, basé à Washington, dans une analyse sur le thème « Civiliser ‘État dans les régions du Moyen-Orient et de l’Asie-Pacifique », parle de « normalisation de la violence en tant que condition de vie prenant de nombreuses formes ». Les élèves tunisiens subissent quotidiennement des punitions physiques, du harcèlement verbal et de la stigmatisation en raison, par exemple, de la situation de vie de leurs parents. Entre 20% et 30% des jeunes interrogés ont déclaré avoir été victimes de violence physique au cours de l’année écoulée, et les garçons sont plus touchés que les filles. Un grand nombre de filles et de femmes sont exposées à diverses formes de violence. Une étude du gouvernement tunisien publiée en 2016 a révélé que 53,5% des femmes interrogées ont déclaré avoir été victimes de violence dans l’espace public au cours des quatre dernières années (2011-2015); et 78% ont déclaré avoir souffert d’une forme de violence psychologique dans l’espace public.

Une culture de méfiance et de peur

Les experts de l’Institut du Moyen-Orient notent cependant que la violence quotidienne en Tunisie n’est pas nouvelle. Elle n’a pas non plus été déclenchée par le processus de transition. En raison du caractère autoritaire de l’ancien régime, la violence et la peur étaient une constante dans la vie de nombreux Tunisiens: des téléphones ont été mis sur écoute, les jeunes hommes soumis à une détention arbitraire, des policiers en civil écumaient les rues, déchirant le foulard des femmes et les perquisitions nocturnes étaient trop courantes.

La répression et les violences quotidiennes en Tunisie sous le régime autoritaire ont généré une culture de méfiance et de peur. Ainsi, la violence est tellement intégrée dans la vie quotidienne du peuple tunisien qu’elle est à peine perçue comme une violence en soi mais plutôt comme une prémisse de la vie. La violence a été normalisée.

Vers une approche holistique

La violence et l’insécurité en Tunisie sont structurelles et systémiques et imposent des contraintes à la vie des citoyens ordinaires et à leur capacité à devenir des membres actifs et à part entière de la démocratie tunisienne, souligne l’étude. Aujourd’hui, huit ans après le soulèvement, de larges segments de la population tunisienne n’ont toujours pas l’influence nécessaire pour avoir la maîtrise de leur vie quotidienne. Ils subissent une marginalisation liée à la géographie et à l’exclusion politique et financière. Aussi la société est-elle davantage exposée à la culture de la violence. Les chercheurs tunisiens et les acteurs de la société civile tunisienne sont profondément préoccupés par le fait que l’utilisation et l’expérience de la violence quotidienne par les jeunes conduiront à une rébellion et à des troubles supplémentaires, qui perturberont non seulement la transition tunisienne, mais déstabiliseront le pays et éventuellement toute la région, avertit le think tank.

La Tunisie a entrepris certaines réformes du secteur de la sécurité pendant le processus de transition. Alors que les pouvoirs publics et une partie du soutien étranger apporté aux réformes du secteur de la sécurité en Tunisie ont tendance à se concentrer sur des volets tels que la formation du personnel du secteur de la sécurité, le contrôle des frontières et la fourniture d’équipements, d’autres initiatives ont également été lancées comme la police de proximité et les conseils de sécurité locaux. Cependant, le désir de stabilité et de sécurité exprimé par les Tunisiens et les Occidentaux risque d’être exploité par la vieille élite de Ben Ali pour renforcer son pouvoir.

S’attaquer aux causes profondes

La complexité de la violence et de la sécurité en Tunisie avec son aspect économique, sa culture de violence structurelle et systémique héritée, la déception des jeunes avec l’élite politique indiquent que la réforme du secteur de la sécurité et une focalisation sur le secteur de la sécurité ne peuvent à elles seules changer l’état de la violence et le climat de sécurité actuel en Tunisie. Il est nécessaire d’adopter une approche globale qui relie et documente la complexité de la violence et de la sécurité quotidiennes et les causes profondes de la migration et de la radicalisation, non seulement en Tunisie mais dans l’ensemble du Maghreb, recommande l’Institut du Moyen-Orient.

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