Le nombre d’événements météorologiques défavorables induits par le changement climatique dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) a augmenté ces dernières années. La hausse mondiale des températures moyennes, en particulier durant les mois les plus chauds du milieu de l’année, a déjà commencé à faire peser des menaces opérationnelles sur les entreprises de la région, tout en mettant en évidence les capacités quelque peu limitées des pays concernés à prévenir ou à atténuer ces menaces.
La Tunisie, à l’instar des pays d’Afrique du Nord a connu une augmentation des incendies de forêt ces dernières années. L’Algérie en a enregistré 97 en l’espace de trois jours en juillet 2023 ; ces feux se sont rapidement propagés vers l’est, provoquant d’autres incendies de forêt dans le nord-ouest de la Tunisie. De même, le Maroc a enregistré au moins 395 incendies de forêt en 2023 dans l’ensemble du royaume, dont au moins 70 % étaient concentrés dans le nord du pays. Ces incendies ont fait des dizaines de victimes et ont gravement endommagé les infrastructures locales, entraînant des perturbations opérationnelles dues à la destruction des réseaux électriques et à des fermetures massives de routes, recense le site ControlRisks.
Depuis, le Maroc et l’Algérie ont investi dans des avions de lutte contre les incendies, ce qui aidera les deux pays à contrôler la propagation des incendies, mais pas à les prévenir. Le manque de coopération entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie continuera à limiter leur capacité à contrôler la propagation des incendies de forêt comme on l’a vu en juillet 2023 lorsque le manque de coordination entre les autorités algériennes et tunisiennes a permis à des incendies de forêt en Algérie de se propager dans les forêts voisines en Tunisie, indique la même source.
Combattre la chaleur : les défis infrastructurels
L’augmentation durable des températures mondiales constituera une menace pour les pays de la région MENA dotés d’infrastructures bien établies et fonctionnant correctement, ainsi que pour ceux dont les infrastructures sont actuellement inadéquates. Les périodes prolongées de températures élevées ont entraîné des pénuries d’électricité en raison de l’augmentation de la demande de climatisation. En conséquence, les coupures de courant sont devenues plus fréquentes en Irak et au Pakistan pendant les mois les plus chauds (juin-septembre en Irak et mars-juillet au Pakistan).
Dans les pays où la fourniture de base d’électricité ne risque pas d’être immédiatement affectée, comme c’est le cas dans les pays du CCG, la hausse des températures constituera néanmoins une menace pour la capacité de leur réseau électrique. Aux Émirats arabes unis, environ 70 % de l’électricité consommée pendant les mois les plus chauds (mai-septembre) l’est par les systèmes de climatisation et autres systèmes de refroidissement.
Bien que les pays du CCG disposent d’infrastructures qui fonctionnent bien, l’augmentation soutenue et importante des températures mondiales risque de mettre à rude épreuve les infrastructures existantes. Cela vaut également pour les routes qui sont actuellement conçues pour résister aux températures actuelles dans le CCG, mais qui pourraient se dégrader dans les années à venir avec de nouvelles augmentations de température.
Des griefs qui font boule de neige
Le changement climatique continuera également à avoir un impact négatif sur les économies nationales de la région MENA, créant parfois des opportunités de troubles civils. Au Maroc, où l’agriculture représente 19 % du PIB et fournit de nombreuses opportunités d’emploi, une grave pénurie d’eau a entraîné six années consécutives de sécheresse. En Syrie, la désertification causée par une pénurie d’eau extrême et durable dans la steppe syrienne continuera également à avoir un impact négatif sur les moyens de subsistance des populations locales qui dépendent de l’agriculture ou des pâturages pour leur bétail. La perte des moyens de subsistance due au changement climatique constituera une menace importante de troubles civils, incitant à des protestations contre les gouvernements locaux et leur incapacité à protéger les moyens de subsistance de leurs populations.
Dans les pays où les mouvements de protestation de masse restent peu probables, comme ceux du CCG, le changement climatique constituera néanmoins une menace pour leurs économies nationales. Étant donné que les droits des travailleurs font toujours l’objet d’un examen minutieux et que les pays du Golfe tiennent à se conformer aux normes internationales, les périodes prolongées de températures élevées réduiront le nombre d’heures par jour pendant lesquelles les travailleurs en extérieur, comme les ouvriers du bâtiment, sont autorisés à travailler pour se protéger de la chaleur. Cela ralentira les projets et la productivité globale dans des secteurs clés tels que la construction et les infrastructures.
Les pertes économiques induites par le changement climatique rendront plus probables les troubles civils et les protestations contre les gouvernements locaux, ce qui aura un impact négatif sur la stabilité politique dans les pays touchés, avertit ControlRisks. Dans les pays où les troubles civils et leurs effets négatifs sur la stabilité politique sont limités, comme les pays du Golfe, les économies locales seront confrontées à un ralentissement potentiel de la productivité en raison des conditions météorologiques perturbatrices. Elles devront également investir davantage dans les infrastructures afin de prévenir ou d’atténuer l’impact négatif des conditions météorologiques défavorables sur les activités des entreprises.