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« Le moment n’est pas propice aux augmentations salariales » propose le Président de l’Utica.

Comment l’Utica compte s’y prendre pour remettre, à son échelle, l’appareil de production en marche, et avec qui ? C’est là l’un des chantiers auquel la nouvelle équipe dirigeante de l’Organisation patronale est en train de s’attaquer quelques jours après l’attribution de la présidence à Hamadi Ben Sedrine jusqu’à l’organisation du congrès de la Centrale patronale.
Pour sa première sortie médiatique en cette qualité, Hamadi Ben Sedrine a accordé à African Manager un entretien exclusif où il a répondu à toutes les questions qui valent d’être posées alors que l’Utica  se met en état de négocier un tournant décisif pour le patronat et l’entreprise tunisienne en général.  Interview :

Comment se présente la situation au sein même de l’Utica, d’abord, mais aussi par rapport à la conjoncture économique née de la Révolution ?

S’agissant d’abord des structures de l’Utica, il a deux phases : la première, c’est celle où nous avons entrepris des élections au niveau local et régional. Nous avons décidé que si ces élections ne répondaient pas aux besoins des adhérents, elles seraient à refaire. Nous reprenons ces élections sur des bases solides, claires et transparentes. Nous poursuivrons ces élections à partir du Conseil national qui aura lieu, le  samedi 19 mars courant, au cours duquel nous traiterons d’un certain nombre de questions d’intérêt commun, de l’évolution de la situation patronale et de l’examen  de travaux des commissions, notamment celle chargée de la préparation du congrès national de l’Utica. Il ya aussi les volets économique et social, la révision de certains codes, la révision du statut et du règlement intérieur de l’Organisation. A partir des décisions qui auront été prises par le Conseil national, nous lancerons tous azimuts le processus électoral au niveau régional, national et sectoriel.

Est-ce que vous pensez que vous disposez de tous les moyens et d’assez de temps pour mener à bien ces actions alors que vous êtes tenus de déférer à une échéance incompressible, celle de juin 2011, date du congrès ?

Aujourd’hui, avec l’avènement du nouveau Premier ministre, avec la composition d’un gouvernement de technocrates, nous pensons que nous pourrons nous organiser désormais à l’intérieur de l’Utica dans un esprit serein et constructif.

Quels mécanismes vous jugeriez nécessaire de mettre en place pour pouvoir faire face aux mouvements de contestation au sein même de l’Organisation ?

C’est d’abord convaincre les uns et les autres que l’objectif et le motif essentiels, ce ne sont pas les intérêts personnels. C’est l’intérêt du patronat tunisien, et au-delà de l’intérêt du patronat tunisien, l’intérêt de la Tunisie nouvelle, la Tunisie de la Révolution, d’une démocratie totale, d’une liberté totale. Je sais que ce sont des qualificatifs qui sont difficiles à mettre en application par les temps qui courent, car nous traversons des circonstances difficiles, et tous ceux qui sont passés par des révolutions ont mis du temps, beaucoup de temps avant de trouver ce à quoi ils aspiraient. Nous avons fait mieux, la phase n’a duré que quelques semaines.

Nous avons demandé au Premier ministre de persévérer dans la voie de la paix sociale dans le pays. Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire. Si on évolue dans le sens tracé par le gouvernement actuel, nous pourrons escompter de bons résultats sur le plan économique et sur le plan social.

Que diriez-vous à vos détracteurs au sein de l’Utica et ailleurs et quel appel vous leur lancez ?

D’abord, je lance un appel aux gouvernants. Un appel prioritaire pour la sécurité du pays, éclairer la lanterne de certains qui n’ont pour unique objectif que la destruction, et faire en sorte que la Révolution réalise les objectifs pour lesquels elle a été faite. La  deuxième tâche qui incombe au gouvernement, c’est de rembourser  dans leur totalité les dégâts. Il y va de l’intérêt de la Tunisie que cette indemnisation ait lieu le plus rapidement possible, car un grand nombre d’entreprises sont en arrêt, soit parce qu’elles ont été incendiées, soit parce qu’elles ont été pillées, parce qu’elles ne sont plus en mesure de renouveler leurs stocks de matières premières. C’est pourquoi une masse d’ouvriers sont menacés de licenciement dans les semaines à venir. Certaines estimations font état de 150 000 emplois  perdus.

Peut-on voir dans cela l’une des conditions que vous pesez pour apporter votre appui au gouvernement ?

La situation que nous vivons actuellement exige de nous une reprise de l’activité. Il faut aider à la reprise des investissements étrangers. Il faut faire confiance à ce gouvernement, et ce faisant, nous faisons confiance à nous-mêmes. Il faut nous préparer à un avenir meilleur. Quand on sait que 500 000 demandeurs d’emplois courent actuellement les rues, ajoutés au fait que les dégâts ne sont pas indemnisés et remboursés et au retour forcé des travailleurs tunisiens en Libye, la situation serait pire.

Est-ce que vous pensez que ce gouvernement a le profil pour répondre à ces attentes ?

En tout cas, il a la volonté d’aller de l’avant, progressivement, mais sûrement.

Mais force est de constater que, jusqu’à présent, le gouvernement ne s’est signalé par nulle stratégie économique qui aille dans cette direction…

Aujourd’hui, il n’est question que de premiers pas, mais à l’avenir, il va y avoir une feuille de route. Et à la fin de ce mois, nous aurons un tableau, un timing clair de l’évolution de la situation politique, économique et sociale.

Venons-en  à votre partenaire social, l’Ugtt qui ne fait qu’occuper le terrain, alors que, visiblement, ce n’est le cas pour vous. Comment expliquer, si on peut dire, cet ordre de bataille ?

Gardez-vous de prendre l’agitation pour de l’activité. La nuance est de taille. Nous avons obéi, dès le 14 janvier, à certains principes fondamentaux ; nous avons contribué dans une large mesure à réduire les dégâts par l’ouverture des plus petits magasins  pour permettre au peuple d’avoir la farine et autres denrées alimentaires de base alors que les grands centres commerciaux étaient en proie aux flammes, brûlaient. Toutes les structures patronales étaient mobilisées, à partir des unions locales jusqu’aux autres niveaux de l’organisation. Ni l’Ugtt, ni le gouvernement n’avaient conscience de cela. Alors que nous menions des actions pour éviter au peuple le chaos et pour l’approvisionner en pain, d’autres faisaient de discours et des speechs. C’est le peuple qui nous intéresse au plus haut point. L’Utica est une entité d’action. Certes, depuis des décennies, nous ne parlons pas, car nous travaillons en silence. Je citerai l’exemple des secours d’urgence acheminés vers les sinistrés de Ras Jdir. Savez-vous que l’Utica a dépêché six camions d’aides d’urgence vers Ras Jdir. Nous l’avons fait dans la discrétion.
L’heure est à l’action. Il faudrait s’engager dans la voie menant au progrès, dans le chemin le plus court vers l’investissement, l’emploi. Ne tournons pas en rond, car cela freine l’évolution du pays.

Les négociations sociales sont sur l’agenda. Est-ce que pareille échéance n’exige-t-elle pas que le climat soit apaisé ?

Je dis à tous nos partenaires que nous sommes entièrement disposés à entamer les négociations sociales. Cependant, la situation actuelle ne permet pas aux entreprises de récupérer leurs forces, et il faut qu’elles retrouvent leurs forces. Comme le  disait l’ancien président de la République française, Valéry Giscard d’Estaing, « avant de plumer une dinde, il faut l’engraisser ».
Avec une croissance zéro, une situation économique alarmante, les partenaires sociaux doivent tenir compte de l’état des lieux économique et financier. Il faut que l’on se retrouve autour d’une table afin de décider d’une date à laquelle on augmentera les salaires. Nous ne sommes que les interprètes du sentiment profond et important de nos bases.

Est-ce que cela signifie que vous préconisez le report des négociations sociales ?

Je ne peux répondre à cette question. Je voudrais tout simplement vous dire que nous mettrons sur la table tous les éléments dont nous disposons sur les plans économique et financier. Et c’est alors que ceux qui ont un minimum de confiance et d’amour pour ce pays comprendront que le moment n’est pas propice pour les augmentations salariales.

Est-ce que vous postulez à la présidence de l’Utica à la faveur du prochain congrès ?

La question ne se pose pas. Elle n’est pas d’actualité.

Mais l’échéancier commande la célérité, du moins pour le processus électoral en son entier…

Laissez-moi vous dire qu’il faudra au moins deux mois pour les élections au niveau local, et autant pour les élections régionales, nationales et sectorielles. Viendra ensuite Ramadan. C’est le Conseil national qui prendra la décision concernant la date du congrès, notamment  la commission chargée de la préparation de ces assises. Il faut donner du temps au temps.

Dernière question : Où en sont les choses concernant la mission d’audit en cours à l’Utica ?

Hédi Djilani a été le premier à demander une mission d’audit, parce qu’il avait la conviction que tout se passait dans la transparence totale. Le premier rapport de la mission d’audit confiée à quelqu’un d’incorruptible, d’impartial et d’indépendant confirme que la propreté régnait dans les finances de l’Utica.
 
 
 

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