Le coût d’achat des médicaments à la Pharmacie Centrale est passé de 30 millions de dinars en 2021 à 300 millions de dinars en 2024, soit une multiplication par dix en trois ans, a révélé le directeur général de cette entreprise publique, Chokri Hammouda, dans un entretien avec TAP. Il a précisé que 16 types de médicaments représentent à eux seuls 250 millions de dinars de ce montant.
Pour faire face à cette hausse significative, il a souligné la nécessité de rationaliser les prescriptions médicales en favorisant des médicaments moins coûteux mais d’efficacité équivalente. Il a également préconisé l’adoption de protocoles thérapeutiques permettant aux médecins de s’appuyer sur les stocks disponibles et les prix homologués, tout en tenant compte des besoins individuels des patients grâce à des approches comme la médecine génomique.
Les importations de médicaments, qui s’élèvent à 180 millions de dinars, constituent un autre défi. La Pharmacie Centrale envisage d’aligner leurs prix sur ceux des équivalents locaux, une mesure qui pourrait entraîner une augmentation pour certains produits mais soutiendrait l’industrie pharmaceutique nationale.
Sur le plan financier, l’établissement a enregistré une amélioration avec des revenus passant de 14 millions de dinars en 2022 à 53 millions en 2023. Cependant, il reste confronté à des créances importantes, estimées à 1260 millions de dinars, dont 504 millions dus par les hôpitaux et 658 millions par le ministère des Affaires sociales.
Pour assurer son équilibre, la Pharmacie Centrale mise sur une meilleure gestion des coûts, la numérisation, le recouvrement des créances et le maintien de son monopole d’importation, essentiel pour l’approvisionnement des structures sanitaires.
La Tunisie produit 80% de ses besoins en médicaments
Le président directeur général de la Pharmacie centrale a également annoncé que l’industrie pharmaceutique tunisienne dispose d’une infrastructure bien développée, à savoir 42 usines de médicaments à usage humain et 4 autres de médicaments destinés aux animaux.
Il a ajouté que la Tunisie produit 80% de ses besoins en médicaments. « 95% de ces médicaments sont génériques, alors que les 5% restants sont de purs produits tunisiens. Ils sont aussi efficaces que les médicaments d’origine et nettement moins chers », a-t-il précisé.
Défis réglementaires et législatifs
Pendant longtemps en Tunisie, la gestion administrative des médicaments était fragmentée entre plusieurs structures, ce qui constituait un obstacle au développement du secteur de l’industrie pharmaceutique.
Longtemps réclamée par les professionnels du secteur, l’Agence nationale du médicament et des produits de santé a été mise en place en vertu de la loi n° 2023-2 du 12 juillet 2023.
Perçue comme un signal fort de l’engagement de l’Etat en faveur d’une démarche de consolidation et de développement de cette industrie, cette agence unifie les structures de gestion des médicaments et produits de santé. Elle a pour mission d’instaurer une politique nationale cohérente dans le domaine pharmaceutique, renforçant les contrôles sur la fabrication, l’enregistrement, l’importation, l’exportation, la distribution et la commercialisation de ces produits.
Cependant, et malgré les éloges des industriels pharmaceutiques locaux à l’égard de la création de cette agence, le secteur demeure confronté à des défis majeurs dont notamment la législation en vigueur, jugée « inappropriée » pour encourager son expansion. Il s’agit essentiellement de la loi n°73 régissant les professions pharmaceutiques et dont la révision est désormais une urgence (…).