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Les sombres scénarios de Crisis Group pour la Tunisie en 2019. L’UE appelée à la rescousse !

Comme à son habitude, International Crisis Group (ICG) vient de poser sur la Tunisie un diagnostic sans nuance ni concession où il décrète que les espoirs commencent à s’évanouir de voir les dirigeants du pays s’attaquer avec succès à la multitude de problèmes politiques et socio-économiques. En témoignent une économie dans le marasme, des dirigeants politiques de plus en plus divisés entre islamistes et non islamistes, tous deux en concurrence pour le contrôle des ressources de l’État. Mis bout à bout , ces problèmes suscitent une crise générale de confiance dans l’élite politique, et il est à craindre que le pays ne revienne sur son ouverture démocratique post-2011 avant les scrutins présidentiel et parlementaire de cette année.

L’économie s’en sort mal. Le dinar s’est déprécié de plus de 40% par rapport à l’euro depuis 2016 tandis que l’inflation montait à 8% par an, portant à plus de 30% la hausse du coût de la vie depuis 2016, entraînant l’endettement des ménages. Les disparités régionales se creusent et le chômage reste dramatique. Ces facteurs combinés ont accéléré la fuite et des cerveaux et des capitaux, note ICG. La politique n’est pas en reste avec de graves tensions graves entre le président de la République, Béji Caïd Essebsi et le chef du gouvernement, Youssef Chahed, qui se sont intensifiées au cours des deux dernières années. Une rivalité qui a mis à nu une vieille division entre les islamistes, principalement le parti Ennahdha et les anti-islamistes représentés par Nidaâ Tounes avec Chahed, dont il est issu, qui s’appuyait sur la domination parlementaire du bloc islamiste pour rester en fonction.

Ennahdha qui fait partie des gouvernements de coalition depuis 2011, a dès 2016, redoublé d’efforts pour renforcer son pouvoir en plaçant un nombre croissant de ses partisans à des postes de responsabilité dans l’administration, des entreprises publiques et des rouages du gouvernement dans la capitale et les gouvernorats. Ce faisant, il change à son bénéfice la composition des réseaux de clientélisme contrôlant les ressources de l’État et l’accès au crédit, aux monopoles privés et aux oligopoles. Avec le temps, cela réduira inévitablement la prédominance économique du Nord côtier de la Tunisie sur l’arrière-pays du Sud, prévoit Crisis group. La victoire partielle d’Ennahdha aux dernières élections municipales a renforcé son poids politique, modifié l’équilibre des forces vis-à-vis de son principal adversaire et suscité des interrogations quant à l’accord tacite entre islamistes et anti-islamistes en place depuis les élections législatives et présidentielles de 2014.

Ennahdha gagnerait au moins les Législatives !

L’intensification de la lutte pour les ressources creuserait encore plus le fossé qui sépare les islamistes et les anti-islamistes. Cela augmenterait également considérablement les tensions politiques et sociales en prévision des élections législatives et présidentielles qui auront lieu cette année, ce qui pourrait s’avérer décisif pour sculpter la configuration politique et économique du pays au cours de la prochaine décennie. En raison d’une scission dans le camp laïque, de la popularité persistante d’Ennahdha chez de larges couches de la population et de sa domination sur les institutions gouvernementales, le parti reste le favori pour remporter au moins les élections législatives, estime ICG. Et même si ce scénario devait aboutir, le pouvoir des islamistes pourrait être circonscrit. Il devra réunir une coalition gouvernementale et, de manière optimale, accepter de nouveau de renoncer aux ministères clés et de maintenir son accord tacite avec les anti-islamistes.

Cependant, d’autres scénarios sont possibles. Si les tensions arrivaient à un point culminant avant les élections, la violence pourrait entraver le processus électoral. Cela pourrait inciter le président à déclarer l’état d’urgence prévu par la Constitution, mais sans contrôle constitutionnel supplémentaire, cela pourrait remettre la Tunisie sur la voie du régime autocratique. Pour cette raison, il est essentiel que le Parlement mette en place la Cour constitutionnelle, qui déciderait si l’état d’urgence peut être prolongé de trente jours après son entrée en vigueur. La Cour devrait avoir une composition politiquement marquée du sceau de la diversité qui pourrait l’empêcher de souscrire à une telle démarche. En effet, dans ce scénario, l’absence d’une Cour constitutionnelle pourrait plonger la Tunisie dans des eaux dangereuses, avertit Crisis group.

L’UE pour empêcher une « régression dangereuse »

L’UE est le principal partenaire commercial de la Tunisie et a apporté une aide financière importante au pays (2,4 milliards d’euros en subventions et en aide macro financière entre 2011 et 2017). Il est clairement dans son intérêt de protéger la stabilité de la Tunisie, de renforcer l’un des seuls succès (sinon le seul) à résulter des soulèvements arabes, de freiner l’attrait du djihadisme auprès des Tunisiens et de limiter les migrations illégales vers l’Europe. Il s’ensuit que l’UE devrait continuer à fournir un soutien macro-économique afin d’éviter que la situation ne se détériore davantage, et ce malgré le rythme décevant des réformes économiques et politiques (réforme des retraites, réduction de la masse salariale du secteur public, amélioration du climat des affaires, transparence fiscale accrue, avancement des négociations sur l’accord de libre-échange approfondi et global, création de la Cour constitutionnelle et remplacement de quatre membres de l’ISIE afin que cette instance organe puisse organiser les élections législatives et présidentielles de 2019).

En outre, l’UE devrait encourager le gouvernement à donner la priorité à la réforme de l’administration publique, à rendre plus transparentes les nominations dans le secteur public et à introduire des règles claires régissant ses relations avec les hauts fonctionnaires de l’administration. Autant de mesures qui, en réduisant le rôle du favoritisme partisan, aideraient empêcher toute nouvelle polarisation entre islamistes et anti-islamistes. L’UE devrait également encourager les partis politiques à se mettre d’accord au Parlement sur la composition de la Cour constitutionnelle, permettant ainsi sa mise en place. Et devrait user de son influence pour contrebalancer tout effort national ou inspiré de l’extérieur visant à rétablir un régime autoritaire en subordonnant le maintien du soutien financier à la Tunisie au respect de la Constitution par les pouvoirs législatif et exécutif.

ML/ICG

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