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Les tanks et les banques, les deux carburants de la crise en Libye

A titre principal, c’est à travers les combats entre factions rivales de l’Est et de Tripoli qu’est perçue la situation en Libye. Il est vrai qu’il s’agit d’une donne essentielle, mais il en existe une autre qui en est la conséquence pour enfin se nourrir l’une de l’autre. C’est la crise bancaire, produit de la crise politique de 2014 et des relations de plus en plus polarisées entre l’Ouest et l’Est qui en ont découlé, relations qui se sont envenimées et approfondies depuis lors, constate une analyse livrée par International Crisis Group (ICG).

Les relations économiques et financières de la Tunisie avec la Libye s’en ressentent fatalement et les intérêts des exportateurs, investisseurs ett expatriés tunisiens tout autant, alors qu’il existe en fait deux banques centrales, l’une installée à Tripoli, l’autre à Benghazi, dans l’Est du pays. Une situation qui perdure depuis la décision prise par la Banque centrale en 2014 de bouter sa succursale de Benghazi hors du système automatisé de règlement des paiements, à l’effet d’empêcher les autorités de l’Est de puiser dans les actifs financiers du pays.

S’y ajoutent, note l’ICG, les tentatives visant à résoudre les problèmes de liquidité et les effets de distorsion du marché noir qui ont donné lieu aux mesures financières de 2018, en particulier l’imposition d’une lourde commission sur les opérations de change. Cette mesure financièrement raisonnable a eu des conséquences imprévues et imprévues : l’épuisement rapide des dépôts de réserve que les banques dont le siège est situé dans l’est de la Libye détiennent auprès de la Banque centrale à Tripoli.

Des mesures correctives sont à la fois possibles et nécessaires, estime Crisis Group. Mais il faudrait pour cela que les parties belligérantes, avec l’appui actif de partenaires internationaux, acceptent un cessez-le-feu. Cela rendrait possible la négociation d’un règlement financier. Pourtant, un cessez-le-feu serait moins probable si, parallèlement aux pourparlers politiques et militaires nécessaires, les parties prenantes étrangères à la crise libyenne ne proposaient pas et ne s’engagent pas à soutenir une solution à la crise financière.

Les déposants et l’économie dans le même sac !

Si l’on ne s’attaque pas à la crise bancaire, non seulement la guerre risque de se prolonger, mais elle aura aussi de graves répercussions sur l’ensemble de la Libye. Les premières victimes de la crise bancaire seraient les titulaires de comptes, c’est-à-dire les citoyens ordinaires, mais aussi l’économie en général, qui avait commencé à émerger lentement d’une récession de six ans au début de cette année. De plus, les partisans étrangers des parties belligérantes pourraient se voir demander de financer leurs mandataires, en particulier dans l’Est, ce qui permettrait aux combats de se poursuivre sans un vainqueur décisif. Cela aurait, bien sûr, des conséquences désastreuses sur la capacité de la Libye à sortir enfin de son bouleversement post-2011.

Dans le contexte de la poursuite des combats, les autorités de Tripoli manifestent peu d’appétit pour la réponse à la crise bancaire imminente. Ils savent qu’ils ont l’avantage d’avoir un accès exclusif aux fonds publics provenant des ventes de pétrole et qu’une concession de leur part sauverait les banques mêmes qui ont aidé à financer les forces militaires qui les assiègent actuellement. Les autorités de Tripoli pourraient en effet être tentées de laisser la crise bancaire s’aggraver, voire de prendre des mesures supplémentaires telles que l’interruption du paiement des salaires des fonctionnaires de l’Est actuellement en poste à Tripoli, afin de mettre un terme aux flux financiers vers l’Est, ce qui entraverait la capacité de l’Armée nationale libyenne du maréchal Hafter de poursuivre son combat.

Une telle stratégie pourrait avoir un sens militaire, mais elle aggraverait la crise économique persistante de la Libye par des ordres de grandeur, avec de graves répercussions sociales, économiques et politiques sur l’ensemble du pays. Les difficultés croissantes des banques commerciales pourraient provoquer une panique générale, aggraver une crise de liquidité existante et entraver la prestation de services, car les principales entreprises publiques et privées, qui détiennent des comptes auprès de ces banques, pourraient ne plus être en mesure de traiter les paiements ou d’émettre des lettres de crédit pour importer les biens essentiels dont la Libye est fortement tributaire, prévient l’CG.

L’arme du pétrole

Un resserrement financier à l’Est pourrait aussi raviver les luttes pour la seule source de revenus de la Libye : son pétrole. A court terme, Haftar pourrait demander à ses riches bailleurs de fonds régionaux – principalement les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite – de financer son effort de guerre, mais à mesure que la bataille se poursuit, le gouvernement basé à l’Est pourrait décider de fermer les champs pétroliers et les terminaux d’exportation du pays, dont la plupart sont sous le contrôle de l’armée de Haftar. Cela aggraverait la fracture de fait entre l’Est et l’Ouest, y compris la fracture dans le secteur bancaire, et pourrait devenir un prélude à la partition.

Pour éviter un tel scénario catastrophique, affirme l’ICG, les coalitions militaires rivales devraient d’urgence convenir d’un cessez-le-feu, puis lancer rapidement des négociations entre les gouverneurs rivaux de la Banque centrale pour régler le différend sur la manière de rendre compte des transactions financières à l’Est. Les acteurs extérieurs devraient faire pression sur les parties pour qu’elles s’engagent dans cette voie et offrent des conseils d’experts.

Les États-Unis, en particulier, devraient utiliser leur influence historique sur les secteurs financier et pétrolier de la Libye et leur sympathie nouvellement déclarée pour Haftar pour amener les parties à un règlement financier. Il s’agit là d’une étape essentielle qui devrait appuyer les négociations politiques et militaires simultanées sur la réunification des institutions gouvernementales, y compris la reconsolidation de la Banque centrale et la nomination d’un nouveau gouverneur de banque.

En fin de compte, seule la réunification des gouvernements et des institutions étatiques rivales de la Libye, y compris ses institutions financières, peut apporter la stabilité dont ses citoyens ont besoin. La réunification par des moyens militaires sur lesquels Haftar et ses partisans semblent parier est susceptible de se retourner contre eux. La promesse d’un règlement financier pourrait faire la différence : les parties libyennes doivent accepter un cessez-le-feu et remettre les négociations politiques sur les rails, conclut International Crisis Group.

Synthèse LM

 

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