De calme Prof universitaire, à président d’un parti non déclaré, à révolutionnaire révélé. La montée en puissance d’un inhibé politique
De calme Prof universitaire, à président d’un parti non déclaré, à révolutionnaire révélé. La montée en puissance d’un inhibé politique

Il était un gentil professeur universitaire, prêt à aider tous ses étudiants. Un homme affable, malgré les traits rigides de son visage, souvent attablé à la buvette une cigarette au bec, et recevant tous ceux qui voudraient se joindre à sa table.

Il était méconnaissable sur la photo prise dans son QG à l’annonce officielle des résultats, et derrière lui, les armoiries d’un parti ou d’un mouvement qui ne dit pas son nom mais uniquement son logo devant lequel il s’obstine à poser avec son regard vide. Un décor qui l’installe définitivement dans la vague du «dégagisme politique» qui avait caractérisé la révolution de 2011, dont la suite ne l’avait alors pas satisfait, comme il le précisait dans son interview de juin dernier à «Echaraa Al Magharibi».

D’habitude, sans expression ou presque sur un visage toujours neutre qui lui donnera son sobriquet de «Robocop», on le voit soudainement poing levé, à qui il ne manquait que le gant noir des «Black Panthers», criant sa victoire sur tous ceux qui l’avaient maltraité, avec un rictus qui déformait soudainement tout son visage et révélait un autre homme. Furtive révélation de l’anarchiste qu’il se prépare à être, et qui retombera vite dans le silence pour ne pas trop se révéler, alors qu’il reste encore une bataille décisive à livrer au second tour.

Archi inconnu en politique, bien qu’ayant participé, dans une autre vie, à l’encadrement des cadres du parti unique de l’ancien régime, l’homme était sorti de nulle part, pour devenir l’homme, le politicien que toute la presse recherche. Vainement. L’homme préfère les médias étrangers, de préférence arabe comme la chaîne qatarie Al Jazeera, pour cacher les défauts d’une prononciation qui se marie mal avec les langues occidentales.

  • Saïed, un inhibé de la politique qui fait un dangereux Reboot ?          

Il affirme lui-même dans une interview accordée en juin dernier, que «je ne prétends pas être un militant», tout en racontant qu’il aurait «subi des contrariétés, après avoir refusé un poste en juillet 1988, ce qui m’avait obligé à rentrer par la ligne 28 du bus. J’ai été ensuite empêché d’avoir mon passeport et il avait fallu l’intervention de feu Abdelfattah Amor, pour qu’on me le rende». Il n’a pas participé, certes comme bon nombre de Tunisiens, «à la marche de l’explosion révolution inédite et que certains appellent transition démocratique, avant de me rendre compte qu’il y a un complot qui se trame contre la Tunisie». L’ancien professeur universitaire, dont certains dénigrent la compétence et volent les travaux, alors qu’il se croit porteur d’un projet, se révèlera être un inhibé politique. Et on se rendra par la suite compte, à travers ses quelques déclarations, que l’homme est adepte de la théorie du complot.

  • Liens avec Ennahdha ou pas ? Lui nie. Pas sûr !

L’universitaire s’était toujours dit sans aucun lien avec le parti islamiste Ennahdha. Il paraîtrait pourtant, selon un témoignage d’une personne qui a requis l’anonymat, craignant pour sa famille, que Kais Saïed aurait rencontré Rached Ghannouchi, début 2012, à la demande de ce dernier et par le biais de l’un de ses neveux. L’entretien aurait porté sur une demande, à lui faite par Ghannouchi, d’encadrer la jeunesse d’Ennahdha, à travers toutes les Imadas du pays, et de la former. Mission qu’il aurait acceptée et menée à bien, et rencontre avec Ghannouchi qui se serait d’ailleurs répétée. On aurait tant aimé lui poser directement la question sur cette rencontre supposée, mais il reste injoignable, sauf pour la presse étrangère.

Mais lorsqu’on sait que les préparatifs pour l’actuel projet politique de Saïed et son Lénine avaient débuté bien avant 2014, à sillonner la République avec ses jeunes, le lien en deviendrait presque évident entre ce projet et celui d’une certaine jeunesse islamiste qui espérait refaire la révolution et reprendre le pouvoir, comme n’avaient pas pu le faire leurs aînés.

D’ailleurs, comme ces jeunes révolutionnaires, leur maître ne croit pas à l’islam politique et propose de mettre entre les mains de ses jeunes disciples devenus son arme secrète, les outils constitutionnels, pour reprendre le pouvoir.

Sans presqu’aucun risque de se tromper après la publication par l’un des disciples de Saïed, de la future architecture du pouvoir qu’il propose de mettre en place, on pourrait presqu’affirmer que Kais Saïed préparerait un coup d’Etat constitutionnel. L’objet de tout son projet semble être de changer le régime politique en place et le code électoral qui lui sert d’outil constitutionnel.

  • Le robot qui prêche le démantèlement de l’Etat

C’est en cela, sans oublier sa persistance à ne parler au peuple qu’à travers les médias étrangers, et son silence comme le frêle Sphinx qu’il apparaît avec un visage et son expression de pierre, que Saïed et son projet nous semblent dangereux et feraient peur à une partie de la population tunisienne. Cette dernière avait, depuis 2011, âprement lutté contre l’islamisme, quelles que soient ses formes, et contre le changement de leur modèle sociétal.

Il semblerait, avec le projet de Saïed, que ce sont désormais les jeunes islamistes qui essaient de reprendre le pouvoir dilapidé par leurs aînés qui n’auraient pas su bien mettre à profit l’occasion qui leur avait été offerte en 2011. Une reprise en main du pouvoir, qui passerait par le démantèlement de l’Etat dans sa structure actuelle.

De ce Danton tunisien de la nouvelle révolution qu’il espère déclencher, son collègue Slim Laghmani disait que «il est habité par une idée politique, son idée, quoi que l’on pense de cette idée et j’en pense qu’elle est à la fois utopique et dangereuse. Mais sachez que si on lui met les bâtons dans les roues, tout en étant dénué de compétences autonomes, il lui suffira d’un discours radio-télédiffusé et de sa qualité de commandant suprême des forces armées pour obtenir satisfaction ».Ce qui est, pour l’instant chose sûre, c’est que le processus de révision de la Constitution n’est pas aussi facile que le croient Saïed et sa confrérie de jeunes. C’est ce qui explique le réveil, quoique tardif, des forces centristes, pour former, au moins, un bloc parlementaire capable de s’opposer aux volontés destructrices de l’Etat, tel qu’il est officiellement en cours depuis la nouvelle Constitution de 2014, et en faire le moyen d’une contre-révolution.

A Saïed aussi, l’autre juriste Ridha Jenayah reprochait «le fait qu’il se soit entouré d’une garde rapprochée composée de personnage incultes et rétrogrades et qu’il n’ait, de surcroît, si j’en crois son programme, aucune idée sur les réalités géopolitiques économiques, financières et sociales». 

Tout autant de choses qui ont fait que l’un de ses premiers soutiens, Iyadh Ben Achour, qui a été derrière la Constitution que Saïed veut désormais refaire (et qui semble désormais s’en détacher en disant dans une interview à un site électronique), lui demande des clarifications sur les slogans de ses partisans «je voudrais poser à l’un des candidats, pour lequel on avait dit que j’avais soutenu la candidature, de clarifier sa position des slogans (…)»

Ajoutez à tout cela, la position de Saïed qui criminalise tout contact avec Israël. Une position, diplomatiquement incorrecte, comme y attire l’attention le politologue Riadh Sidaoui dans une récente vidéo.

  • La nationalisation, pour tout programme économique

Dans un Post, publié en juillet 2013, et qu’il publie de nouveau, preuve que son opinion et ses vœux n’ont pas changé depuis, son disciple Kais Karoui qui semble être l’unique à communiquer de son groupe, on retrouve ce qui pourrait résumer le programme économique du candidat Saïed. Il se résume à «la nationalisation les banques et toutes les entreprises stratégiques»

L’idée pour cette nouvelle mouvance jeune de Kais Saïed, est de «choisir des dirigeants et des groupes de travail, dans toutes les régions et tous les secteurs, dont la mission est de protéger le citoyen contre les dépassements de l’Etat, et de présenter des projets de loi». L’idée serait ainsi de dédoubler l’administration centrale par des groupes du mouvement. Qui a dit que cela ne ressemblait pas à l’ancienne «Jamahiriya» et ses comités populaires de feu Mouammar Al Kadhafi ?

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