AccueilLa UNEM. le Président, dites-nous tout, ou taisez-vous !

M. le Président, dites-nous tout, ou taisez-vous !

C’est à Sidi Bouzid, et en confirmation de la volonté de l’UGTT dont il est l’ami qui annonçait plusieurs jours à l’avance et contrairement au calendrier officiel que le 17 sera un jour chômé et payé, que le chef de l’Etat tunisien Kais Saïed s’en était allé fêter ladite révolution.

Il tente, de nouveau après l’histoire des portraits de Bourguiba, de réécrire l’histoire. «Le 17 décembre est la fête de la révolution. Le 14 avait pour but davorter la révolution». Et de suite, il entame un discours complotiste, semblable à celui d’un révolutionnariste qui se rend compte, un mois après son accession au pouvoir, qu’il n’a toujours pas les moyens qu’il espérait pour faire ce qu’il voulait. Un discours à la Kadhafi, qui appelle plus d’une remarque, sur le quand, le comment et le pourquoi, et bien plus l’environnement dans lequel s’était déroulée cette visite, sa forme et son fond.

  • Quand ? Un jour de baisse de popularité

D’abord sur l’environnement où cela  s’était déroulé. Il en était certainement au courant, mais ce même 17 décembre 2019, la société de sondage d’opinion, Sigma Conseil, disposait déjà des chiffres du Baromètre politique pour le même mois. On y découvre, notamment, que le chef de l’Etat perdait un peu plus de 10 points en popularité en un mois, entre novembre et décembre. Un début de fin de  lune de miel entre le chef et ses troupes, ou encore une certaine fin de l’état de grâce d’un chef d’Etat qui tarde à concrétiser ses promesses, pour ne pas dire son programme qu’il ne possède pas comme il l’avait toujours affirmé.

C’est, aussi, une occasion inespérée de sortie média pour une célébration «révolutionnaire», sur fond de pessimisme généralisé et de désillusion des Tunisiens, concrétisé par les chiffres de Sigma Conseil. Une période aussi où le pays de Kais Saïed, le révolutionnaire qui paraissait tranquille, sombrait peu à peu dans la morose atmosphère de l’attente d’un gouvernement qui ne vient pas. Une atmosphère générale, déjà plombée par les difficultés, pour Jemli, qu’on comprendra mieux à la vue du taux de très peu de confiance dont jouit le chef de gouvernement missionné parmi la dizaine d’autres personnalités politiques, comme le découvre aussi Sigma Conseil qui ne se fera pas ainsi beaucoup d’amis. La presse qui en parle aussi, auprès de Kais Saïed. Le chef de l’Etat lui a même promis une réponse «assourdissante», a-t-il dit. Difficultés aussi de mettre en place un gouvernement, d’Ennahdha, qui devient le parti politique le moins aimé.

  • Comment ? Un chef d’Etat ivre de révolution et qui ne se contrôlait plus !

Sur la manière, la blogosphère tunisienne n’a pas été tendre. «BendirMan», par ailleurs, fils d’un opposant notoire et actuel dirigeant du Parti socialiste tunisien, s’offusque d’un chef d’Etat, «supposé insuffler de loptimisme aux jeunes et aux investisseurs, et donner les solutions». Un chef d’Etat qui «fait un discours de 11 minutes, irascible (…) un discours qui était plutôt celui d’un candidat et les compétences en communication qui l’entourent, étaient capables de l’aider» à faire mieux. Ajoutant que ce qu’on a vu était «un mélange de genres, entre le politique et le civique. Le chef de lEtat devrait comprendre que les mots ont leur poids, car la population était déjà effrayée et perdue. Un tel discours, ça se travaille au mot et au millimètre», disait encore Bayrem Kilani qui n’était pas déjà  tendre dans ses brûlots de chansons engagées !

Pour le journaliste et écrivain Hédi Yahmed, la harangue du chef de l’Etat, «président de tous les Tunisiens, et qui devrait en principe donner de l’espoir», était caractérisée par «un trop denthousiasme et trop enflammée», et «marquée du sceau de la complotite» aigue.

Manifestement donc, le chef de l’Etat, d’habitude calme et serein, s’était trompé de ton. L’enthousiasme démesuré qui frôlait l’hystérisme, la complotite avec un flou dans les accusations, ont complètement défiguré ce discours et ont noyé ses messages dans un flot d’incompréhension.

  • Saïed, chef du Conseil supérieur de la sécurité nationale, crie au complot !

Sur le fond, et mise à part sa nouvelle promesse de réaliser toutes les demandes de la région «dans le cadre de la Constitution», le chef de l’Etat dont la harangue était marquée par la présence de la police technique (Voir photo) qui semblait à la recherche d’on ne sait quelle preuve de quel crime, avait été fortement marqué par la complotite. «Je ferai tout, malgré les complots des comploteurs qui sont ourdis dans l’ombre, à réaliser toutes vos demandes et revendications», a ainsi assuré Kais Saïed. Et le chef de l’Etat tunisien d’ajouter, dans son flot d’accusations indéterminées, que «chaque jour, ils créent des crises (…) Les institutions politiques ne fonctionnent pas, et on m’en fait supporter la responsabilité (…)», sans qu’il ne dise qui sont ceux qui créent ces crises. Sont-ce tous les partis politiques, ou un, en particulier ? Qui est-ce qui crée ces crises qui ne laisseraient pas le chef de l’Etat travailler ? Aucune réponse de Saïed, même par allusion !

Et le chef de l’Etat, qui semble clairement faire l’objet d’un quelconque complot, d’assurer que «il y a des complots ourdis chaque jour, et nous y ferons face, et vous ne vous laisserez pas faire, car vous les connaissez par leurs noms, ainsi que ceux qui les soutiennent dans lombre (…). Je resterai fidèle à mon engagement, malgré toutes les manœuvres et tout ce qui se trame dans les chambres closes». Les propos du chef de l’Etat étaient tellement affirmatifs qu’on ne pouvait que croire que le président du Conseil supérieur de la sécurité nationale et commandant en chef  de toutes les armées, qui reçoit et lit chaque jour des dizaines de rapports sécuritaires, ne peut pas se tromper et sait très bien de quoi il parle.

La question est donc, qui complote, contre qui et dans quel objectif ? Et pourquoi le chef de l’Etat, chef de tous les appareils de sécurité, ne le dit-il pas alors, d’une manière claire et précise ? Pourquoi s’est-il limité aux accusations, creuses et dont les accusés ont été mis dans l’indéfini ? Cet indéfini n’aurait-il pas pu être qu’une simple réaction précipitée et coléreuse, pour le peu de moyens dont il dispose et où il se serait découvert ?

Le peuple, son peuple, n’aurait-il pas le droit de le savoir ? Ou, devrait-il s’habituer, de nouveau et comme avec les anciens dirigeants, aux paroles et accusations creuses ?  Avec tout notre respect pour son statut de chef d’Etat, nous pensons que s’il ne peut faire que ce qu’il a dit à Sidi Bouzid, qu’il devrait se taire et ne pas en dire plus, devant une population, déjà apeurée que personne ne lui dessine de meilleures perspectives et un avenir plus serein.

Un tel discours, presque hystérique, n’arrange rien, ne résout rien et ne sert à rien dans cette conjoncture, déjà fortement empreinte  d’une hystérie politicienne collective, qui ne fait que faire oublier les vrais problèmes, économiques et financiers, et les vrais défis tout aussi économiques et financiers. Le dicton tunisien disait «كان الكلام من فضة اكون السكات ذهب».

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