Il y a quelques jours, le président du Conseil des affaires tuniso-africain, Anis Jaziri, a mis en garde contre le handicap que représente l’absence de modes de paiements appropriés pour le développement des échanges économiques et commerciaux tuniso-libyens, intermaghrébins et interafricains en général, trouvant aberrant que les opérateurs économiques dans ces espaces se trouvent amenés à payer encore en cash avec tous les risques qu’un tel règlement des paiements comporte.
Comme faisant écho à cette remarque , le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane Abbassi, dans des déclarations, lundi 30 janvier, a signalé la haute contribution que peut apporter, dans ce sens, la plateforme de paiement multidevises panarabe BUNA, lancé depuis 2020 par le Fonds monétaire arabe à travers sa filiale, l’Organisation régionale arabe pour la compensation et le règlement des paiements.
Intervenant à la conférence organisée par le Fonds Monétaire Arable (FMA) à l’intention de la communauté bancaire et financière maghrébine sur la plateforme BUNA, Abassi a invité la communauté bancaire maghrébine à saisir l’opportunité offerte par la plateforme de paiement multidevises panarabe « BUNA » pour l’enrichissement du paysage des échanges arabes, en y adhérant de manière plus intense.
Il a souligné l’importance de l’intégration des infrastructures des paiements de la région en tant que « levier incontournable pour atteindre l’objectif stratégique d’intégration financière et économique », réitérant le soutien de la BCT au développement de ce projet.
Fiabilité totale
La plateforme panarabe de paiement multidevises, a assuré le gouverneur de la BCT présente des avantages intrinsèques en termes de conditions allégées d’adhésion et de coûts réduits favorisant la célérité du dénouement des transactions des opérateurs ainsi que des flux de compensation et de règlement entre les banques centrales.
La BCT figure parmi les 3 premières instituts d’émission ayant adhéré à la plateforme BUNA. Six banques tunisiennes ont déjà assuré leur intégration à ce système.
Lancée en février 2020 par le Fonds monétaire arabe, la plateforme multidevises BUNA fournit des services de compensation et de règlement en devises arabes et internationales qui répondent aux conditions d’éligibilité à la compensation et le règlement des transactions financières interarabes ainsi que des transactions financières entre les pays arabes et leurs principaux partenaires commerciaux.
Ce système de paiement arabe permet aux institutions financières y compris les banques commerciales et centrales d’effectuer des paiements transfrontières en devises arabes ou en devises internationales dans la région arabe et autres régions, et ceci de manière sûre, fiable, rentable avec l’efficacité requise.
Blocage occidental
Ressenti depuis longtemps en tant qu’enjeu de première importance, le mode de paiement des transactions commerciales entre les pays est devenu, dernièrement, une question de souveraineté nationale avec la tendance des pays occidentaux en particulier à politiser les échanges commerciaux en décrétant des embargos à tort et à travers à chaque fois qu’un pays tâche de sortir de leur ornière.
Un média algérien a récemment écrit que le dinar algérien qui valait 0,2 dollar américain, ou 20% par rapport au dollar, à sa création dans les années 1960, s’échange actuellement à hauteur de 130% par rapport au dollar. Il en va de même pour la plupart des autres monnaies nationales, de sorte que les européens ont crée une monnaie européenne unique, l’euro, afin de compenser la faiblesse de leurs monnaies nationales face au dollar américain.
Pour leur part, les russes ont commencé à mener une campagne internationale pour remplacer le paiement universel en dollar américain par les monnaies nationales.
En Tunisie et dans les autres pays maghrébins, les gouverneurs des banques centrales maghrébines, réunies au sein de l’Union des banques centrales maghrébines, ont appelé, il y a quelques années, à créer une monnaie maghrébine unique. Une commission avait été créée pour étudier les moyens permettant de mener à bien ce projet, resté depuis sans suite.
A cet égard, et contrairement à ce que certains pourraient penser, les obstacles ne proviennent pas uniquement des différends politiques intermaghrébins, mais de l’étranger, plus particulièrement. Les pays membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique orientale (CEDEAO) dont la Tunisie, ont cherché et cherchent encore à créer une monnaie unique en remplacement du franc africain dit CFA, cependant leur projet a buté et bute jusqu’à présent à des entraves dressées par des pays occidentaux dont la France
Dernièrement, des responsables africains ont accusé ouvertement la France de bloquer le projet.
En attendant, les commerçants tunisiens algériens et libyens notamment, et sans doute les commerçants marocains et mauritaniens avec eux, ont demandé l’usage généralisé des monnaies nationales maghrébines indifféremment pour le règlement des paiements des transactions commerciales intermaghrébines abstraction faite de l’endroit du déroulement de ces transactions dans l’espace maghrébin, c’est-à-dire permettre aux monnaies nationales d’avoir cours dans l’ensemble de l’espace maghrébin.
La balle, comme on dit, est toujours dans le camp des politiciens.
S.B.H
