On dirait presqu’il qu’il l’aurait fait exprès. A peine la cheffe du gouvernement tunisien pouvait-elle sortir la tête de l’eau et respirer après le marathon des discussions avec le FMI à Dar Dhiafa et penserait désormais à parler avec la presse de son programme de relance, que le chef de tout l’Etat décide de mettre son grain de sel dans l’affaire, comme s’il voulait mettre son grain de sable dans la mécanique de ces négociations pour un nouvel accord d’aide financière au budget de Nejla Bouden.
Mardi 22 février 2022, en effet, les services du FMI annonçaient avoir conclu une visite virtuelle en Tunisie pour tenir des discussions techniques visant à comprendre le programme de réforme des autorités tunisiennes. « Nous avons bien avancé et poursuivrons nos discussions dans les semaines à venir, pour envisager la perspective d’un éventuel soutien financier du FMI », disait alors le communiqué du bailleur de fonds qui est le dernier recours pour le financement du budget en Tunisie. Et le même communiqué d’ajouter que « le FMI a été et restera étroitement engagé avec les autorités tunisiennes pour soutenir la Tunisie et son peuple ».
- Kais, Nejla et le FMI : Je t’aime, moi non plus !
Une journée plus tard, le chef de tout l’Etat tunisien Kais Saïed décidait de se faire entendre à ce propos, comme s’il voulait donner un signal d’avertissement, un « Warning » à sa cheffe du gouvernement. « Hier, j’ai parlé avec la cheffe du gouvernement des discussions avec le FMI. Et il a été entendu qu’il y a entre nous des lignes rouges à ne pas toucher, pour qu’on soutienne les démunis pour qu’ils ne restent pas faibles toute leur vie. Nous ne permettrons pas qu’ils soient davantage appauvris », lui rappelait-il en plein Conseil des ministres.
Et on se poserait volontiers la question de savoir ce que voudrait dire le chef de tout l’Etat tunisien à travers ses remarques et quelles sont ces lignes rouges qu’il avait suggérées à la cheffe du gouvernement ?
Bien avant lui, le SG de l’UGTT avait dressé de telles lignes au gouvernement lorsque l’ancien chef Hichem Mechichi discutait en 2021 avec le FMI et lui proposait alors un « New-deal ». Le chef chercherait-il à tacler sa cheffe en lieu et place de la centrale syndicale ?
Ce qui est sûr, c’est que par cette déclaration, Kais Saïed deviendrait partie prenante directe des discussions FMI/Bouden. Mais ne l’était-il pas déjà, puisqu’il est le chef de la cheffe, qu’il préside tous les Conseils de ses ministres, et qu’elle ne peut enfiler une aiguille qu’après son accord ?
- Fausse souveraineté, quand tu nous tiens !
Autre constatation, pour essayer de comprendre pourquoi Kais Saïed se rue-t-il soudainement dans les brancards à propos des discussions avec le FMI. Saïed n’avait en effet signé le document de la LF 2022 de Bouden qui était bâti sur le pilier porteur de l’aide financière du FMI, qu’à contrecœur.
Le 28 décembre 2021, le chef de tout l’Etat disait en commentant la LF 2022 de Nejla Bouden, que « j’ai signé, malgré l’existence de quelques réserves et des précautions à prendre (…), et malgré beaucoup de manquements et de choix peu convaincants et que je n’ai pas acceptés , des choix qui ne permettent pas de répondre aux revendications du peuple en matière de justice fiscale ».
Le 10 septembre 2021, le même chef de tout l’Etat qui commentait indirectement la dernière dégradation de la note souveraine de la Tunisie, pilier de tout accord d’aide financière étrangère et de toute sortie pour un crédit, disait que « la Tunisie est un pays souverain, dans lequel la souveraineté appartient au peuple, et il n’y a pas de place pour l’ingérence dans ses choix qui découlent de la volonté populaire, et il n’est pas accepté d’être à la place de l’élève qui reçoit des cours et puis attend la note qui lui sera attribuée ».
Mais on pourrait aussi penser que Kais Saïed ne cherchait qu’à placer son mot dans le sujet du FMI pour essayer d’en tirer profit politique, alors que cela avait été déjà demandé par le FMI lui-même.
En effet, clôturant, en février 2021, les consultations au titre de l’article IV, Les administrateurs du FMI recommandaient déjà « d’accorder la priorité aux dépenses de santé et à l’investissement, ainsi qu’en protégeant les dépenses sociales ciblées ».
Il faut laisser l’équipe technique de Mme BOUDEN travailler à l’aise avec le FMI, le Président peut donner une certaine orientation de nature sociale en respectant la conduite de la mission, mais il doit respecter la démarche de Mme BOUDEN et son équipe, si non il risque gros, l’équipe peut à tout moment sous la pression et les instructions de part et d’autre (tunisiennes et FMI) démissionnera, en particulier Najla BOUDEN. Il est tout à fait logique que celui qui vous accordera son crédit, veillera à son usage et à la capacité de son remboursement. Il faut que cet argent du FMI aille dans la santé et à l’investissement pour créer la richesse, il n’est pas indéniable qu’il aille aux salaires, c’est exactement comme si une entreprise consomme son capital ou ses crédits dans les salaires, comment va faire tourner sa production et son chiffre d’affaires.