Pour bien des migrants subsahariens, le rêve européen a volé en éclats en Tunisie, avec comme corollaire le retour à la case départ. Et nombreux semblent être ceux qui s’inscrivent dans cette trajectoire.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) vient d’annoncer avoir facilité le retour volontaire de 166 migrants irréguliers de Tunisie vers leur pays d’origine, la Gambie. Le rapatriement a eu lieu voici quelques jours, six femmes figurent parmi les rapatriés. L’OIM assure que tous les migrants de retour bénéficieront d’un programme de réintégration adapté à leur retour en Gambie.
L’agence a souligné que ce rapatriement a été rendu possible grâce au programme de protection, de retour et de réintégration des migrants en Afrique du Nord (MPRR-NA), lancé par l’Union européenne en janvier 2023.
La Tunisie a connu une augmentation significative de la migration irrégulière vers l’Europe, en particulier vers la côte italienne, dans un contexte de crise économique et politique dans le pays et dans d’autres pays africains, en particulier ceux situés au sud du Sahara.
En septembre 2023, la Commission européenne a annoncé un programme d’aide de 127 millions d’euros (135 millions de dollars) pour la Tunisie, une partie des fonds étant destinée à réduire les flux migratoires irréguliers.
Depuis le début de l’année, l’OIM a pris en charge le « retour volontaire » de plus de 4 100 migrants depuis la Tunisie vers leur pays d’origine, contre un peu plus de 2 500 pour l’ensemble de l’année 2023.
162 migrants burkinabés sont montés dans un avion depuis la Tunisie vers leur pays d’origine « en toute sécurité et dans la dignité », selon les termes de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Ces exilés ont bénéficié du programme de retour volontaire de l’ONU. « Aujourd’hui marque un nouveau départ pour de nombreux migrants bloqués en Tunisie qui vont retrouver leurs proches », s’est félicitée sur Facebook l’agence onusienne en Tunisie.
À l’instar de ces Burkinabés, plus de 4 000 migrants vivant en Tunisie sont rentrés dans leur pays via l’OIM depuis janvier. La majorité d’entre eux sont des hommes seuls, originaires de Gambie, du Burkina Faso et de Guinée, précise l’agence à InfoMigrants.
Un chiffre en nette augmentation : sur l’ensemble de l’année 2023, 2 557 personnes ont profité du « retour volontaire » depuis la Tunisie, ce qui représentait déjà une hausse de 45 % par rapport à 2022 où 1 614 exilés avaient bénéficié de ce programme.
Aide à la réintégration
Depuis plusieurs mois, le gouvernement tunisien espérait ces départs en masse. Lors d’une visite de la Première ministre italienne Georgia Meloni à Tunis, au mois d’avril, Rome et Tunis s’étaient déjà engagés à miser sur les « retours volontaires » pour lutter contre cette immigration irrégulière en « impliquant les organisations internationales ».
Les migrants rapatriés bénéficient du « programme d’assistance au retour volontaire et à la réintégration » de l’OIM, ce qui signifie une prise en charge du billet retour ainsi qu’une aide à la réintégration dans leur pays.
Pour le FTDES, l’Union européenne a sa part de responsabilité dans ces retours. « L’UE a donné tous les moyens financiers, logistiques et techniques » à la Tunisie pour mettre en place cette politique « anti-migrants », affirme-t-il.
Ce que dont il est question, c’est l’accord UE-Tunisie, signé le 14 juillet 2023. Centré sur la lutte contre l’immigration irrégulière, cet accord de 127 millions d’euros, sert aussi à soutenir le pays qui connaît de graves difficultés économiques. En contrepartie, Tunis doit empêcher les départs de bateaux de migrants vers l’Europe, lutter contre les passeurs et assurer le retour des Tunisiens en situation irrégulière dans l’UE, ainsi que celui des migrants d’Afrique subsaharienne depuis la Tunisie vers leurs États d’origine.
Naufrages en mer
Mais cet accord et les opérations anti-migrants qui ont suivi ont eu un double effet : si elles poussent de plus en plus de migrants, exténués par cette politique raciste, à rebrousser chemin et à rentrer chez eux, elles incitent aussi de nombreux migrants à tenter la traversée de la Méditerranée au plus vite, quelles que soient les conditions de sécurité.
Les départs depuis les côtes de Sfax ont enregistré une augmentation record durant les premiers mois de l’année 2024, avec plus de 21 000 personnes ayant quitté clandestinement le pays par ses frontières maritimes, a indiqué la Garde nationale tunisienne. Des départs qui s’effectuent dans des conditions plus que précaires : les exilés utilisent des canots en métal, inaptes aux traversées.
En 2023, plus de 157 000 personnes, venues de Tunisie principalement, ont débarqué en Italie, contre 105 000 en 2022, selon les chiffres de l’Intérieur italien. Cette même année, plus de 1 300 migrants – subsahariens mais aussi tunisiens – sont morts en mer près des côtes tunisiennes, selon FTDES.