Les prochaines élections qui semblent préoccuper les politiciens du pays ne laissent pas indifférente la communauté juive de Tunisie. Et au moment où l’intérêt se focalise sur la prolongation des délais des inscriptions des électeurs, certains membres de la communauté juive de Djerba n’ont pas caché leurs craintes au sujet de cette échéance électorale majeure.
Cette crainte a été perceptible, lors d’une rencontre qui a réuni l’envoyé d’Africanmanager avec plusieurs représentants de la communauté juive à Djerba qui ont tous parlé sous couvert de l’anonymat .
Les élections … une catastrophe !!!
Pour la Tunisienne d’origine juive A.K qui a préféré, pour des raisons de sécurité garder l’anonymat, les prochaines élections si elles se tenaient dans les délais fixés, « seraient réellement une catastrophe pour la majorité des Tunisiens ».
Les raisons qu’elle avance sont multiples. « On était au début optimistes avec la nomination de Mehdi Jomâa à la présidence du gouvernement, mais jusqu’à ce jour, rien n’a changé », nous a dit A.K, avant de s’interroger ce qui a été réellement réalisé par le chef du gouvernement « technocrate », issu du Dialogue national : Qu’en est-il de la révision des nominations ? Jomâa a-t-il vraiment réussi à rassurer tous les Tunisiens et surtout les juifs ? Qu’en est-il des assassins des opposants Chokri Belaid et Mohamed Brahmi ?
Des questions qui restent toujours, selon elle, sans réponses, alors qu’il n’existe aucune volonté de s’atteler à résoudre ces dossiers en suspens.
Encore des menaces…
Le climat actuel semble défavorable pour les citoyens juifs qui se sentent de plus en plus menacés, notamment suite à la multiplication des agressions. Ces agressions n’étaient pas prises en considération par les autorités, selon un autre témoin qui s’exprimait, également, sous le couvert d’anonymat.
Pour ce témoin, les mêmes pratiques du régime déchu sont toujours en vigueur, et le gouvernement actuel n’arrive pas à tenir ses promesses surtout envers la communauté juive. « Ben Ali est là, avec les mêmes démarches et les mêmes pratiques, et rien n’a malheureusement pas changé. A Djerba, le sentiment de peur existe toujours puisqu’on risque le pire avec l’émergence des extrémistes », a-t -il affirmé.
Dans ce contexte, il a rappelé la récente agression commise par un extrémiste contre un juif. « Tout le monde a essayé de calmer le jeu, au lieu de regarder la réalité en face. Et la vérité est bien évidente puisque la menace est toujours là et s’est même accentuée », a-t-il précisé avant de pointer du doigt la « politique d’indifférence des décideurs ». Il soutient que cette politique est à l’origine d’une profonde déception ressentie par ces Tunisiens de confession juive, poussant plusieurs lycéennes juives à abandonner leurs études à cause de l’absence de sécurité.
Dans cette conjoncture marquée par la prudence, l’étrange silence observé par les autorités et en l’absence d’un dispositif concret capable de protéger tous les Tunisiens, la tenue des prochaines élections ne peut que susciter crainte pour l’avenir et indifférence envers le scrutin . Plaçant la sécurité à la tête des exigences, notre interlocuteur qui s’exprime toujours sous couvert de l’anonymat, affirme que ces conditions sont primordiales et viennent avant le développement même dans un pays assoiffé pourtant au travail et à de meilleures conditions de vie .
La promotion de la citoyenneté est primordiale
A travers les témoignages que nous avons pu recueillir, la stabilité et la sécurité demeurent une revendication principale des citoyens juifs, mais aussi de tous les Tunisiens, ce qui permet de relever le défi de la période restante de la transition. L’absence de ces deux facteurs peut déjà expliquer, en partie, la réticence des électeurs envers l’inscription pour les prochaines élections.
« Notre société a besoin aujourd’hui de changer de vision et de méthode pour se doter d’un esprit radical et pur, qui pourra nous faire avancer vers nos objectifs », a estimé le militant et actif de la société civile, Ali.B dans une déclaration à Africanmanager. Et cette assertion sonne comme une réponse aux appréhensions, soucis et interrogations des citoyens juifs de Djerba, et au-delà, de tous les Tunisiens partout dans le pays. Il ajoute, comme pour conclure que « ceci est important pour que les élections puissent se dérouler dans la transparence», reconnaissant , toutefois, qu’un grand travail reste toujours à faire.
Wiem Thebti
