Les 13 dernières mesures, dites urgentes et supposées être percutantes du fait même de cette urgence, annoncées par le chef du gouvernement tunisien quelques heures après l’attentat meurtrier de l’hôtel Impérial, avaient le goût de la déprime. A plus d’un égard, elles mettent à nu la capacité d’Habib Essid de bien gouverner et bien gérer les attaques terroristes que la Tunisie connaissait pour la deuxième fois depuis son installation à La Kasbah.
Certaines de ces mesures ressemblent à s’y méprendre à des évidences que prendrait tout apprenti chef de gouvernement. En effet, l’ouverture de l’enquête, comme le renforcement des campagnes d’arrestations, la mise en place du plan de sécurisation des unités hôtelières ou la panoplie de réunions à tenir, sont du simple domaine de la réactivité primaire à un tel évènement.
Les deux principales mesures restent, d’abord, celle de la dissolution du parti Ettahrir que demandait directement le chef de l’Etat et que noie le chef du gouvernement dans le maquis des procédures. Ensuite, cette mesure de fermeture de 80 mosquées, dites hors de contrôle par le chef du gouvernement lui-même le soir de sa conférence de presse.
La mesure est d’importance dans la lutte contre le terrorisme, dans la mesure où elle devrait traiter ce problème en aval, au niveau de l’endoctrinement et de l’embrigadement. La question des mosquées, le lieu où tout se fait et se défait pour les jihadistes de l’intérieur. Des lieux, au moins certains d’entre eux, qui font toujours le lit de l’apologie du terrorisme et son fabricant. La question de la maîtrise de ces lieux du culte, a d’ailleurs été de presque tous les plans d’actions des chefs de gouvernement successifs.
Le 31 mars de cette année, le ministre des Affaires religieuses du gouvernement Essid, déclarait à un quotidien de la place que «187 mosquées qui ne sont pas sous le contrôle de son ministère seront fermées le 6 avril prochain». Le 13 juin de la même année, c’est-à-dire presque deux semaines jour pour jour avant le dernier attentat d’El Kantaoui à Sousse, le même ministre des Affaires religieuses, Othman Battikh, a affirmait que, «sur la base de statistiques officielles, aucune mosquée ni lieu de culte n’est, aujourd’hui, hors contrôle». Le jour de l’attentat, on découvre que le ministre des Affaires religieuses avait menti. Intentionnellement ou non, Othman Battikh n’avait pas tout dit à son chef. Durant sa conférence de presse de minuit, Habib Essid annonçait que 80 mosquées restaient hors de contrôle des autorités tunisiennes et étaient donc toujours entre les mains de prédicateurs intégristes. Et alors qu’il n’avait pas pu les fermer durant tous les 6 mois de son gouvernement, Habib Essid déclarait que la fermeture des 80 mosquées rebelles se fera en une semaine.
Manifestement, le chef du gouvernement tunisien présume trop de ses capacités à régler des problèmes, cruciaux sinon vitaux pour tout un pays, et dont il ne maîtrise pas tous les tenants et les aboutissants. Il a par exemple certainement reçu toutes les assurances que toutes les défaillances sécuritaires qu’avait révélées l’attentat du Bardo avaient été réglées. On jurerait presque que le ministre de l’intérieur l’en avait assuré. Elles se sont pourtant répétées à Sousse. On est même presque sûr que le ministre des Affaires religieuses lui avait assuré que toutes les mosquées étaient sous contrôle, jusqu’à ce qu’il découvre que tout était «out of control». On sait qu’il se tue au travail, qu’il est plein de bonne volonté et que son nationalisme n’a pas d’égal. On se demande pourtant chaque jour de plus en plus s’il est vraiment «the right man in the right place» et pour la «right» conjoncture !
Khaled Boumiza
