AccueilChiffreTunis : Immunité parlementaire : Les députés sont-ils des super citoyens ?

Tunis : Immunité parlementaire : Les députés sont-ils des super citoyens ?

Creuset récurrent de polémiques, l’Assemblée nationale constituante vient de s’en payer une, et une de trop. Le député Ali Bechrifa a critiqué l’attitude de ses pairs qui ont rejeté, lundi 16 juin, lors d’une plénière tenue à huis-clos, la demande de lever l’immunité à six constituants de l’Assemblée Nationale Constituante(ANC).Il s’agit de Tahar Hmila, Amor Chetoui, Lotfi Ben Mosbah, Samir Ettaïeb, Ibrahim Gassas et Hichem Hosni. La position de Ali Bechrifa a tous les relents et les contours d’un cri d’alarme contre ce qui peut apparaître comme un dérapage de la part de la Commission du règlement intérieur et l’immunité et la plénière de l’ANC qui opposent leur inébranlable véto, depuis octobre 2011, et à quelques exceptions près , à toute demande de levée de l’immunité contre un député.

Ali Bechrifa a précisé, dans une déclaration, que les élus sont solidaires et rejettent systématiquement toute demande de levée d’immunité, et qu’il est, désormais, inutile de perdre du temps dans des séances plénières tenues à cette fin.

En effet, la levée de l’immunité à un député est engagée sur demande du ministère public, dans le but de permettre à la justice de traiter l’affaire qui concerne le député en question, et de ce fait, cette procédure judiciaire qui est motivée et justifiée juridiquement, est purement technique et ne revêt aucun caractère politique. La réponse positive de la part de l’ANC et de la Commission du règlement intérieur et l’immunité à la requête, illustre l’adhésion de la Constituante à la séparation et à l’indépendance des trois pouvoirs ( législatif , judiciaire et exécutif) qui est à la base de toute approche démocratique, administre la preuve de la confiance réciproque entre les pouvoirs législatif et judiciaire, et révèle que les députés se saisissent en tant que citoyens comme les autres , justiciables et redevables, et bénéficient en cette qualité de la présomption d’innocence jusqu’à la fin de la procédure judiciaire.

En fait, l’ANC a rejeté, depuis qu’elle en est une, toutes les demandes de levée de l’immunité. Et il faut chercher l’explication de ce refus systématique dans la conception erronée du statut de la Constituante qui se considère comme la source unique de la légitimité en Tunisie, n’ayant en face d’elle qu’une multitude d’institutions provisoires, installées pour expédier les affaires courantes d’un secteur ou d’un corps donnés. Or la démocratie, qui est par essence un équilibre entre institutions et pouvoirs, commande aux parties prenantes de respecter cet équilibre dans son esprit avant sa lettre, et recommande de tenir compte de l’avis de toutes les parties quel que soit leur degré de représentativité. A cette conception erronée de la démocratie s’ajoute une vision défectueuse de la légitimité, développée et véhiculée par les islamistes qui sont partis, dans leur approche, d’un postulat , indiquant que le pays s’est glissé , depuis l’Indépendance, dans une fausse piste qui l’a mené vers l’occidentalisation et la Francophonie et que le scrutin du 23 octobre 2011 a remis les pendules à l’heure et remis en selle le parti qui représente l’identité du pays. Et ces représentations se mélangent à l’atmosphère lourde et la bipolarisation excessive qui a commencé à s’installer dans l’hémicycle à partir de mars 2012, et la politisation de toute requête avancée par la justice concernant les députés proches d’Ennahdha ,pour justifier des attitudes qui ne sont pas indemnes d’arrogance de la part de la majorité qui se voit investie d’une mission historique pour mettre de l’ordre dans le pays , et ne veut aucunement être chahutée par des procédures qui sont de nature à perturber cette mission .

L’exemple de Samia Abbou est très probant dans ce cadre. Elle attaqué Béji Caïd Essebsi , en pleine séance et l’a accusé d’être derrière l’assassinat de Chokri Belaid, le 6 février 2013 . Béji Caïd Essebsi a porté plainte contre la députée pour diffamation, mais la demande de levée de l’immunité de la députée Samia Abbou, examinée lundi 15 avril 2013, a été rejetée par la commission du règlement intérieur et de l’immunité relevant de l’ANC. Et les députés ont invoqué le caractère politique de l’affaire affirmant qu’il n’y a pas eu d’acte passible de poursuites judiciaires, et ce pour justifier leur refus.

Mais cette attitude négative a ouvert la porte à d’autres refus qui sont tout autant injustifiés, mais à l’approche de nouvelles élections, tout indique que cet esprit de corps ne peut pas être maintenu au-delà de ce mandat controversé qui expire dans quelques mois.

Censément dépositaire de la conscience et de la représentation nationale, cette assemblée, plus est fondatrice de l’Etat de Droit que tous les Tunisiens appellent de leurs vœux, serait plus avisée à mettre ses actes en accord avec les valeurs dans lesquelles elle dit se reconnaître en érigeant une étanche démarcation entre le travail législatif et l’esprit partisan, pour ne pas dire corporatiste.

Aboussaoud Hmidi

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