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Tunis-Politique agricole : Une mise en jachère !

Relativement épargné par les troubles et bien des formes de protestation qui sévissent dans une variété de secteurs, celui de l’agriculture croule sous le faix d’un composé d’écueils qui sont plutôt d’essence structurelle. C’est que les réformes, les bonnes, tardent à venir, alors que celles mises en chantier sont par bien des côtés, soit inopérantes, soit coûteuses. Autant dire que la croissance est rarement dans le près. Et la Tunisie, pour ce qui est du moins des céréales, reprend massivement le chemin du marché mondial pour s’y approvisionner en blé et en orge fourragère, en particulier.

En effet, la récolte céréalière cette année est estimée à moins de 40% par rapport à l’année dernière. C’est le vice-président de l’Union Tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche qui l’affirme. Bien des régions nourricières comme celle du Kef, déplorent une décroissance notable de la production, ce qui aura des répercussions négatives sur la balance commerciale, compte tenu du poids de l’importation des céréales qui sera entreprise.

Ce n’est là que l’un des paradoxes qui entachent l’architecture agricole de la Tunisie au motif évident qu’elle n’est pas en état de réaliser le potentiel de croissance qui est le sien, se concentrant sur des produits pour lesquels le secteur n’est pas compétitif. Curieusement, dans les domaines où le pays est compétitif, il ne capitalise pas sur son avantage. Les produits les plus compétitifs, notamment le blé dur, l’arboriculture (y compris les fruits et l’huile d’olive), les légumes et la pêche, qui représentent 58 pourcent de la production sur les 20 dernières années, contribuent à la croissance du secteur uniquement à hauteur d’environ 46 pourcent, alors que les produits non-compétitifs (céréales, sauf le blé dur, le bœuf, le lait), qui concernent 39 pourcent de la production, y contribuent à environ 52 pourcent.

De fait, une grande partie de la croissance de l’agriculture découle du soutien fourni au secteur agricole sous la forme de subventions aux intrants, de soutien aux prix du marché, et de protection commerciale, qui a artificiellement gonflé la croissance du secteur, mais avec une perte nette pour le pays. Cette politique de soutien offre à l’agriculture un transfert de ressources qui est supporté par les contribuables, les consommateurs et le reste de l’économie. De plus le montant payé par les contribuables, les consommateurs et les autres secteurs de l’économie est plus important que les avantages reçus par le secteur agricole, ce qui implique une perte nette pour le pays.

Entrave à la croissance et à l’emploi

Les politiques agricoles actuelles entravent la croissance et l’emploi, et exacerbent les disparités régionales. C’est la Banque mondiale qui le dit et le répète. Quoique bien intentionnées, elles ont réprimé le secteur agricole en détournant la production des produits méditerranéens à forte intensité de main d’œuvre pour lesquels la Tunisie est compétitive et vers les produits continentaux tels que les céréales, le bœuf et le lait, pour lesquels la Tunisie n’est pas compétitive.

Alors que la Tunisie possède un avantage comparatif pour les produits méditerranéens, pour la plupart de ces produits la Tunisie n’utilise qu’une petite fraction de ses quotas d’exportation vers l’UE. Au lieu de tirer avantage de cette opportunité d’exportation, la Tunisie subventionne des produits pour lesquels elle ne possède pas un avantage et qui continuent à être protégés dans le cadre de la Politique Agricole Commune de l’UE. Au-delà de l’UE le potentiel d’augmentation des exportations agricoles en quantité et en valeur, plus particulièrement pour l’huile d’olive, demeure inexploité.

Surtout, les politiques agricoles actuelles sont coûteuses et inéquitables. En plus des coûts budgétaires supportés par les contribuables, qui s’élèvent à environ 1 pourcent du PIB, il existe également des coûts directs payés par les consommateurs qui doivent payer des prix plus élevés pour les produits Et aussi pourquoi il n’y a pas d’entreprises pour produire des produits phytosanitaires ? Les produits importés sont très chers …

Par-delà des coûts budgétaires et de consommateurs, les interventions agricoles faussent également la production et le commerce, générant des pertes d’efficacité qui sont supportées par l’économie dans sa totalité, et qui sont estimées à environ 0.8 pourcent du PIB. Le résultat est une perte nette de bien-être pour le pays, ainsi que la redistribution des consommateurs et contribuables vers les agriculteurs dans les régions du littoral. De plus, contrairement à certaines idées largement répandues en Tunisie, la distribution des avantages des subventions de la production agricole actuelle est très inéquitable. En fait, les avantages profitent essentiellement à quelques grands propriétaires fonciers (production de viande, lait et bœuf), et ne profitent pas aux petits propriétaires. Ainsi les politiques agricoles actuelles échouent également à remplir un rôle social positif, contrairement à l’idée largement répandue en Tunisie.

Voilà pourquoi une réforme majeure des politiques agricoles pour les éloigner des politiques de soutien des prix sources de distorsions et les diriger vers le renforcement horizontal des interventions aiderait à libérer le potentiel de l’agriculture et à réduire les disparités régionales. Les experts soutiennent qu’il serait dans l’intérêt de la Tunisie de basculer le soutien vers les produits à forte intensité de main d’œuvre, et d’aider l’investissement dans l’arboriculture (fruits et huile d’olive) et les serres. L’Etat doit progressivement se retirer de l’intervention dans la distribution des produits agricoles. Dans le même temps, la réforme de la politique agricole doit progressivement supprimer le soutien aux prix et les subventions aux intrants et les remplacer par des mesures horizontales qui créent moins de distorsion. Ceci permettrait l’adoption de fortes mesures afin d’améliorer l’infrastructure légère et lourde et les services pour le secteur agricole, notamment en renforçant la recherche et le développement, l’irrigation, le cadastre foncier, le financement et l’infrastructure de transport, qui sont des éléments essentiels à la croissance de l’agriculture. La Tunisie doit également simplifier les procédures bureaucratiques et améliorer la performance de l’administration publique.

M.L

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