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Tunis :Pourquoi la grève des étudiants des écoles d’ingénieurs se poursuit-elle?

L’ombre d’une année blanche pour les élèves ingénieurs pointe déjà à l’horizon. Cela fait 40 jours que les Ecoles d’ingénieurs dans tout le pays sont en grève. Or, le régime de formation dans ces établissements ne tolère pas une telle absence aux cours, car il s’agit bien d’une absence, quoiqu’elle soit générale. Il est, en fait, difficile d’imaginer un rattrapage pour une si longue période.

Le régime d’enseignement des élèves ingénieurs suivi en Tunisie est largement inspiré du système français qui date de plusieurs siècles. Deux années préparatoires sont sanctionnées par un concours national basé sur le classement des candidats selon les moyennes qui leur permettent d’accéder par ordre de mérite au cycle supérieur spécialisé. Les écoles sont classées et les candidats aussi. Une deuxième chance est généralement accordée aux candidats pour améliorer leur classement , en pourvoyant les postes vacants résultant de désistements, des départs de ceux qui ont passé parallèlement un concours dans une école d’ingéniorat française, ou de décision de redoublement pour ceux des étudiants qui ne sont pas satisfaits de leur classement et veulent refaire l’année.

Les cours sont donc serrés, le système d’accès au cycle supérieur est compliqué et le lien entre les concours tunisien et français, qui bénéficie à une petite élite, il faut le reconnaître, rend tout rattrapage difficile à réaliser, cette année. Tout ce canevas un peu entremêlé laisse présager qu’on ne peut éviter l’année blanche.

Mais revenons maintenant aux revendications des élèves ingénieurs. Le lundi 5 janvier 2015, une grève ouverte a été déclenchée dans presque toutes les écoles d’ingénieurs pour protester contre la convention signée le 25 décembre 2014 entre le ministère de la Formation professionnelle et de l’emploi et le ministère de l’Enseignement supérieur, permettant aux étudiants de la formation professionnelle d’intégrer les écoles des ingénieurs. Les étudiants ont qualifié cette décision d’autoritaire, y voyant un moyen d’ouvrir la possibilité à des étudiants sans bac de rejoindre les écoles supérieures sans même passer un concours.

Le ministère de l’Enseignement supérieur précise que les passerelles entre l’enseignement supérieur et la formation professionnelle traduisent une orientation consacrée à l’échelle internationale, notamment par « le Processus de Bologne », à la base du système LMD, et visent à assurer une transférabilité des acquis et une mobilité des apprenants entre les deux cursus, afin de garantir une meilleure employabilité et une meilleure réponse aux besoins du monde socio-économique. Et le ministère rappelle que le décret n° 2013-1469 du 26 avril 2013 autorise les titulaires d’un diplôme couronnant un cycle de formation de deux ans après le baccalauréat à s’inscrire en 3ème année de licence, sur la base d’un concours sur dossier avec valorisation des unités d’enseignement validées. Cette valorisation est assurée par des commissions pédagogiques spécialisées.

Ces passerelles, indique le ministère, ne concernent pas directement l’accès aux écoles d’ingénieurs qui se fait par le biais d’un concours national pour 90% des candidats des instituts préparatoires, un quota de 10% étant réservé aux licenciés, sélectionnés par concours sur dossier.

Mais vite, les revendications changent d’orientation. De l’annulation de l’accord conclu entre le ministère de l’Enseignement supérieur et celui de la Formation professionnelle et de l’emploi concernant l’ouverture de passerelles entre les centres de formation professionnelle et les écoles d’ingénieurs, les élèves ingénieurs prennent pour cible les écoles d’ingéniorat privées qui permettent aux étudiants de suivre les mêmes filières du public sans passer par le concours national. Ils revendiquent ainsi la création d’une instance supérieure des études d’ingénierie qui supervisera les normes d’attribution des diplômes d’ingénieurs ainsi que le contrôle de la qualité de la formation en ingénierie dans chacun les secteurs privé et public.

Ils exigent, également, la révision du cahier des charges relatif à la création d’écoles privées d’ingénieurs. Le ministère répond positivement à toutes ces revendication et va même jusqu’à suspendre l’octroi de nouvelles autorisations aux écoles privées d’ingéniorat, mais la tension reste élevée et les étudiants ne mettent pas fin à la grève.

Evidemment, ils proposent une réforme du système de l’enseignement (actualisation des programmes de formation, concordance entre le nombre des nouveaux bacheliers orientés vers les écoles préparatoires et celui des places disponibles au concours national d’ingénieurs, renforcement des équipements et budgets des écoles d’ingénieurs, création de mécanismes permettant plus de flexibilité concernant les partenariats entre les écoles d’ingénieurs et leur environnement industriel, garantie d’un revenu minimum décent pour l’ingénieur dans les secteurs public et privé et d’une indemnité de stage supérieure au SMIG durant la période de préparation du projet de fin d’études).

Les raisons de la grève sont donc multiples : contester l’accord entre les ministères de l’Enseignement supérieur et celui de la Formation professionnelle sur les passerelles entre les système de formation professionnelle et l’enseignement de l’ingéniorat, revoir l’accès aux écoles d’ingéniorat privées et les réformes du système d’enseignement technique propre à l’ingéniorat. Et devant les explications du ministère sur ces sujets, et sachant que les réformes demandent du temps pour être mises en œuvre, il y a lieu de se demander pourquoi la grève se poursuit ?

Aboussaoud Hmidi

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