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Tunis : Sous les fanfares, les signes avant-coureurs d’une crise grecque en Tunisie.

Alors que l’attention de toute la Tunisie s’effiloche sur fond de la crise artificielle du remaniement ministériel et sous les fanfaronnades du «meilleur gouvernement que la Tunisie ait jamais eu», deux évènements se préparent, d’une importance capitale et d’une signification économique dangereuse. Mais donnons, d’abord, quelques informations, tout aussi importantes et dont la signification éclairera mieux le sens de nos propos.

– Grosso-modo, le budget de l’Etat tunisien, pour l’exercice 2013, est évalué à 26,792 milliards DT. A plus de 77 %, ce budget, va pour le fonctionnement de l’Etat. En grande majorité pour les salaires, sans oublier les charges de la dette et les subventions (4,2 milliards de dinars). Au total, les dépenses de l’Etat sont de 23,932 milliards DT. En face, il n’y a que 19.975 MDT de recettes. D’où, un déficit de 3.957 MDT. A cela, s’ajoutent les 11,6 milliards DT de déficit commercial. A lui seul, ce montant représente, selon l’économiste Ezzeddine Saidane, 15 % du PIB, c’est-à-dire de l’ensemble de ce que la Tunisie créé comme richesses par an.

– Officiellement, les ressources budgétaires ont augmenté de 4,9 %. Cette augmentation, selon les économistes, n’est cependant que faciale, puisque la dépréciation du Dinar tunisien a été en moyenne de 6 %.

– Comme le signalait l’économiste Mourad Hattab, «Les dettes de la Tunisie représentent 200% des recettes de l’Etat». Officiellement et pour répondre à ce qui pourrait être interprété comme une lecture tendancieuse, le taux d’endettement de la Tunisie, représentera 46,8 % du PIB (47,2 % selon le FMI). Au 31 novembre dernier, selon les propres chiffres du ministère des Finances, le taux de réalisation budgétaire était de 65% au niveau des emprunts déboursés et déjà de 92 % au niveau des charges financières. L’Etat paie ainsi les pots cassés, par ses soins.

– Cette dette est tellement lourde, qu’elle n’arrête pas de détériorer la note souveraine de la Tunisie et lui fermer donc, petit à petit, les portes des marchés financiers. La Tunisie a certes pu sortir deux fois sur ces marchés. Mais cela n’a pu être possible, qu’avec la garantie de deux Etats, celle des USA d’abord et celle du Japon ensuite. D’où, la décision de l’Etat tunisien, de changer son fusil d’épaule, pour aller sur le marché financier islamique des Sukuk (On y reviendra car ils ne sont pas aussi saints que ne le présentent nos saints-ministres).

 

– Nouveau recours, depuis 1986, aux crédits contraignants du FMI.

Selon les derniers chiffres officiels, la Tunisie a déjà mobilisé 1101,4 MDT en dons et 3899,3 MDT en crédits divers. Ces cinq milliards de DT, ne semblent pourtant pas suffisants, puisque des négociations sont en cours pour un recours de la Tunisie au FMI. On ne connait pas encore le montant de ce nouveau crédit, mais on se rappelle que la Tunisie avait annoncé l’an dernier qu’elle souhaitait un prêt de 2,5 milliards de dollars de la part du FMI. Manifestement aussi, ce prêt devrait être ce qu’on appelle un «crédit de précaution». Ce crédit, comme l’a déclaré vendredi dernier à Washington le responsable du FMI pour le Moyen Orient, est «un prêt qui aiderait le pays à faire face à ses défis actuels et à fournir un matelas de protection en cas de dégradation de la conjoncture internationale». Il ne commencera à générer des intérêts, généralement au taux du marché international, qu’au moment du déboursement lorsque la situation se détériore. Sinon, c’est juste une toute petite commission que devra payer la Tunisie.

Le dernier prêt que la Tunisie avait contracté auprès du FMI, date de 1986, alors que le pays était en cessation de paiement et que ses finances étaient au plus mal. La Tunisie remboursera ce prêt en 1991 par anticipation. Depuis, la Tunisie n’avait jamais eu recours à cette instance dont les prêts sont très contraignants et frisent même la perte de toute indépendance de la décision financière, au profit du FMI. C’est comme lorsqu’une entreprise est mise sous administration judiciaire.

– Un nouveau Plan d’Ajustement Structurel (PAS) pour la Tunisie ?

Beaucoup de Tunisiens se rappellent, avec douleur, du PAS, le plan d’ajustement structurel, imposé par le FMI lorsqu’il avait accordé le crédit de précaution à la Tunisie de la fin du règne de Bourguiba. Le FMI en effet, n’est pas un prêteur normal d’argent. Ses prêts sont généralement assortis de conditions, économiques et financières, rigoureuses pour ne pas dire draconiennes. Ces prêts sont généralement assortis de conditions, dites même, classiques du FMI.

D’abord l’assainissement des finances publiques notamment par l’ajustement des prix pour baisser le poids de la compensation et dans des conditions extrêmes, la vérité des prix pour enlever complètement la compensation, la réduction de la dette, l’enlèvement des quotas d’importation et l’abaissement du poids de la fonction publique. Partout où il était passé, le FMI n’avait laissé que désolation sociale. Dans certains pays comme l’Egypte sous Moubarak, cela avait entraîné des émeutes populaires. Que veulent dire ces conditions ?

Dans la pratique, ce sont des prix encore plus hauts, pour les produits de base notamment. C’est aussi une caisse de compensation qui intervient de moins en moins. C’est aussi, une fonction publique qui ne doit plus recruter, sinon se délester du sur-plus de fonctionnaires. Ce sont aussi des banques qui donneront de moins en moins de crédits pour la consommation. Les plus âgés des Tunisiens, se rappelleront certainement que Bourguiba avait essayé de faire cela et se rappelleront donc des émeutes du pain de Janvier 1984. Trois années après, Bourguiba tombera.

La Tunisie, n’en est pas encore là. Il n’en demeure pas moins vrai cependant que la recours au FMI et la présence en Tunisie du président de la Banque mondiale Jim Yong Kim, ne sont pas de bons signes d’un rétablissement économique de la Tunisie, comme le crient à tous ceux qui ne veulent plus l’entendre les responsables politiques tunisiens. La Banque Mondiale a déjà fait crédit à la Tunisie de un milliard de dollars depuis la Révolution. J.Y Kim a déjà déclaré, après l’optimisme diplomatique d’usage, que «des réformes douloureuses devaient être menées à bien dans un pays miné par les conflits sociaux et la pauvreté deux ans après la révolution». Manifestement donc, la Tunisie fait ses premiers pas vers un nouveau PAS, se prépare à un ou plusieurs budgets de restriction et à une longue période de vaches maigres. On finira quand même par un «A Dieu ne plaise» !

Khaled Boumiza.

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