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Tunis : Un livre blanc, mais point immaculé!

Un livre blanc vient d’être publié par 31 intellectuels de différentes disciplines académiques et sensibilités politiques. Ils y posent un diagnostic rigoureux et sans concession de la situation dans le pays depuis la Révolution. Ils relèvent qu’au-delà des frustrations qui tourmentent le citoyen, résultant des difficultés quotidiennes et d’une peur pour l’avenir, jointes à la déliquescence de l’idée de Patrie, c’est l’Etat lui-même qui est en danger.

Ils constatent que les attaques systématiques qui visent l’Etat moderne, principal acquis de la Tunisie indépendante, touchent aussi bien les symboles les plus fédérateurs , comme le drapeau national, que les institutions qui ont été unifiées et mises à niveau au lendemain de l’Indépendance et constamment développées , malgré les insuffisances induites par le despotisme et le manque de liberté qui ont caractérisé l’avant-14 janvier2011.

Les intellectuels signataires du livre blanc relèvent que les institutions républicaines, à savoir la justice, l’école moderne et l’entreprise économique et financière ont été mises à mal par des initiatives et des pratiques visant à les pervertir et à les détourner de leur vocation principale. Les auteurs du livre blanc rappellent, à cet effet, les tentatives d’instaurer des juridictions, des institutions éducatives et financières parallèles, visant à saper l’idée de l’Etat moderne et remettre en question les acquis nationaux. Ils lancent un avertissement à l’opinion publique et aux forces vives contre ces tentatives de destruction de l’Etat moderne qui menacent, en fait, l’identité même de la Nation.

Cette situation négative nécessite des réformes radicales dans les domaines économique, éducationnel, culturel et social, lesquelles doivent rendre possible la mise en œuvre des ambitions des forces révolutionnaires à une vie digne et la réalisation des attentes de la société concernant un système socio-économique basé sur l’efficacité de l’initiative privée , les valeurs de justice sociale et d’équité.

Les signataires du livre blanc estiment que seules les élections peuvent sauver le pays dans la mesure où elles permettront de donner lieu à un gouvernement pour un mandat de cinq ans, et de confirmer le choix par les Tunisiens de leur modèle de société moderniste, tolérante, respectueuse des droits humains et des engagements internationaux du pays. Pour ce faire, ils appellent le gouvernement à œuvrer au rétablissement de la sécurité pour garantir une participation massive des citoyens à cette échéance qui revêt un caractère salutaire.

Le livre blanc qui a été publié en exclusivité, samedi 21 juin 2014, par le journal arabophone « Le Maghreb » est le fruit d’une réflexion menée en commun par les 31 intellectuels, à la Fondation Temimi. Mustapha Kamel Nabli, ancien gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie a fait office de modérateur tout au long des mois d’avril, mai et juin 2014 .

Ce travail intellectuel qui part du constat des difficultés qu’affronte le pays, termine son diagnostic sur un ton optimiste. Il insiste, toutefois, sur le fait que seuls le savoir et le travail peuvent permettre à la Tunisie de renouer avec sa vocation créatrice, dans le cadre d’une société stable, d’une économie prospère et d‘un Etat civil fort et juste qui parraine la culture, diffuse le savoir et protège les libertés.

L’idée d’élaborer un livre blanc qui relève d’une tradition instaurée dans le monde anglo-saxon, depuis les années1920, est en soi une bonne initiative, du fait qu’elle permet à l’opinion publique, aux politiciens et aux décideurs de voir, en cette conjoncture, la réalité du pays en face. Le but d’une telle initiative est de dresser de manière rigoureuse et objective l’état des lieux d’un domaine d’intérêt public ou d’une évolution donnée, sous la forme d’un diagnostic assorti de recommandations précises et concrètes. Une démarche qui répond, ainsi, au besoin d’édifier l’opinion publique sur les projets et intentions des décideurs et des leaders d’opinion. Il s’agit aussi d’établir une mise au point de portée générale et de rechercher un consensus dans un cadre spécifique, à charge pour ces initiatives de déboucher sur des analyses radicales et des propositions pratiques.

Or, le livre blanc élaboré par les 31 intellectuels tunisiens pèche par deux tares : la première d’ordre méthodologique. Au lieu de présenter un contenu basé sur un diagnostic systématique menant à des recommandations claires et agencées, permettant au lecteur d’en saisir le lien pour se faire en fin de compte une idée accomplie, il se borne à livrer des préconisations générales et abstraites dont on a du mal à saisir le fil conducteur comme en témoigne la formulation des têtes de chapitre. La deuxième tare est de caractère plutôt idéologique. La responsabilité des blocages de la mise en œuvre du projet national pour un développement efficient, un Etat moderne et une société démocratique n’est pas clairement définie dans le texte. Les régimes de l’avant-14 janvier 2011 ont leur part de responsabilité, les forces révolutionnaires et de la gauche ont la leur surtout pendant la période précédant le 23 octobre 2011, et la troïka et les islamistes à l’avenant. Bien sûr, les responsabilités ne sont pas placées sur le même pied d’égalité, et les acquis de la Tunisie moderne ne sont pas de la pacotille , mais on aurait préféré connaître le tableau , même dans son expression générale , pour que l’effort consenti s’accorde comme il se doit avec les normes qui sont celles d’un livre blanc .

Aboussaoud Hmidi

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