Le 7 février dernier, une délégation de l’agence de notation internationale, «Fitch Ratings» était à Tunis, dans le cadre d’une visite technique périodique pour la révision de la notation du pays. Les membres de la délégation de Fitch avaient alors été reçus par le ministre des Finances, Houcine Dimassi, qui leur avait présenté un exposé sur la conjoncture économique actuelle ainsi que sur les programmes du gouvernement pour faire face aux difficultés économiques et sociales.
Houcine Dimassi avait aussi fait état, début février, de «la détermination de l’Etat à limiter le taux de déficit budgétaire à 6% malgré les pressions sociales». Concernant la dette publique, il a fait remarquer que la Tunisie entend «respecter et honorer ses engagements envers ses bailleurs de fonds».
Il semblerait, selon nos informations, que les responsables économiques tunisiens aient réussi à convaincre l’agence de notation des bonnes perspectives que le gouvernement Jbali esquisse pour la Tunisie depuis sa prise de fonction à la tête du gouvernement provisoire. Nous apprenons en effet, que l’agence de notation Fitch a décidé de confirmer la notation souveraine de la Tunisie à BBB- et de ne pas l’abaisser.
Pour rappel, «Fitch Ratings» avait abaissé, en mars 2011, la notation de la Tunisie de BBB à BBB-, suite aux incertitudes concernant la stabilité et la politique économique du pays, durant une période de transition politique difficile. En Mars 2011, «Fitch Rating» avait justifié l’abaissement de la notation du pays par le fait que la crise politique a dégradé les perspectives à court terme, pour l’économie, les finances publiques et le système financier.
Ainsi, la Tunisie, dont les besoins en financement extérieur sont assez importants, gardera d’abord son «Investment Grade», un rang qui facilitera certainement sa prochaine sortie sur le marché international de la dette, devenue incontournable. Cela devrait aussi lui permettre de sortir sur ce marché au moindre coût.
Pour rappel aussi, en février dernier, Fitch avait également précisé que «si un gouvernement stable se formait après les élections, il y aurait possibilité de réviser positivement la note de la Tunisie». Cette note pourra ainsi s’améliorer encore, dans 18 mois
Les quatre vérités de la Tunisie énoncées par Fitch
Fitch Ratings a confirmé les notes de défaut émetteur à long terme en devises étrangères et en monnaie locale (IDR) de la Tunisie respectivement à ‘BBB-‘ et à ‘BBB’. Les perspectives des notes IDR demeurent négatives. L’agence a également confirmé le Plafond Pays de la Tunisie à ‘BBB’ et l’IDR à court terme en devises étrangères à ‘F3’.
« L’affirmation des notes souveraines de la Tunisie reflète la transition politique relativement douce de l’ancien régime de Ben Ali à un gouvernement provisoire nouvellement élu, en dépit de l’impact de l’instabilité dans le pays voisin, la Libye.
Cependant, l’économie a réalisé des résultats moins bons que prévu, ce qui suscite des préoccupations au sujet de durabilité de la dette publique et extérieure dans un contexte économique mondial marqué par davantage d’incertitudes », a dit Amélie Roux, directrice de la Notation souveraine chez Fitch.
La transition politique est restée sur la bonne voie à ce jour, avec des élections libres et équitables et une assemblée constituante élue en octobre 2011, marquée par la victoire du Parti islamiste Ennahda, qui a formé un gouvernement de coalition provisoire avec deux partis de gauche. Les élections présidentielles et législatives devraient suivre l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle constitution par l’assemblée, à la mi-2013.
Fitch indique que le maintien de la perspective négative reflète un changement dans l’équilibre du risque du politique vers la sphère économique. Les résultats de l’économie ont été moins bons que ceux prévus par Fitch en 2011 avec une contraction du PIB réel de 1,8% et un déficit du compte courant qui se creuse à 7,4% du PIB. Toutefois, l’inflation est restée sous contrôle et le déficit budgétaire a été contenu à 3,7% du PIB.
Le service de la dette souveraine a également été maintenu tout au long de la transition politique, malgré une nouvelle baisse des réserves de 7.1 milliard de dollars US, soit un peu plus de trois mois d’importation.
La Tunisie fait face à une perspective économique difficile en 2012. La reprise économique sera affectée par la crise dans la zone euro, les protestations et les mouvements sociaux devraient entraver la reprise de la production minière et le tourisme n’est pas susceptible de renouer avec ses performances d’avant la révolution. Le gouvernement devra aussi faire face à deux grandes faiblesses structurelles qui se sont détériorées en 2011: un niveau élevé du chômage, estimé à environ 20% à la fin-2011, et une faiblesse du secteur bancaire qui est susceptible d’avoir besoin d’injections de liquidités du secteur public en 2012.
Dans ce contexte, le gouvernement a l’intention d’adopter une politique budgétaire expansionniste avec un déficit budgétaire devant se creuser à 6% du PIB d’ici fin 2012. Ceci aura forcément une incidence sur la dette de l’administration publique qui lui a valu une note de faiblesse pérenne au cours de la dernière décennie. Après une longue période de convergence progressive avec la «BBB» médiane, le ratio de la dette de l’administration publique par rapport au PIB a commencé à diverger à nouveau et pourrait exercer une pression croissante sur la note souveraine de la Tunisie, si le taux de change s’accélérait sensiblement.
Les notes souveraines de la Tunisie bénéficient d’un soutien solide de la part de la communauté internationale dans cet environnement difficile, tant en raison des fortes relations historiques qu’au statut de la Tunisie en tant que pays phare du Printemps arabe.
Les créanciers multilatéraux et bilatéraux sont censés financer la majorité des besoins budgétaires et des besoins externes dans les années à venir. Le financement officiel devra améliorer le financement budgétaire et les risques de la balance des paiements, mais aux dépens d’une part croissante de la monnaie libellée en dette publique extérieure.
Fitch indique que des déficits budgétaires plus élevés que prévu conduisant à une dette publique fortement plus élevée pourraient entraîner une dégradation de la note , comme pourrait le faire un affaiblissement du soutien international. Un retard dans l’organisation des élections, reflétant une instabilité politique et sociale, serait également préjudiciable à la note. En revanche, une reprise économique plus forte que prévu et une réduction des déséquilibres macro-économique, conjuguées à la poursuite des progrès de la transition politique, entraîneraient une révision de la perspective de notation à stable.