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Tunisie : Colère des magistrats : « Nourredine Bhiri enfreint la loi et Fathi Laâyouni n’est pas le porte-parole du ministère de la Justice »

Sur décision du ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, le juge d’instruction en charge de l’affaire du Sheratongate, Mohamed Malki, vient d’être promu, à l’inspection générale ministre de la Justice, placée directement sous l’autorité du ministre. Une information démentie, cependant, par le conseiller du ministre de la Justice, Fadhel Sayhi qui a affirmé que ce dernier n’ a pas fait l’objet d’une mutation, laissant entendre , par contre, que ce magistrat poursuivra l’instruction de l’affaire de la bloggeuse, Olfa Riahi, alors que nombre d’avocats et de juges soutiennent le contraire.

Où est passé le Conseil supérieur de la magistrature ?

Dans une déclaration à Africanmanager Ahmed Rahmouni, président de l’Observatoire de l’indépendance de la magistrature, a, néanmoins, confirmé cette mutation, précisant qu’elle a concerné également, plusieurs autres juges. La décision a été prise, selon lui, lors du Conseil supérieur de la magistrature, réuni récemment sous la présidence du ministre de la Justice, mais sans préciser ni la date ni l’ordre du jour de cette réunion.

Il a ajouté que le ministre de la Justice continue d’avoir recours au Conseil supérieur de la magistrature, bien qu’il ait été dissous et que ni les juges ni la société civile ne s’y reconnaissent. « Ce Conseil aurait du être présidé par le Président de la République, Moncef Marzouki et, à défaut, par le ministre de la Justice. Or, On ne savait pas jusqu’alors si le chef de l’Etat a chargé Noureddine Bhiri de diriger les travaux du Conseil », s’est-il interrogé.

Ahmed Rahmouni a souligné, en outre, que ce n’est pas la première fois que le ministre de la Justice utilise le Conseil supérieur de la Magistrature sans solliciter l’avis des juges. La dernière consultation date du 13 septembre 2012 et a concerné 700 juges (mutation ou promotion), ce qui a suscité la colère des magistrats.

Fathi Laâyouni ferait-il office de porte-parole du ministère de la Justice?

Il a précisé, également, que ces mutations interviennent en dehors du mouvement ordinaire dans le secteur de la magistrature qui devrait être opéré, durant le mois d’août prochain, d’où un manque de transparence et de clarté dans les prises de décisions de la part du ministère de la Justice. Selon Rahmouni, la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature est dominée, dans sa majorité, par des juges désignés par le ministère de la Justice : « Ces juges ne pourraient pas être indépendants et vont suivre automatiquement les instructions et la politique du ministère», a-t-il expliqué.

Il a ajouté que Nourredine Bhiri a nommé des juges qui n’ont même pas achevé leurs études à l’institut supérieur de la magistrature. Il a accusé également le ministre de procéder à des mutations et des promotions au sein du ministère lui- même sans constater ni annoncer la vacance des postes.

Au sujet de Fathi Laâyouni, Rahmouni a précisé que ce dernier est devenu le « porte-parole officiel du Conseil supérieur de la Magistrature ainsi que du ministère de la Justice, alors que le Conseil ne dispose pas de siège, ni de direction ou encore de secrétariat ; le ministre de la Justice utilise le Conseil à son gré ».

Mêmes pratiques que du temps de Ben Ali

Monia El Abed, juriste et membre de l’ISIE a précisé, de son côté, à Africanmanager que « la magistrature tunisienne est actuellement en crise et le lien organique entre le ministère public et le pouvoir exécutif nous ramène aux pratiques chères à Ben Ali. « Nous ne sommes pas optimistes quant à l’avenir du secteur notamment en l’absence de l’application de la loi et du fait de l’allégeance au pouvoir », a indiqué Monia El Abed, en ajoutant que celui qui considère que la mutation des juges d’instruction en charge de l’affaire du Sheratongate est banale, fait preuve d’une ignorance totale de la vérité.

Elle a indiqué également que le régime de Ben Ali a utilisé d’autres procédés pour couvrir les dépassements, tandis qu’aujourd’hui, ces pratiques sont devenues ostensibles et relèvent de la logique de la force.

Raoudha Labidi, présidente du syndicat des magistrats tunisiens, a fait savoir, quant à elle, qu’elle n’a pas été avisée de ces mutations et que le syndicat n’a pas présenté des demandes de mutation ou de promotion, pensant qu’il s’agit seulement de mutation concernant les attachés de justice.

« Le ministère de la Justice a outrepassé la loi »

Omar Safraoui, responsable de la Coordination nationale pour la justice transitionnelle, a souligné, pour sa part, qu’il s’agit de décisions qui rappellent comme deux gouttes d’eau les pratiques du régime déchu. « Le plus grave est que ni le Président de la République, ni le président de l’ANC encore moins le chef du gouvernement n’ont pas bougé, bien qu’ils disent s’attacher à l’Etat de Droit et des institutions.

Il a ajouté que le ministre de la Justice a enfreint la loi, notamment en ayant recours au Conseil supérieur de la Magistrature, alors même qu’il avait refusé d’y recourir lors de la révocation des juges au motif que ce conseil n’est pas crédible, selon ses dires », a-t-il expliqué.

Omar Safraoui a expliqué le retard ayant entaché le processus de création de l’instance provisoire de la Magistrature par la volonté du ministère de la Justice d’imposer ses décisions et d’exercer sa mainmise sur la magistrature. « Autant de raisons qui expliquent la méfiance envers le pouvoir et ses méthodes d’action (non respect de l’agenda politique, absence d’une feuille de route claire, exploitation du pouvoir) », a-t-il souligné.

Kh.T

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