« Le système fiscal tunisien actuel est un système cohérent dans son ensemble », estime Mohamed Salah Ayari, conseiller juridique tunisien, dans une interview accordée à Africanmanager. En effet, après les différentes réformes fiscales qui ont été réalisées en matière de TVA, d’impôt sur le revenu et les sociétés, de droits d’enregistrement et de timbre, d’incitation aux investissements, de la fiscalité locale et des droits et procédures fiscaux, le système fiscal a été restructuré et s’est amélioré à tous les niveaux.
Cependant, selon Mohamed Salah Ayari, la fiscalité est intimement liée aux différentes mutations sur le plan économique, financier, social, ou culturel, ce qui nécessite une adaptation permanente du système fiscal à son environnement économique et social essentiellement. C’est pourquoi tous les spécialistes en la matière recommandent une réforme en profondeur afin de mettre le système fiscal actuel au diapason des évolutions constatées dans tous les domaines et de répondre aux aspirations de l’entreprise économique et de tous les jeunes qui ont déclenché la révolution pour assurer leur bien-être et vivre dans la dignité.
Sur la pertinence des incitations fiscales actuelles, il a fait savoir qu’il y avait une multitude d’incitations fiscales pour promouvoir l’investissement, prévues aussi bien par le Code d’Incitation aux investissements que par le Code de l’IRPP et de l’IS. Toutefois, selon lui, le problème qui se pose et qui constitue un frein à l’investissement est celui de l’absence d’une infrastructure adéquate à l’intérieur du pays. « Les avantages qui sont accordés au développement régional sont très importants, mais les investisseurs ne trouvent pas les conditions favorables pour s’implanter dans les régions défavorisées », a-t-il indiqué.
De même, les efforts déployés afin de créer des zones industrielles aménagées demeurent encore insuffisants, puisque l’encouragement à l’investissement n’est pas subordonné uniquement à l’octroi des avantages. Il est tributaire d’un environnement favorable qui doit être caractérisé par une infrastructure adéquate, une main d’œuvre qualifiée, une administration moderne, des moyens de communication évolués ainsi que l’instauration de la paix sociale et la stabilité politique.
Sans ces ingrédients qui constituent les conditions préalables à la réussite, « les investisseurs ne seront pas enclins à faire un saut dans l’inconnu », a-t-il ajouté.
Des mesures fiscales en deçà des attentes
Sur l’efficacité des mesures fiscales de la loi de finances initiale et de la loi de finances complémentaire pour l’année 2012, le conseiller juridique a indiqué que ces mesures fiscales qui ont été insérées demeurent nettement en deçà des attentes de l’entreprise économique et des milliers de jeunes qui ont fait la révolution et qui demeurent toujours sans emploi.
Dans ce cadre, il a appelé à appliquer deux principales mesures. La première consiste à ne pas tenir compte des sommes d’argent qui n’ont pas été déclarées par les contribuables récalcitrants, dans le cadre des opérations de vérification fiscale liées à l’accroissement du patrimoine, et ce, à condition de les investir dans des secteurs productifs prévus par le Code d’Incitation à l’investissement. A ce stade, le responsable a indiqué qu’après la Révolution de la liberté et de la dignité, on ne doit pas encourager les fraudeurs et légaliser le blanchiment d’argent.
La deuxième se rapporte à l’octroi d’une déduction supplémentaire dans la limite de 50% des salaires servis aux nouvelles recrues durant les années 2012 et 2013 etc … de l’assiette imposable à l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés . Sachant qu’après la révolution qui a été caractérisée par les sit-in, les grèves et les actes de destruction et de pillage, les entreprises ne disposent plus de liquidités suffisantes pour engager de nouveaux recrutements et ne comptent pas réaliser des bénéfices suffisants pour pouvoir être éligibles à la déduction supplémentaire au titre des revenus ou bénéfices qui seront déclarés.
Mohamed Salah Ayari a souligné également que l’Etat a prévu des mesures qui ne peuvent pas résoudre d’une façon efficace le problème de l’investissement et du chômage.
Des incitations fiscales à inclure dans le Budget 2013
Concernant le Budget 2013 en termes de fiscalité, l’expert a indiqué que cette question mérite vraiment une étude approfondie pour se décliner dans des mesures concrètes dans le cadre de la réforme fiscale envisagée.
Il a suggéré, en effet, de mettre en place certaines mesures comme la réduction des taux de l’impôt sur les sociétés afin d’alléger la charge fiscale de l’entreprise tout en prévoyant un taux encourageant pour les petites et moyennes entreprises. L’objectif est d’encourager les entreprises à investir et à participer activement à la création des postes d’emplois.
Il a recommandé également de revoir le système d’imposition des dividendes afin d’éviter l’exonération des bénéfices distribués en Tunisie et qui supportent l’impôt dans le pays d’origine de l’investisseur et d’imposer les bénéfices et revenus provenant de l’exportation à des taux réduits afin de rapprocher les deux régimes off shore et on shore et d’éviter la fuite en avant qui a été caractérisée par le report de l’échéance d’imposition des entreprises exportatrices et qui a porté atteinte à la crédibilité de l’Etat .
Il a été aussi suggéré de supprimer les exonérations en matière de TVA afin de ne pas interrompre la chaîne de déduction, de rendre la TVA une taxe neutre au sens vrai du terme et d’éviter la rémanence fiscale.
Il s’agit aussi d’actualiser les déductions pour situation et charges de famille (enfants à charges, SMIGARD, chef de famille etc…) et reprendre la barème de l’impôt sur le revenu qui n’a pas été actualisé depuis 1990, afin de tenir compte de l’effet de l’inflation et d’assurer une équité fiscale au niveau des tranches de revenu.
Mohamed Salah Ayari a proposé enfin de procéder à une refonte totale du régime forfaitaire qui constitue le maillon faible du système fiscal tunisien pour que ne soient éligibles à ce régime que les vrais forfaitaires.
Khadija Taboubi