AccueilLa UNETunisie : Le gouvernement Jbali dira-t-il tout au peuple ?

Tunisie : Le gouvernement Jbali dira-t-il tout au peuple ?

Hamadi Jbali a assuré qu’il formerait son équipe «le plus vite possible, afin qu’elle soit au service du peuple », selon des propos rapportés par l’agence Tap. Il ne fait aucun doute que le nouveau chef de gouvernement, provisoire, focalisera toute son énergie sur les problématiques économiques auxquels la Tunisie fait désormais face.

On va oublier cette citation d’Albert Camus qui disait que «La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité» ce qui déplaît certainement à Jbali lequel affirmait, il y a quelques semaines, que la majorité n’était pas obligée de contenter la minorité, mais seulement rappeler à Jbali qu’il a pourtant, à notre sens, encore des préalables à sa prise du pouvoir. Le premier de ces préalables est qu’il dit la vérité, toute la vérité à ce peuple dont il revendique la légitimité. Il est ainsi primordial que le nouveau chef de gouvernement commence par concrétiser, devant son électorat pour ne pas le décevoir, la volonté de «rompre avec le passé» qui est si chère à tous les anciens opposants avant qu’ils n’accèdent au pouvoir.

Cela en soi commence par ne pas gérer de la même manière que celle adoptée par celui qui l’avait mis dix ans dans l’isolement carcéral. Ben Ali, ce n’est plus un secret, bâtissait ses différents gouvernements sur l’allégeance et la loyauté absolue à sa personne. La base de données dont il tirait ses anciens ministres, émettait, à chaque fois, un signal d’alarme, dans le cas où, dans le CV, il n’y avait pas une information concernant l’appartenance au parti au pouvoir. Le ministre était chaque fois automatiquement éjecté, au moindre ragot médisant du Chef de l’Etat, de son épouse ou de l’un de ses proches. Le ministre, qui n’avait pas de «dossier», faisait toujours l’objet de toutes les «attentions particulières» des services du ministère de l’Intérieur jusqu’à ce qu’il devienne «clean» à la manière du régime de Ben Ali. Les postes d’ambassadeur étaient considérés, soit comme une voie de garage, soit comme une mesure disciplinaire, soit encore comme une prise en charge médicale. Etre secrétaire d’Etat, c’était parfois une sorte d’ «œil de Moscou » à l’intérieur d’un ministère. Etre ministre, c’était aussi et surtout une récompense politique ou un tremplin pour un poste politique, jamais accordé selon la compétence et presque toujours un moyen de « tirer les marrons du feu» comme dirait l’adage bien connu. Etre PDG, c’était aussi un moyen d’accorder la fortune pour assurer le renvoi de l’ascenseur pour ses proches.

11 questions à Hamadi Jbali.

A la veille de l’annonce de son gouvernement, il est important que Hamadi Jbali apporte des réponses claires à ces questions : – Quels sont les critères de choix de ses ministres ?

– Fera-t-il appel aux compétences d’une Administration qui a su, malgré toutes les vicissitudes liées à l’ancien régime, sauvegarder l’intérêt public et assurer la continuité des services de l’Etat, ou alors versera-t-il simplement dans l’exclusion systématique, se mettant ainsi sur le dos une administration déjà indûment stigmatisée ?

– Sur quelle base a été faite la distribution des ministères entre les membres des trois partis ?

– Le peuple pourra-t-il prendre connaissance, préalablement si possible, de leurs CV et de leurs parcours pour pouvoir juger de leur loyauté et leur dévouement à la chose publique ?

– On pourrait même pousser le raisonnement jusqu’à demander, le cas échéant, qu’on y révèle le contenu de leurs «bulletins numéro 3», tant les mauvaises langues colportent des choses à ce propos ?

– Quels liens de parenté ont-ils, chacun, avec lui-même et avec les leaders de chaque parti de la troïka ? Cela démontrera certainement que Jbali ne sera pas une réplique de Ben Ali.

– Quels salaires et rémunérations leurs seront-ils servis ?

– Ont-ils déposé, à commencer par lui-même, auprès des services de contrôle, les états de leurs fortunes et biens personnels ? Cela sera certainement du pain béni pour la prochaine Commission d’investigation sur les faits de corruption.

– Si c’est le cas, ces états seront-ils rendus publics ? Et à défaut de publication, pourquoi alors dispenser le peuple de connaître toute la vérité sur le patrimoine de ceux qui vont tenir les rênes du pays, afin que ne se répète plus l’histoire des Trabelsi ?

– Quels rapports le gouvernement Jbali entend-il entretenir avec la presse tunisienne ? Lui dira-t-il toujours tout ? La laissera-t-il toujours tout dire sur son gouvernement sans s’exposer aux risques des geôles dont il connaît déjà les affres ?

– Le chef du gouvernement serait-il avisé de mettre en place un code de conduite ou de déontologie, auquel seront astreints les membres de son cabinet ? Le nouveau président, Moncef Marzouki, n’avait pas hésité à demander une trêve de 6 mois et solennellement déclaré qu’il démissionnerait s’il échouait. Il est difficile de croire quelqu’un qui évoquait, dans la même interview, la période de 18 mois, sachant que Marzouki n’a pas les pouvoirs de Ben Ali pour résoudre en 6 mois les problèmes d’un million de chômeurs, pour ne parler que de ceux-là.

Hamadi Jbali, plus confiant certainement, n’a jusqu’ici rien demandé. Son parti se prévaut, pour l’instant, de «la confiance du peuple». La confiance doit cependant régner des deux côtés du pouvoir, si l’on considère que la démocratie est le pouvoir du peuple. La confiance commence alors par ne rien cacher. «Demos Cratos est fides» diraient les fondateurs grecs de la démocratie dont Ennahdha fait usage pour gouverner la Tunisie.

Khaled Boumiza

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