AccueilLa UNETunisie-Terrorisme : Descente aux enfers ou repli stratégique ?

Tunisie-Terrorisme : Descente aux enfers ou repli stratégique ?

La Tunisie est-elle sur le point de gagner sa bataille contre le terrorisme ? La question a été soulevée une nouvelle fois à l’annonce de l’hypothétique arrestation de Seifallah Ben Hassine , alias Abou Iyadh ,chef des Ansar Chariâa .C’est vrai que la bataille livrée par l’Etat et la société contre le terrorisme est chargée de symboles , et l’arrestation d’Abou Iyadh n’en est pas le moindre , mais les symboles ne peuvent pas se substituer à la réalité du combat sur le terrain , et un coup de filet quelle qu’en soit la cible , ne peut inverser l’orientation de la lutte ou déterminer l’issue d’une bataille .

Le cours quotidien de la lutte contre le terrorisme intéresse le Tunisien, mais l’analyse, pour être complète et probante, doit s’inscrire dans une vision globale qui donne une idée sur la courbe générale des rapports de force réels et sa tendance. Les terroristes, qui sont maîtres dans la guerre psychologique, peuvent donner l’impression , à travers une dose élevée de violence ou une perfidie dans l’exécution d’un attentat , qu’ils sont en train de reprendre l’initiative , et ce dans l’espoir de compenser leur affaiblissement endémique. Seulement, l’observateur ne doit pas s’en tenir à ces faits saillants qui ponctuent le combat, sans en influencer l’issue.

Les instances de l’Etat sont laconiques et traitent apparemment les données se rapportant à la lutte contre le terrorisme comme si elles touchaient à la sécurité nationale, se contentant d’alimenter , au compte goutte , il est vrai , les couvertures et les analyses quotidiennes . Et devant ce manque de données, les observateurs s’interdisent d’avancer une quelconque tendance de peur d’être contredits par un développement qui les prenne à contrepied.

Malgré ce flou , on peut relever deux éléments clés dans cette situation . D’abord , les forces de sécurité ont arraché, à partir de fin juillet 2013, juste après l’assassinat de Mohammed Brahmi et du carnage des 8 soldats à Chaâmbi , une autonomie dans leur action contre les groupes terroristes .Ils n’attendent plus les directives de la hiérarchie politique et ne se sentent plus obligés de s’y conformer .Et on a assisté, depuis , non seulement au démantèlement en cascade des plusieurs cellules terroristes (celles de Ouardia , de Sousse ,d’Akouda , de Raouad , de Borj El-Amri et de Mornaguia etc…) , mais également à la mise hors d’état de nuire de réseaux qui fournissaient aux terroristes en fuite un soutien efficace. Jamais un groupe clandestin n’avait été auparavant informé en temps réel des résultats des dernières investigations et des aveux des détenus arrêtés dans la même affaire , ce qui a facilité l’activité des terroristes , et éclairé leur lanterne sur les données les concernant entre les mains des services de sécurité .

Le climat bienveillant dont ils bénéficiaient, était le deuxième élément qui faisait leur « force », a fini lui aussi par se dissiper . Instauré sur la base d’un découpage politique situant la ligne de démarcation entre « défenseurs » et « pourfendeurs » de l’islam , cet élément faisait d’eux des gens fréquentables , et des groupes nullement dangereux qui avaient leur mot à dire dans les affaires du pays. Mais, cet élément a cessé d’exister et la confusion et la suspicion qui ont entaché , en conséquence , la scène publique, ont fini par disparaître .

Et, suite à cette nouvelle posture des forces de sécurité et les illusions sur la cartographie politique ayant volé en éclats, les terroristes se sont trouvés à découvert et leur essoufflement est devenu patent .

Attaqués dans leurs retranchements stratégiques et privés d’une partie de leur appui logistique , les terroristes avaient l’air d’être pris au dépourvu . Ils ont été acculés à battre en retraite, et leur base arrière a perdu de sa fonctionnalité. Et on se souvient des terroristes arrêtés, en automne dernier , à la périphérie des hauteurs de Chaâmbi et de Sammama qui étaient à bout de force et en état d’exténuation extrême.

Les terroristes ont bâti leur stratégie sur un investissement à long terme, tablant sur un climat social et sécuritaire instable qui s’étalerait dans le temps, sur des frontières qui resteraient ouvertes à volonté et sur des complicités efficaces dans les structures de l’Etat et au niveau régional .Leur point d’appui sera dans les montagnes du Centre-ouest et du Nord-ouest, de Jendouba à Kasserine , et dans les quartiers populaires des grandes villes et surtout du Grand-Tunis . Ces hauteurs étaient un cadre idéal pour le stockage de l’armement, la formation des jeunes recrues aux techniques de la clandestinité et au maniement des armes , le repli des assassins « grillés » et recherchés , et un point de ralliement des dirigeants de la nébuleuse terroriste internationale .Leur présence dans les villes servait à collecter les informations ,au recrutement et à la logistique .

Les revers inattendus, depuis fin juillet 2013, ont poussé ces groupes terroristes à improviser la constitution d’un autre maillon intermédiaire de leur chaîne stratégique qui ne comportait à l’origine que deux points d’appui : les hauteurs de l’Ouest du pays et les villes et surtout les quartiers populaires. Leur présence dans les zones rurales, à Goubellat et Sidi Ali Ben Aoun et dans d’autres lieux, est devenue donc nécessaire .Or, ces maillons ont été découverts et durement détruits , malgré la présence de dirigeants terroristes aguerris et particulièrement redoutables, comme Lotfi Zine et Ahmed Rouissi dans ces bases rurales .

Les attentats à l’explosif dans deux villes touristiques du Sahel, Sousse et Monastir, et les menaces d’autres attentats dans les villes paraissent répondre à une troisième phase après l’échec des deux premières .Et cette troisième qui était conçue pour afficher la bonne santé de ces groupes , a présenté les signes d’une improvisation extrême : un amateurisme évident , qui montre que ces attentats répondent plus à un besoin de communication plutôt qu’à une nécessité opérationnelle , qui s’inscrit dans une logique de prise de pouvoir comme ils le disent pour le cas de la Tunisie et le mettent en œuvre pour celui de Libye , de Syrie, du Yémen , de la Somalie , du Waziristan et de l’Irak , en instaurant des zones autonomes.

Cette stratégie conçue pour le moyen et le long terme a été, sous l’effet des contrariétés, déployée , à la va-vite , dans des zones inappropriées , et menée de manière improvisée , avec des agents mal préparés . Les opérations engagées dans ce cadre, ne correspondant à aucune force réelle sur le terrain des groupes qui les accomplissent, ont envoyé de faux messages à l’opinion publique et aux observateurs. Elles se sont inscrites à l’enseigne d’une guerre psychologique qui veut entretenir l’illusion que ces groupes sont toujours actifs parce qu’ils peuvent faire mal en s’attaquant aux forces militaires et de sécurité , aux établissements touristiques et aux centres commerciaux dans les zones urbaines .Mais la réalité montre que ces groupes sont réellement aux abois , et cherchent , par manque de stratégie cohérente et efficace ,à occuper l’espace médiatique , et faire croire à l’opinion publique qu’ils sont toujours actifs, puissants et peut-être redoutables .

Aboussaoud Hmidi

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