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Voici les deux scénarios également troublants si le gouvernement fait chou blanc !

Rompant avec la lénifiante promesse, presque l’engagement qu’il rendra sa copie avant même la forclusion du délai prescrit par la Constitution, le chef du gouvernement désigné, Habib Lejmi, s’est dessillé en chemin pour constater combien est éreintante la tâche de former un gouvernement, avec , surtout, une échiquier politique aussi bariolé et un parlement qui tire à hue et à dia. Et le moratoire qu’il a sollicité et obtenu du président de la République ne devrait pas, non plus, lui être de tout repos.

Les Tunisiens, dans leur majorité, rongent leur frein, et leur patience s’essouffle. Une experte avertie et confirmée des affaires tunisiennes, Sarah Yerkes du Programme Carnegie pour le Moyen-Orient, estime que « si le nouveau gouvernement ne parvient pas à susciter la croissance économique et le changement social dans les régions marginalisées de l’intérieur et du sud, le pays pourrait se retrouver dans l’une des deux situations tout aussi troublantes : une agitation massive semblable aux soulèvements de 2011 ou un retour à l’autoritarisme ». Voilà pourquoi, plaide-t-elle, « il est crucial que le nouveau gouvernement trouve le moyen d’aller de l’avant avec des réformes économiques politiquement risquées mais nécessaires qui, à long terme, apporteront une réelle amélioration dans la vie des Tunisiens ».

Une frustration chiffrée

La frustration des Tunisiens est on ne peut plus patente. Selon un récent sondage du Baromètre arabe, 66 % d’entre eux estiment que le gouvernement fait un « mauvais » ou « très mauvais » travail pour limiter les disparités économiques et sociales entre les régions et seulement un tiers des répondants pense que la situation économique va s’améliorer dans les deux ou trois prochaines années. De plus, la confiance dans le gouvernement est extrêmement faible. Les trois quarts des Tunisiens disent qu’ils ne font pas confiance au gouvernement ou au Conseil des ministres, 78 pour cent au parlement et 84 pour cent aux partis politiques.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les Tunisiens aient élu cet automne un nouvel attelage de personnalités pour les représenter au niveau national. Le président Kais Saied est un nouveau venu politique qui s’est présenté sans l’aide d’un parti politique et qui s’est engagé à éradiquer la corruption persistante qui continue de sévir dans le pays malgré la destitution du président autocrate Zine el Abidine Ben Ali en 2011. Et le Premier ministre désigné Habib Jemli, qui n’a pas non plus d’états de services politiques importants, a été choisi par le parti Ennahda parmi plusieurs autres personnalités politiques aguerries et s’est engagé à donner les ministères régaliens – intérieur, justice, défense et affaires étrangères – aux indépendants politiques.

Le nouveau gouvernement est soumis à d’énormes pressions pour qu’il fasse ce que ceux qui l’ont précédé n’ont pas pu faire – réduire le chômage des jeunes, uniformiser les règles du jeu pour ceux du sud et de l’intérieur du pays, accroître la croissance économique, réduire l’inflation, améliorer le climat des investissements et éliminer les entreprises corrompues qui restreignent l’espace des entrepreneurs et des petites entreprises et retirent les fonds nécessaires de l’État.

Sarah Yerkes, lors d’un séjour en Tunisie à l’occasion de l’élection présidentielle, a constaté que « les électeurs, en particulier les jeunes, considéraient la corruption comme l’un des problèmes les plus nuisibles au progrès de la Tunisie. Saied a fait campagne sur un programme anti-corruption et a remporté une victoire écrasante (73 pour cent des voix)….mais sa capacité à tenir ses promesses électorales dépend en grande partie de ses relations avec le Parlement, qui a compétence sur les questions intérieures ».

On peut espérer que Jemli, qui, s’il parvient à former un gouvernement, sera le premier haut responsable issu des régions de l’intérieur du pays à être plus conscient des besoins de ceux qui viennent des régions traditionnellement marginalisées. Mais avec un gouvernement assez fragmenté, les plus grands partis ayant obtenu moins d’un quart des sièges au Parlement (Ennahdha avec 24 % et Qalb Tounes avec 18 %), et chargé de défendre des intérêts très divers, il peut être difficile de parvenir à un consensus, ce qui entraîne des politiques diluées et peu de décisions risquées, souligna Carnegie.

Retour vers le passé !

« Alors que les transitions démocratiques peuvent prendre des générations à réussir, pour les Tunisiens qui cherchent une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs familles, neuf ans, c’est long pour attendre un changement significatif. Ainsi, si ce nouveau gouvernement ne peut pas changer le cours de l’économie du pays, il est probable qu’au cours des prochaines années, l’appui à la démocratie continuera de décliner et que l’on se détournera encore plus radicalement des voies politiques officielles comme les élections et l’activisme civique pour exiger des changements. Cela pourrait amener la Tunisie à l’aube d’une nouvelle année 2010 – avec des manifestations de masse qui commenceraient à l’intérieur du pays et résonneraient dans tout le pays. Ou encore, cela pourrait renforcer le soutien à des acteurs politiques tels que la  députée Abir Moussi et son Parti Destourien Libre, qui se sont opposés avec force à la révolution de 2011 et à la volonté de revenir à des pratiques plus autoritaires et qui ont remporté 17 sièges sur les 217 que compte le parlement, ce qui montre que le nombre des électeurs qui souhaitent revenir dans le passé est en augmentation ».

L’un ou l’autre résultat serait préjudiciable à un pays qui a besoin de stabilité pour survivre. Car nombre des défis économiques à relever exigent une croissance du tourisme ainsi que des investissements et des prêts des bailleurs de fonds internationaux. Il incombe donc au nouveau gouvernement, une fois en place, d’entreprendre une tâche extrêmement difficile : élaborer rapidement des réformes économiques et sociales claires et efficaces qui apporteront les changements positifs nécessaires, tout en trouvant un moyen de prévenir les épreuves et vicissitudes à court terme qui risquent de survenir avant que le pays ne réalise des gains à long terme, conclut Carnegie.

Traduction & synthèse : AM

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