AccueilLa UNETunis-Mehdi Jomaa : Véritable antidote ou simple placebo ?

Tunis-Mehdi Jomaa : Véritable antidote ou simple placebo ?

Deux jours déjà avant l’issue du Dialogue national, Ali Larayedh disait sous le rire réjoui de d’Abdelwaheb Maâtar «quelle différence y aura-t-il entre le 14 et le 15 décembre ?». L’ancien chef du premier gouvernement nahdhaoui, Hammadi Jbali, n’aurait pu mieux dire.

Le Dialogue national, qui marchait à pas d’âne, depuis le 25 octobre, date de tenue de sa première réunion, l’a décidé. Mehdi Jomâa, pur produit technocrate, selon son CV, sera le 3ème chef de gouvernement de la transition et le 5ème premier ministre depuis la chute de Ben Ali. Mehdi Jomaa a aussi été le candidat de dernière minute, puisque tout le Quartet semblait discuter jusqu’au dernier moment des noms de candidats comme Ahmed Mestiri, Mohamed Ennaceur ou Jalloul Ayed. Beaucoup de choses se disent à propos de Mehdi Jomaa sur les réseaux sociaux. On trouve par exemple qu’il serait de tendance nahdhaouie et qu’il serait en relation de parenté avec un ministre nahdhaoui. Mais tout cela ne serait, selon nos informations, que  pure fiction.

A 51 ans, celui qui deviendra en mars dernier ministre de l’Industrie, a une formation d’ingénieur, diplômé de l’École nationale d’ingénieurs de Tunis(ENIT), en 1988, et titulaire d’un DEA en mécanique, calcul et modélisation des structures. Le nouveau chef du gouvernement tunisien avait fait sa carrière au sein d’Aerospace, une filiale du groupe français Total. En 2009, il devient directeur général de la division aéronautique et défense et membre du comité de direction, supervisant six filiales implantées en France, aux États-Unis, en Inde et en Tunisie.

Par neuf voix contre sept et malgré le retrait de Nida Tounes et l’abstention du Front Populaire , l’actuel ministre de l’Industrie dans le gouvernement Larayedh, sera celui qui le remplacera à la Kasbah. Les dés sont donc jetés et le Quartet devrait se réunir, dès la semaine prochaine, pour mettre à jour le calendrier de sa feuille de route. C’est cette nouvelle feuille de route de l’initiative de l’UGTT qui déterminera la date du départ effectif d’Ali Larayedh et de l’installation de Jomâa. Il faudra avant cela, y mettre les formes constitutionnelles .Larayedh doit présenter officiellement sa démission au chef de l’Etat. Il faudra aussi passer par la case Moncef Marzouki qui devra en saisir l’ANC et inviter le parti de la majorité à lui présenter son candidat, en saisir de nouveau l’ANC et c’est l’Assemblée Nationale Constituante qui décidera par un vote de la candidature de Mehdi Jomâa après avoir pris connaissance de  son programme d’action.

Mais avant tout cela, devraient débuter ,dès lundi , les négociations pour le choix du nouveau cabinet . Se poseront alors diverses questions. D’abord sur le plan politico-politicien. On ne sait ainsi pas si ce gouvernement ne sera pas une simple «Troïka-Ter» avec les sempiternels ministres CPRistes et nahdhaouis comme Maâtar, Ben Hamidane, les Ben Salem et les autres. On est presque sûr que les ministres du CPR qui pourraient ne pas figurer dans le prochain gouvernement seront repris par Moncef Marzouki où ils iront alourdir le budget de la présidence de la République. On ne sait pourtant pas encore si les dizaines de Conseillers qui forment le «gouvernement de l’ombre» ne seront pas renforcés par les ministres nahdhaouis qui pourraient ne pas être repris par Mehdi Jomaa. On ne sait pas, en bref, si le gouvernement du 5ème premier ministre depuis la révolution pourra être un gouvernement, non partisan, réellement indépendant et donc capable de vaquer à sa mission première, celle  de préparer les conditions les meilleures pour les prochaines élections. On ne sait pas non plus, ce qui sera permis de faire à un gouvernement dont les objectifs pourraient croiser et ne pas aller de pair avec ceux purement partisans de la Troïka qui règne sur l’ANC.

Les questions se posent ensuite, sur le pur plan technique du fonctionnement du prochain gouvernement de Mehdi Jomâa lorsqu’il sera enfin formé. En théorie, sa mission première sera de préparer les prochaines élections. Il sera, pourtant, le gouvernement que toute la Tunisie avait attendu, pendant presque 2 mois, comme on attendrait le Messie.

La Tunisie souffre, depuis le gouvernement de Hammadi Jbali, d’une situation économique suffocante. Les institutions financières internationales rechignent de plus en plus à donner crédit à une Tunisie dont les propres ressources vont à des recrutements qui ne créent aucune valeur ajoutée. Des ressources allouées à des budgets de fonctionnement qui augmentent et à des budgets de développement qui n’arrivent pas à se concrétiser. On ne sait pas  ce que pourra faire ce nouveau gouvernement avec par exemple un budget et une loi de Finances faits par d’autres. La Tunisie fait aussi face, avec les moyens du bord, au terrorisme et tous les trafics qui y sont liés. Elle vit aussi une situation sécuritaire encore précaire et une situation sociale encore instable. On ne sait pas, non plus, s’il sera capable et s’il aura le temps de réaliser un des points importants de l’initiative de l’UGTT et du Quartet qu’est la révision des centaines de nominations par lesquelles Ennahdha a noyauté une Administration qui aura la charge de gérer les prochaines élections. On ne sait pas s’il pourra tenir l’UGTT et retenir Al Qaïda et Ansar Chariaâ.

Mehdi Jomaa, sera dans la non-enviable situation d’être à la tête d’un gouvernement dont 10 millions de Tunisiens attendront plus qu’il ne peut donner et que des milliers d’autres attendront au tournant.

Managérialement parlant, le nouveau chef du prochain gouvernement ne pourra être plus qu’un simple commis de l’Etat dans un gouvernement de simple gestion courante. Il devra pourtant savoir éviter les mines anti-personnelles de l’ANC sous forme de projets de lois divers.

Politiquement, Mehdi Jomâa devra savoir donner la juste impression à tous les partis politiques qu’il n’est à la solde d’aucun d’eux, ni sera l’instrument d’aucun de ceux qui tiennent l’ANC. En un mot, faire dès les premiers jours les preuves irréfutables de son indépendance.

Tout cela saura-t-il constituer un signal positif pour les instances financières internationales, pour les pays partenaires économiques, pour les investisseurs étrangers et pour les agences de notation ?

Ka Bou

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