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Tunisie : Le «pousse-au-crime » du ministre qui dit «faites très vite, nous avons besoin d’argent».

Installé par décret-loi, le Juge Adel Ben Ismaïl vient d’être écarté, par simple décision du ministre, de la Commission de la Confiscation et démis de ses fonctions de président d’un des plus importants outils de la justice transitionnelle.

Son tort, comme le lui a fait indirectement comprendre le ministre des Domaines de l’Etat, Salim Hamidane auquel l’initiative du renvoi du juge Ben Ismaïl revient, est d’être trop méticuleux dans la recherche et l’investigation et pas assez rapide dans les décisions de confiscation. « Investiguer et faire le suivi, n’est pas le plus important. Ce qui l’est, c’est la prise rapide de décision», s’est ainsi exprimé le jeune ministre CPRiste, ce vendredi, lors de l’installation du juge Néjib Hnane en lieu et place de Ben Ismaïl. Diplomatiquement, le ministre évite, lorsque nous lui parlons, de parler d’erreur ou de démission. Il parle plus volontiers, d’alternance aux  postes et n’en démord pas, même lorsque nous lui rappelons que c’était le même terme utilisé pour les nominations dans les gouvernements de l’ancien président Ben Ali. Il nous mène alors sur le terrain de la qualification «plus grande » du juge Néjib Hnane. Il est vrai que ce dernier, avec 30 ans dans les rouages de la justice assise, debout et immobilière, pourrait présenter quelques atouts supplémentaires, même s’il n’est pas loin de la retraite. Le ministre des Domaines de l’Etat finira par dire, devant notre insistance à connaître les raisons de cette démission, que «c’est peut-être, en effet, une tentative ; de notre part, d’activer la Commission afin qu’elle atteigne au plus vite nos objectifs, et le temps est un facteur très important».

S’adressant ensuite directement au nouveau venu, Ben Hamidane l’interpelle même, avec son sourire habituel, par un «Nous vous demandons la vitesse, la vitesse et la rapidité».

 

«Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse» de l’argent de la vente.

Le ministre des Domaines de l’Etat est en fait poussé, dans cette réaction, par le besoin d’argent pressant de son gouvernement. Le Gouvernement de Hamadi Jbali vient, en effet, de porter la somme à allouer au budget, à partir de la confiscation, à 1200 MDT. La budgétisation est déjà faite. Jbali qui compte mettre sous sa coupe totale les commissions de la confiscation, de la gestion des entreprises confisquées et celle chargée de récupérer l’argent de Ben Ali et ses gendres évadés, est aussi pressé par le temps. Cette somme doit être ramassée en l’espace de seulement 9 mois. Il semble ainsi évident que tout ce qui a été confisqué, doit être vendu et liquidé au cours de ce court laps de temps.

Il est pourtant vrai que au regard d’un décret-loi de la confiscation qui ne permet aucun recours pour les confisqués et une définition toujours juridiquement floue de la notion de confiscation qui n’est pas appliquée en Tunisie, comme le voudraient toutes les lois et conventions internationales comme une punition complémentaire, les dérapages sont faciles.

Ministre et nouveau président de la confiscation, Néjib Hnane, s’en défendent bien sûr. «Les droits des gens sont garantis par la justice de la Tunisie de la Révolution », soutient  Salim Ben Hamidane comme une évidence. Il se borne  à expliquer par la suite, le manque de recours dans la loi de confiscation, lorsque nous le lui rappelons, par l’urgence de sa mise en œuvre.  

«Je ne reçois pas de directives, je coopère »

Le nouveau président de la Commission de Confiscation, semble déjà convaincu que la confiscation est juste et que «ce qui a été pris par la force doit être rendu par la force ». Et lorsque nous lui posons la question que «vous avez reçu aujourd’hui des instructions, du ministre et du gouvernement de faire vite, très vite. Est-ce que vous allez les appliquer ? », Néjib Hnane répond avec l’évidence de la conviction que «bien sûr » avant de se rattraper en précisant que c’est «la vitesse d’exécution dans  le respect de la loi». Se rendant compte que son protégé risquait ainsi d’empiéter sur  le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs, le ministre Ben Hamidane vole  ensuite à son secours pour indiquer que «même dans les démocraties, la séparation des pouvoirs n’annule pas la coopération et les recommandations dans le sens des intérêts supérieurs». On vous laisse, après cela, seuls juges de l’appréciation par les nouveaux dirigeants-anciens opposants, des principes qu’ils accusaient leurs anciens tortionnaires de piétiner.

Force ainsi est de constater qu’avec la démission d’un juge, jugé «lent dans la détente » et la nomination d’un nouveau président à la tête de la Commission de la Confiscation, cette dernière prend, à l’évidence et à grande vitesse, un nouveau tournant. Un tournant où les droits risquent d’être piétinés au nom de l’intérêt supérieur du pays. Un tournant où la vente, à la vitesse grand V, risque aussi de piétiner des années de respect des procédures administratives. Une vente qui oublie, d’ores et déjà, les entreprises clientes, sous-traitantes, créditrices et fournisseurs des entreprises confisquées. L’argent de la confiscation est déjà budgétisé pour les besoins de la loi de finances complémentaire, et cette dernière a oublié tout le tissu d’entreprises qui travaillaient, avec et pour les entreprises des familles confisquées. Elles attendront une autre Révolution !

Khaled Boumiza

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