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Kamel Jendoubi sort de son silence : “Le financement suspect émane du Golfe et de l’Europe”

Propos recueillis par Maha Gallela

Kamel Jendoubi, le ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Relations avec les institutions constitutionnelles et la société civile a accordé à Africanmanager une interview exclusive dans laquelle il a parlé du financement public et du financement extérieur dont bénéficient les associations pour financer le terrorisme et l’envoi des jeunes dans les zones de conflits.

Kamel Jendoubi a, sur un autre volet, dénoncé l’absence d’une commission chargée d’enquêter sur les associations suspectes ainsi que celle d’une coordination entre les administrations concernées.

Il a fait savoir, en outre, que les associations en Tunisie ne bénéficient que de 15 millions de dinars au titre du financement public, qualifiant ce montant de dérisoire et scandaleux, appelant à exonérer de l’impôt les petites associations et à exclure celles à vocation sportive du financement public.

 Interview:

Le nombre d’associations n’a cessé d’augmenter après la Révolution, comment peut-on expliquer cela?

On recense actuellement en Tunisie 18465 associations dont plus de la moitié ont été créées après la Révolution plus précisément entre la période allant du mois d’octobre 2011 au janvier 2012. Les autres ont émergé après la Révolution notamment durant la période entre le mois d’octobre 2011 et celui de janvier 2012. La hausse du nombre d’associations construites après la Révolution s’explique du fait que le décret numéro 88 avait rendu libre le travail associatif.

Au cours de cette période, la création d’une association n’était plus soumise à l’autorisation du ministère de l’Intérieur mais plutôt mais plutôt sur déclaration déposée auprès du gouvernement, lequel donnera un bon de livraison dans un délai d’un mois, donnant droit à l’association d’exercer son activité à partir de cette du dépôt du déclaration.

La Tunisie est-elle capable aujourd’hui de contrôler ce grand nombre d’associations?

Non, l’État ne serait pas en mesure de contrôler ce grand nombre d’associations à cause de l’absence d’une commission ayant vocation à enquêter sur les associations suspectes dont parlent par exemple les médias. Nous relevons également l’absence d’un numéro vert permettant aux citoyens d’informer les parties concernées en cas de dépassement.

Il est dit que le financement public est utilisé pour des affaires suspectes. Comment démêler le vrai du faux?

Toutes les informations qui circulent sur le financement public sont dénuées de toute vérité et il est trop difficile d’utiliser le financement public dans des affaires suspectes à cause de la faiblesse du financement accordé aux associations. On a élaboré un rapport et on l’a soumis au chef du gouvernement où nous avons indiqué que le financement public est trop peu voire honteux. En 2015, par exemple, l’État avait débloqué 106 millions de dinars au titre de financement public. En revanche, la grande partie est absorbée par l’union tunisienne de solidarité sociale (UTSS), les mutuelles relevant des administrations publiques et à besoins spécifiques. Les associations n’avaient bénéficié cependant que de 15 Millions de dinars.

D’une manière générale, le nombre d’associations qui ont commis des excès est encore inconnu. Ajoutons à cela, l’insuffisance et la non disponibilité d’informations sur la nature d’activités exercées par les associations. Au total, seulement 1832 parmi 18 mille associations avaient rendre leurs rapports relatifs à l’année 2014 à la cour des comptes.

Les associations ont-elles vraiment des difficultés à trouver le financement?

Le financement est handicap majeur devant les petites associations. Ajoutons à cela les difficultés fiscales dans la mesure où les associations sont appelées chaque mois à déclarer leurs dépenses et à payer des taxes. C’est ainsi que nous demandons à exonérer les petites associations de l’impôt et exclure les associations sportives du financement public puisqu’elles bénéficient du financement du ministère du Sport et de la jeunesse.

Certaines associations sont accusées de corruption et de financement suspect au point que le chiffre d’affaires de certaines associations dépasse parfois les 1 MD. Dans quelle mesure peut-on dire que cela est vrai?

Avant de parler de corruption, nous devons expliquer que selon le décret 88 de l’article 13, les associations constituées ont le droit à des litiges, de cession et la liberté dans la gestion des leurs propres ressources et biens. Elles peuvent aussi accepter des dons et de l’aide.

Il faut dire aussi qu’on n’a pas un cadre légal clair organisant les associations surtout en ce qui concerne la vérification de leurs sources de financement. Ajoutons à cela un manque de coordination entre les administrations concernées.

Au niveau législatif, il faut signaler aussi que les financements suspects ne passent pas par les voies légales et la grande partie des financements suspects ne passe pas par les comptes courants des associations.

Y a-t-il des associations impliquées dans de financement suspect?

Oui. Dans un rapport reçu de la part de la commission des analyses financières relevant de la Banque centrale de Tunisie (BCT), il a été constaté que le nombre d’associations corrompues ne dépasse pas les 1%, mais cela peut présenter quand même un danger pour le pays.

Le rapport de la BCT a révélé en outre que toutes les associations corrompues sont à vocation religieuse ou caritative.

Le même rapport a indiqué que le chiffre d’affaires de certaines associations est compris entre 100 mille dinars et 3 millions de dinars et que le financement est à 100% de l’extérieur provenant d’organisations à but non lucratif et se trouvant dans une large mesure dans le Golfe et en Europe et en Afrique dans une moindre mesure. Les soupçons de corruption ont concerné le financement du terrorisme et l’envoi des jeunes dans les zones de conflits ainsi que le blanchiment d’argent.

Et comment l’État pourra sanctionner l’association corrompue?

En se référant au décret 88 dans son article 38, il est impossible de geler les comptes bancaires ou postaux des associations sauf par décision judiciaire, ce qui signifie que l’État qui est représenté par le secrétariat général du gouvernement, ne peut ni fermer ni geler les activités d’aucune association. Par ailleurs, suite à notre demande de fermer 167 associations, le tribunal n’a réagi que pour 65 demandes.

On a demandé aussi de dissoudre 60 autres associations mais le tribunal n’a réagi qu’à une seule demande en prononçant la dissolution que d’une seule association, en l’occurrence les Ligues de protection de la Révolution (LPR).

C’est pour cela que nous avons soumis une demande auprès du chef du gouvernement pour qu’il nous donne plus de prérogatives et nous permette au moins de suspendre ou d’aviser l’association corrompue en attendant le jugement du tribunal.

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