AccueilLa UNETunisie-fiscalité : Un inventaire à la Prévert !

Tunisie-fiscalité : Un inventaire à la Prévert !

Le plus gros casse-tête qui agite actuellement le gouvernement a pour nom le projet de la loi des finances 2018. L’exercice est certes routinier, mais il prend cette fois-ci des allures qu’il ne serait pas outrancier de qualifier de gravissimes. Les rentrées fiscales sont rares et indigentes et les dépenses sont exponentielles. Les arbitrer prend rang d’exercice d’équilibrisme. Le trou de plus en plus béant des finances publiques ajoute au tragique de la question, alors que de toute part, fusent des demandes qui tiennent soit à des augmentations salariales, soit à l’emploi et au développement, soit encore à des besoins exprimés sous forme de protestations que l’Etat n’a guère les moyens de désamorcer sauf en capitulant.

Pourtant, et en croire maints experts et même des organisations dont notamment l’UGTT, l’argent existe, et l’Etat n’a qu’à aller le chercher chez ceux qui rechignent à payer leurs impôts à bon droit dus, mais aussi et surtout auprès de cette batelée d’aigrefins qui font profession de fraude et d’évasion fiscale qui opèrent à découvert et au vu et au su de tout le monde, sans parler bien sûr de cette catégorie de corporations poujadistes qui, à chaque loi des finances, font leur boucan d’enfer pour se soustraire à ce devoir hautement civique de payer ses impôts, à l’égal de tout assujetti. Additionnés, ces manques à gagner suffiraient à renflouer le budget de l’Etat, le dispenser de s’endetter à domicile et ailleurs, financer des projets créateurs d’emploi, atténuer autant que faire se peut les inégalités régionales et réfréner les récurrents accès de colère et d’agitation sociales.

Des milliards de dinars sont ainsi dans la nature. Ils sont soit thésaurisés, soit dépensés à des fins spéculatives et autres comme le démesuré investissement dans l’immobilier, outre l’injection dans le commerce parallèle et la contrebande, minant plus de la moitié de l’économie du pays et privant les caisses de l’Etat d’immenses subsides qui auraient servi à des financements de bon aloi et profitables à la communauté. En lieu et place, le gouvernement voit filer entre les doigts de colossales ressources auxquelles il a rigoureusement droit mais qu’il est incapable de récupérer, bien que l’autorité dont il est investi le lui permette sous toutes les formes possibles.

L’art de dilapider l’argent et de ne pas le récupérer !

Passons sur les empêchements politiques et leurs dérivés qui prennent en otage l’Etat au travers de camarillas, de partis, d’officines politiques et autres, qui frappent de paralysie un gouvernement censé être d’union nationale mais qui se retrouve désespérément livré à lui-même voire stigmatisé et poussé vers la sortie. Le fait est, cependant, que le système fiscal de la Tunisie y est pour beaucoup dans ce méli-mélo dont les affres se sont accentuées depuis 2011 sous l’effet de l’impéritie des équipes qui se sont succédé au pouvoir avec les dommages dévastateurs sur lesquels il est inutile de revenir. Ceci alors que l’une des priorités à laquelle il était comminatoire de s’attaquer était la fiscalité, nerf de la guerre de tous les Etats. On s’était mis à dépenser à droite et à gauche l’argent alors disponible sans s’interdire de dilapider le matelas laissé par le régime révolu, ni chercher à créer de la richesse au moins par le biais des mécanismes légués.

Pourtant, le pays comptait alors 685 000 contribuables, dont il est vrai 410 000 (80%) soumis au régime forfaitaire et ne contribuant que de 0,2% à la valeur globale des recettes d’impôt. Pour l’Etat, dont 65% des ressources du budget, soit l’équivalent de 20 milliards de dinars, proviennent des recettes fiscales, la lutte contre l’évasion fiscale est plus qu’une nécessité absolue. D’où l’urgence de lancer des réformes et de mobiliser des ressources pour le budget de l’Etat. Il s’agit de récupérer 5 milliards de dinars qui constituent les montants d’impôts impayés. A ce jour, ces fonds, sans doute davantage sont restés là où ils étaient et sont stockés. Il s’y ajoute le fait que seuls 33% des contribuables déclarent volontairement leurs revenus annuels. Dans le meilleur des cas, ce taux atteint 50%, grâce aux interventions des services de contrôle de cette direction, sachant qu’avant la révolution, plus de la moitié des contribuables déclaraient leurs impôts (58,7% en 2010).

Une remise à plat davantage qu’une réforme

Les appels à la réforme du système fiscal sont restés sans réponse. Ceux du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale à l’avenant. Le FMI, en particulier s’est égosillé à recommander une réforme « urgente » du système fiscal, notamment, le régime forfaitaire. « Ce régime supposé assujettir les microsociétés à un faible impôt forfaitaire, semble avoir fait l’objet d’abus graves avec 98% des contribuables qui se cachent derrière », note, pour sa part la Banque mondiale dans son célèbre rapport « la révolution inachevée ».

En fait, il ne devrait pas s’agir d’une réforme, mais plutôt d’une remise à plat de la fiscalité dans le pays, devenue quasiment obsolète et inefficace favorisant les abus et l’inobservance des règles fiscales. Un régime fiscal, du reste, d’autant plus compliqué, illisible et fourre-tout qu’il ressemblerait comme deux gouttes d’eau à un inventaire à la Prévert.

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